Chroniques d’un métier – Chapitre 3 – Les unités spécialisées dans l’espace
Sommaire de navigation
- 3.1 Le Département Espace-Satellites (ESA puis DSP)
- 3.2 La Division Espace (DES)
- 3.3 Le transfert à Toulouse
- 3.4 Alcatel Thomson Espace et Alcatel Espace (ATES)
3 – Les unités spécialisées dans l’Espace
3.1 – Le Département Espace-Satellites (ESA puis DSP)
Première partie – Le Département ESA dans la Division AVS
La création
Le 11 juin 1970, l’ordre de service n° 53, signé par Jean-Pierre Bouyssonnie, Directeur Général de Thomson-CSF, annonce que les activités et moyens des Divisions Matériels d’Avionique (MAV) et Matériels Aérospatiaux (MAS) sont regroupés au sein d’une nouvelle Division, la Division Équipements Avioniques et Spatiaux (AVS), placée sous l’autorité d’Alexandre Boudigues, à dater du 1er juillet 1970.
Dans un souci de clarté de la gestion, et afin de mesurer plus facilement la rentabilité de chacune des disciplines dont est chargée sa Division, Alexandre Boudigues décide de la scinder en plusieurs Départements responsables chacun de ses résultats ; c’est ainsi que naît le Département Espace-Satellites dont la direction est confiée à Jacques Chaumeron.
Ce dernier n’est pas un novice dans le «défrichage» de domaines nouveaux. Après avoir participé entre autres, à Thomson Gennevilliers au début des années cinquante, à l’étude du premier faisceau hertzien numérique et aux études de divers faisceaux hertziens militaires, il a dirigé pendant quatre ans, au Centre technique de défense aérienne du SHAPE, le service technique chargé de superviser la mise en place du réseau européen de communications à diffusion troposphérique de l’OTAN. À son retour à Thomson-CSF, en 1963, il a trouvé une occasion de «monter» au-dessus de la troposphère en étant affecté au bureau des activités spatiales dirigé par Vladimir Altovsky. Depuis, il est resté dans le domaine spatial en rejoignant en 1965 Gennevilliers, où, tout en revenant partiellement dans la troposphère, où il a participé à la réalisation du réseau «Vestale» de la force nucléaire stratégique, il a également participé à divers projets spatiaux dont les débuts de Symphonie.
L’ordre de service n° 60 de Jean-Pierre Bouyssonnie, daté du 3 juillet 1970, fait mention d’un Département Espace. Cette dénomination fait l’objet de quelques remarques car des équipements au sol tels que les stations terriennes de télécommunications ou certains radars, considérés comme faisant partie du domaine de l’espace, ne sont pas du ressort du Département. Certains proposent de l’appeler Département Satellites. Finalement, après quelques discussions, il est convenu de l’appeler Département Espace-Satellites, compromis qui satisfait à peu près tout le monde.
Le sigle correspondant, ESA, aura une durée de vie limitée. Lorsque, à la suite de la fusion entre l’ESRO et l’ELDO, l’Agence Spatiale Européenne nouvellement créée adopte le même sigle ESA (European Space Agency), le Département préfère changer de sigle et, à partir de la seconde moitié de 1974, il sera appelé DSP.
La note d’organisation de la nouvelle Division AVS, parue le 7 juillet 1970, donne quelques précisions sur l’organisation provisoire du Département ESA.
Dans une première phase, le Directeur du Département a autorité sur les services commerciaux Espace ainsi que sur le Bureau Spatial et l’antenne toulousaine de l’ex-Division MAS. Il reçoit, de plus, du Directeur de la Division AVS, une «délégation permanente lui permettant de traiter, à l’intérieur et à l’extérieur de la Division, tous les problèmes relatifs à l’espace et qui sont du ressort de la Division AVS».
Enfin, il est chargé, «dans le cadre de l’étude générale des structures futures de la Division», de proposer la constitution et l’organisation du Département.
La mise en place et les perspectives
Il faut, en premier lieu, constituer une équipe de direction pour compléter l’équipe initiale composée de deux personnes : Jacques Chaumeron et son adjoint Jean-Paul Guinard. Au Service Commercial de la Division MAS, deux ingénieurs commerciaux issus de la Direction de l’Électronique Spatiale de CSF, Guy Muzard et Yves Farbos, sont spécifiquement affectés à l’espace. Ils constituent donc le noyau de départ du Service Commercial du nouveau Département.
Plus tard, dans le courant de l’année 1971, Pierre Gautier, qui a la charge des activités spatiales à la Division Télécommunications de Gennevilliers, et donc des divers marchés de matériels de télémesure et télécommande que cette Division a gagnés depuis 1964, vient prendre la direction du nouveau Service Commercial du Département ESA.
Le Bureau Spatial, dirigé par Henri Familier, qui coordonne les activités spatiales dispersées dans différents services de la Division MAS, n’est pas maintenu lorsque Henri Familier décide de suivre Louis Julien-Binard à la Division Systèmes Électroniques. Le besoin d’un tel bureau de coordination diminuera au fur et à mesure de la constitution de services spécifiques de l’espace et de leur intégration au nouveau Département.
L’antenne de Toulouse, qui a été implantée en 1968 pour assurer une liaison permanente avec le CNES, récemment décentralisé de Brétigny-sur-Orge à Toulouse, ne comprend que deux personnes, Marcel Florand et un technicien qui l’assiste. Son financement est partiellement assuré par de petits travaux de sous-traitance effectués pour le CNES. Cette antenne ne sera pas maintenue au-delà de l’année 1970.
Avant d’aller plus loin dans l’organisation du Département et dans la définition de ses effectifs, il faut d’abord évaluer les perspectives d’avenir. Au-delà des programmes en cours, dont les principaux sont Symphonie, Intelsat IV et Helios, qui apporteront une charge de travail substantielle pour les deux années à venir, le futur n’apparaît pas sans quelques difficultés. Les programmes scientifiques prévus par l’ESA et le CNES ne peuvent suffire à assurer la continuité.
À l’automne de 1970, Jacques Chaumeron et Jean-Paul Guinard ont à préparer ce qui, à l’époque, est appelé Plan Produits, précurseur du PMT (Plan à Moyen Terme) et qui définit les perspectives pour les cinq prochaines années.
N’ayant que peu d’expérience de ce genre d’exercice, les deux auteurs présentent un plan qui ne s’appuie que sur des marchés pratiquement assurés à 100 %. La présentation de ce plan le 20 novembre est loin d’être un succès et le verdict de la Direction Générale est l’équivalent d’un «devoir à refaire». Il faudra, un mois plus tard, le 18 décembre, présenter un plan nettement plus volontariste, qui sera accepté. Heureusement, l’avenir montrera que ces dernières prévisions auront été correctes et ce n’est qu’au-delà de la période couverte par ce plan, à partir de 1975, que la conjoncture commencera à se détériorer.
La première organisation
La définition et la mise en place de l’organisation du Département ESA seront assez longues et dureront en fait jusqu’en janvier 1972, date de parution de la première note d’organisation.
Il faudra peu à peu, dans le personnel de l’ex-Division MAS, dégager les personnes qui seront affectées uniquement aux activités de satellites. Ce sera chose simple pour les services techniques dirigés par Willy Martini et Roland Gosmand, ainsi que pour le montage-câblage spatial, déjà installé en salle blanche. Ce sera beaucoup plus compliqué pour le reste de la production, le Bureau d’Études, le Service Technique Hyperfréquences et Antennes et les services administratifs.
Jean-Paul Guinard ayant décidé de quitter la société en 1971, il faut également étoffer l’état-major. Le Service Commercial étant déjà encadré par Pierre Gautier, il faut trouver un autre adjoint au Directeur, qui serait chargé d’encadrer les services techniques et industriels.
Le choix se porte sur Guy Leconte qui était, jusque-là, détaché au groupe de projet Symphonie, groupe d’une centaine d’ingénieurs et techniciens issus des sociétés participant au programme et installés à l’Aérospatiale, aux Mureaux, sous la direction de Pierre Madon. Malgré les protestations de ce dernier, Guy Leconte, qui est son adjoint direct, responsable de l’électronique du programme, est «rapatrié» à Vélizy pour prendre les fonctions de chef des services techniques et industriels. Il est remplacé au groupe Symphonie par Jacques Dussine qui vient du centre de Malakoff de la Division AVS.
La note d’organisation n° 1 du Département ESA paraît le 31 janvier 1972. Elle définit, en premier lieu, le domaine du Département qui est reproduit ci-dessous in extenso.
«Le domaine du Département ESA comprend tous les matériels et les dispositifs associant les divers équipements embarqués à bord de satellites, les équipements de fusées sondes et de ballons, ainsi que les matériels à bord des lanceurs de satellites, pour toutes applications militaires et civiles.
Le Département ESA est pilote du domaine. Il s’appuie sur les compétences des unités spécialisées pour la mise en œuvre des techniques telles que télécommunications, télévision, contrôle du trafic aérien, magnétisme.
Les matériels d’essais à terre des équipements embarqués font également partie du domaine du Département.
D’autre part, il est précisé que le Département est normalement maître d’œuvre des systèmes que constituent les satellites proprement dits et, par extension, des systèmes d’équipements dans lesquels les satellites constituent l’élément majeur. Pour ces derniers, lorsque la dimension du projet dépassera les capacités du Département, la Direction de la branche Équipements se réserve le droit de donner la maîtrise d’œuvre à l’organisme le mieux adapté.»
Cette définition du domaine est le résultat de compromis qui, bien qu’ayant été mis au point en 1972, seront confirmés d’année en année au point que certains sont encore, au moins partiellement, valables au moment où ces lignes sont écrites.
La nécessité de créer une unité homogène spécialisée dans les matériels de satellites est justifiée par les contraintes particulières imposées à ces matériels en ce qui concerne leur fiabilité. Il faut créer dans cette unité une technicité et surtout un état d’esprit particulier concentrés vers un même but, sans risquer de les détériorer par une dispersion vers d’autres disciplines où les contraintes peuvent être très différentes, voire opposées.
Si on a, au début des activités spatiales, assuré la fiabilité à tout prix, on tentera avec un certain succès, par la suite, de faire un meilleur compromis prix-fiabilité afin d’améliorer la compétitivité. L’esprit de rigueur qui a toujours régné au Département ESA et chez ses successeurs jusqu’à Alcatel Espace permettra généralement de maintenir ce compromis dans des limites acceptables. Il n’en sera pas de même dans certaines sociétés étrangères où la simplification exagérée des exigences de qualité assurera, certes, une compétitivité temporaire sur le plan des prix, mais nécessitera un rapide retour en arrière après quelques échecs dus à une fiabilité insuffisante.
Cette création d’une unité spécialisée est donc, a priori, séduisante mais certains inconvénients ne peuvent être évités. Le premier Plan Produits montre que les chiffres d’affaires prévisionnels peuvent «nourrir» un effectif de l’ordre de trois cents personnes. Mais ce nombre est insuffisant pour permettre de rassembler, dans les services techniques, toutes les compétences nécessaires pour mener à bien les études dans les différentes disciplines de l’électronique des futurs satellites, qu’ils soient scientifiques ou d’applications.
Il faut prévoir que certaines études seront sous-traitées à des unités a priori plus compétentes dans certains domaines techniques. Là encore, ce n’est pas si facile qu’on pourrait le croire. D’après certains, il suffit que l’unité en question étudie le matériel jusqu’au stade de la maquette puis transmette cette dernière et le rapport d’étude au Département ESA qui se chargera de «spatialiser» le matériel. Cette vue simpliste des choses conduit immanquablement à une reprise importante de l’étude au moment de la «spatialisation», et, par conséquent, à des travaux et des dépenses qui auraient pu être évités.
La solution de ce problème consiste à donner un droit de regard au Département ESA sur les travaux d’études dès leur début, afin qu’il soit tenu compte dans les moindres détails des contraintes particulières imposées par le fonctionnement en ambiance spatiale et par les exigences de fiabilité. Ce droit de regard va parfois jusqu’au détachement temporaire d’un représentant du Département dans le service technique chargé de l’étude.
L’attribution au Département ESA de la responsabilité des matériels d’essais à terre des équipements embarqués n’est la source d’aucune difficulté. En fait, la plupart de ces matériels sont en général sous-traités car le Département, bien équipé pour la réalisation des matériels embarqués, ne l’est pas pour réaliser des matériels au sol dans des conditions économiques acceptables.
Au contraire, le mot «système», qui figure dans la dernière partie de la définition du domaine, est, au début des années soixante-dix, un mot «magique», origine de nombreux conflits.
En premier lieu, une Division Systèmes Électroniques existe à Thomson-CSF et peut légitimement revendiquer la maîtrise d’œuvre des différentes catégories de systèmes mettant en œuvre des satellites (télécommunications, télévision, observation, contrôle du trafic aérien, etc.). Force est cependant de constater qu’à cette époque la plupart des contraintes dont on doit tenir compte dans la conception du système sont imposées par le satellite lui-même, la plus évidente étant, par exemple, la limitation du poids de l’électronique embarquée due aux capacités limitées des lanceurs. C’est à partir de telles considérations qu’est attribuée au Département ESA la responsabilité des systèmes «où les satellites constituent l’élément majeur», avec toutefois une réserve pour les projets d’une trop grande envergure par rapport aux moyens limités au Département.
L’un des premiers exemples de la mise en pratique de ces directives est le projet Aerosat qui, dès 1975, vise à assurer le contrôle du trafic aérien transocéanique par l’intermédiaire de satellites. Pour préparer la proposition de ce satellite où Thomson-CSF a obtenu la maîtrise d’œuvre au sein du consortium STAR, le Département ESA dirige un groupe de projet où figurent des représentants de la Division TVT, responsable du domaine du contrôle du trafic aérien. Malheureusement, le projet Aerosat n’entrera pas dans sa phase de réalisation.
Après la définition du domaine, la note d’organisation définit les responsabilités des différents services, qui sont les suivants :
– les Services Commerciaux, dirigés par Pierre Gautier ;
– les Services Techniques et Industriels, dirigés par Guy Leconte et dont les détails doivent faire l’objet d’une note particulière ;
– le Service «Systèmes Spatiaux», dirigé par Claude Skenderoff et chargé des études de systèmes ou de la participation du Département aux études de systèmes mettant en œuvre des satellites ;
– les chefs de projet, désignés par le Directeur du Département pour prendre la responsabilité de la compatibilité des différents éléments de propositions ou du suivi des marchés ayant une importance particulière. «Le chef de projet se tient informé de tous les aspects du déroulement de l’affaire dont il est chargé et veille à la bonne exécution de cette dernière dans tous les domaines.»
L’organisation des services techniques et industriels précisée par la note du 27 octobre 1972 comprend :
– le Service Technique d’Électronique Spatiale (ES), dirigé par Roland Gosmand. Ce Service est chargé des études et réalisations de matériels dans les domaines des télécommunications de servitudes et du traitement de l’information. Sa compétence couvre en général les matériels fonctionnant à des fréquences inférieures à 1 GHz environ ;
– le Service Technique Hyperfréquences (HY), dirigé par Marcel Palazo et chargé des études et réalisations des matériels fonctionnant à des fréquences supérieures à 1 GHz environ. Ce service comporte une section Matériels Électroniques, dirigée par Jean-François Primard, et une section Antennes, dirigée par Bruno Vidal Saint-André. Plus tard, en 1979, cette dernière section deviendra un service à part entière ;
– le Bureau de dessin, dirigé par Jean Petrotchenko qui est également responsable de l’atelier Maquettes (Fabrication 2) ;
– le Service Fabrication Spatiale, dirigé par Francis Violet (Fabrication 1) ;
– le Service Qualité, dirigé par Charles Nicolaus. Il est composé de trois sections :
– la section Technologie, Composants, Fiabilité dirigée par Jacques Urien pour la technologie et Dominique Bouclier pour les composants,
– la section Contrôle, dirigée par Denis Bussy,
– la section Assurance de qualité, dirigée par Guy Couregelongue ;
– le Service Moyens d’Essais, dirigé par Vartan Hantcherian, qui couvre :
– les appareils de mesures,
– les moyens d’essais physicochimiques,
– les moyens de simulation d’environnement,
placés respectivement sous la responsabilité de Daniel Descharles, Claude Brun et Bernard Monnerie.
Dans une première phase, le Département ESA ne possède pas de services administratifs propres. Si l’on excepte la gestion des plannings qui est assurée par Jacques Vincent, rattaché au Bureau de Dessin, la gestion financière et la comptabilité sont assurées par Paul Pharisier, placé directement sous les ordres d’André Pacallet, chef des services de gestion de la Division AVS. De même, le Service du Personnel de l’usine de Vélizy n’est pas spécifique au Département ESA. Dirigé par Jean de Reilhac, assisté par Alfred Enaudeau et Yvette Leclère, il administre également les personnels de l’autre partie de la Division AVS encore localisée à Vélizy. Ce n’est qu’en 1974, après son déménagement à Meudon, que le Département ESA aura son propre Service du Personnel.
Au sein du Service Achats, une petite équipe, dirigée par Pierre Boutillon, se spécialise dans les achats de composants spatiaux et devient peu à peu le futur Service Achats du Département.
Les principales affaires de 1970 à 1974
À la création du Département ESA, le programme Heos A2 se termine. La charge des différents services est assurée par les programmes Eole, Helios, Symphonie et Intelsat IV dont les caractéristiques et le déroulement sont exposés dans des chapitres séparés.
Dans le cadre du consortium EST, pratiquement en cours de dissolution pour être remplacé par le consortium STAR, le Service ES prépare, fin 1970 et début 1971, une proposition pour le sous-système télémesure-télécommande du satellite COSB, de l’ESRO, le maître d’œuvre prévu étant Elliott-Automation. Cette affaire n’aboutira pas, le marché ayant été gagné par un consortium concurrent.
Toujours pour l’ESRO, mais cette fois dans le cadre du consortium STAR, c’est fin 1973 qu’est gagné le contrat du satellite scientifique géostationnaire GEOS où le Service ES est responsable du sous-système télémesure-télécommande. C’est durant cette période que démarrent les activités sur un certain nombre d’affaires qui, étant donné leur importance, font l’objet chacune d’un chapitre particulier :
– Aerosat à partir de 1971 ;
– Dialogue et Tiros N à partir de 1972 ;
– GEOS et Spacelab à partir de 1973 ;
– ISEE B à partir de 1974.
En liaison avec la Division DFH, une activité d’avant-projets et de propositions débute dès la fin de 1970 en vue du futur programme Intelsat V avec l’intention de participer à la proposition que doit soumettre la société Lockheed.
Les études préliminaires d’équipements en bande Ku destinés à OTS, futur satellite expérimental de télécommunications de l’ESRO, ont été entreprises par la Division DFH dès 1971. C’est à partir de 1973 que le Département ESA entreprend la réalisation des récepteurs et des multiplexeurs de sortie.
Dans le même domaine technique, le programme MAROTS, qui sera interrompu par la suite, démarre fin 1974 avec, pour le Département ESA, la fourniture prévue de récepteurs en bande Ku.
Le Service Systèmes, au cours de la même période, obtient et mène à bien, avec la participation des deux services techniques HY et ES, un certain nombre de marchés d’étude «papier» pour diverses administrations civiles et militaires. La liste en est la suivante:
Marchés civils
1971
• Pour le CNES
– faisabilité d’un répondeur à accès multiple pour Meteosat.
• Pour l’ESRO
– étude d’un système européen de télécommunications par satellite ;
– étude d’un système de contrôle de la navigation aérienne par satellite (cette étude, préliminaire au programme Aerosat, sera poursuivie en 1972).
1972
• Pour l’ESRO
– étude de l’adaptation du satellite de télécommunications européen à la télévision directe.
• Pour le CNES
– étude d’un radio-altimètre embarqué sur satellite (DORADE).
1973
• Pour l’ESRO
– faisabilité d’un système de télédétection par radar monté sur un satellite (SARSAT) ;
– ACS – étude d’un satellite de télécommunications avancé (Advanced Communications Satellite) ;
– définition du programme d’expérimentation des répéteurs de télécommunications et des antennes du satellite OTS ;
– étude d’un système de radiodiffusion sonore par satellites.
1973-1974
• Pour le CNES
– étude paramétrique d’une charge utile pour satellite de télévision éducative.
1974
• Pour l’ESRO
– étude de faisabilité d’un système embarqué de mesure de polarisation sur satellite stabilisé selon trois axes ;
– SARLAB, système de télédétection par radar monté sur la navette spatiale.
Marchés militaires
1970
• Pour la DTEN (Direction Technique des Engins)
– SATRAPE – étude de faisabilité d’un satellite d’écoute ;
– étude d’un système de transmission d’ordres par satellite.
1973
• Pour la DRME (Direction des Recherches et Moyens d’Essais)
– étude d’un satellite militaire de télécommunications.
• Pour la DTEN
– étude des nuisances causées à la Défense nationale par les satellites, et parades possibles.
L’évolution jusqu’en 1974 – le premier déménagement
Jusqu’en 1974, c’est-à-dire durant l’appartenance du Département ESA à la Division AVS, l’organisation demeure relativement stable. En février 1974, le Département quitte les locaux de Vélizy pour aller occuper un peu plus de onze mille mètres carrés dans un bâtiment nouvellement construit et désigné par le nom de bâtiment E, sur le terrain occupé à Meudon-la-Forêt par la Division TVT. Par la même occasion, les derniers personnels originaires de la Division MAS et appartenant au Département AVG (Avionique Générale) de la Division AVS rejoignent le centre de la rue Guynemer à Issy-les-Moulineaux.
Le Service du Personnel devient alors propre au Département ESA. Jean de Reilhac ayant été affecté à une autre unité du groupe, c’est son adjoint Alfred Enaudeau qui en prend la direction, toujours assisté par Yvette Leclère.
De même, les services généraux, dont Jean Unger a la charge, deviennent propres au Département. Plus tard, lorsque Jean Unger prendra sa retraite, la fonction «services généraux» sera rattachée à celle de l’ensemble du centre, assurée par TVT.
L’organisation et la planification du déménagement sont un modèle du genre. Grâce à une préparation particulièrement soignée, l’opération ne durera en fait que deux jours, et le fonctionnement de chaque service, ou fraction de service, ne sera guère interrompu plus d’une demi-journée.
Une des rares exceptions est provoquée par une cause extérieure et l’anecdote mérite d’être mentionnée. La distance à vol d’oiseau entre le bâtiment de Vélizy et celui de Meudon est de l’ordre d’une centaine de mètres. Mais cet intervalle est traversé par une multiple frontière, celle séparant le département des Yvelines de celui des Hauts-de-Seine, et, fait encore plus important sur le plan pratique pour l’administration des PTT, celle séparant, pour les télécommunications, la zone de Paris extra-muros de la zone de Paris intra-muros. C’est apparemment pour cette raison qu’il faudra près d’un mois pour que la ligne de télex du Département ESA soit transférée de Vélizy à Meudon.
Les effectifs et les finances
De 1970 à 1974, l’effectif travaillant pour le Département ESA est de trois cents personnes, dont une partie travaille également et encore partiellement pour le Département AVG. Ce n’est qu’à partir du déménagement à Meudon que les effectifs des deux départements seront nettement isolés.
Le tableau qui suit indique l’évolution du chiffre d’affaires ainsi que celle des résultats d’exploitation calculés par le Service de Gestion de la Division AVS.
Année
Chiffre d’affaires (MF)
Résultats (MF)
Année | Chiffre d’affaires (MF) | Résultats (MF) |
1971 | 41,4 | +2.5 |
1972 | 32,5 | +0,8 |
1973 | 35,6 | +1,2 |
1974 | 46,5 | +3,1 |
Les relations avec la Division Faisceaux Hertziens (DFH)
Dès le début du programme Symphonie, premier programme de satellites de télécommunications où Thomson-CSF participe à la réalisation des répéteurs, il apparaît nécessaire de mettre en commun les compétences de la Division DFH dans le domaine des répéteurs de télécommunications et celles du Département ESA dans celui des matériels embarqués à bord de satellites, et plus particulièrement de leur technologie.
La première expérience vécue dans ce programme montre qu’il est malheureusement très facile, si l’on n’y prend pas garde, d’effectuer certains travaux en double, rendant inévitable un certain gaspillage.
Dès le début de 1971, les Directions de la Division DFH, d’une part, et celles de la Division AVS et du Département ESA, d’autre part, décident de rechercher les modalités d’une collaboration qui soit la plus efficace possible.
Dans les grandes lignes, DFH doit faire l’étude des répéteurs qu’ESA doit ensuite fabriquer en technologie spatiale. Ce schéma, en apparence très simple, se compliquera du fait que si l’on veut éviter qu’ESA ne soit tenté de réétudier le matériel défini par DFH pour l’adapter aux contraintes spatiales, il y a lieu d’instaurer des contrôles réciproques pour que DFH tienne compte des contraintes spatiales dès le début de l’étude et pour qu’ESA ne fasse pas ensuite des modifications sans l’accord de DFH. Il faut, de plus, définir dans quel cas l’une ou l’autre des parties prendra la responsabilité des marchés vis-à-vis des clients.
Sous l’égide du Bureau des Activités Spatiales et de son Directeur Vladimir Altovsky, une longue négociation s’engage dès le début de l’année 1971 entre la Division DFH, représentée par Jacques Troude et Philippe Magne, respectivement Directeur et Directeur Technique, et la Division AVS, représentée par Alexandre Boudigues, son Directeur, et Jacques Chaumeron, Directeur du Département ESA.
Ce n’est finalement qu’en février 1972 qu’est signé de part et d’autre un accord attribuant les responsabilités des différentes phases de l’étude et la réalisation «d’un sous-système répéteur et des équipements qui le composent». Cinq phases successives y sont définies :
1- Étude et définition du sous-système répéteur et des équipements qui le composent.
2- Maquette sur table des équipements et maquette électronique.
3- Maquette d’identification.
4- Prototype de qualification.
5- Modèles de vol.
DFH est désigné comme responsable des phases 1 et 2, mais AVS doit collaborer à ces phases par la participation d’un représentant au groupe de travail chargé de la phase 1 et par des détachements de techniciens pour la phase 2.
AVS prend la responsabilité du dossier étudié en phase 3 sous la direction de DFH et assure les fabrications nécessaires. L’intégration est effectuée dans les locaux de DFH, et AVS participe aux réglages. AVS prend également la responsabilité des affaires pour les phases 4 et 5 avec, sur demande, une assistance technique de DFH, toute modification au dossier établi en phase 3 devant être soumise au visa de DFH. La fonction assurance de qualité est remplie par AVS dans toutes les phases.
Selon les phases en cause, les contrats sont pris par l’une ou l’autre Division, étant entendu que tout contrat comprenant la phase 4 ou 5 doit être pris par AVS. Les modalités financières des cessions réciproques sont également définies dans l’accord.
La première mise en pratique de l’accord porte sur:
– un contrat avec Lockheed pour la définition du répéteur d’Early Intelsat V qui est pris par DFH;
– la nouvelle proposition concernant le répéteur pour l’ESRO (phase 2) qui est rassemblée et présentée par AVS.
L’accord restera en vigueur jusqu’à la fin de 1974, date à laquelle, suite au décès du Directeur de la Division AVS, Alexandre Boudigues, son successeur Alain Bougault acceptera de céder aux instances de Jacques Troude pour que le Département ESA soit transféré dans son intégralité de la Division AVS à la Division DFH. La décision, notifiée le 12 septembre 1974, deviendra effective au 1er janvier 1975. C’est à cette date que le sigle représentatif du Département Espace-Satellites, ESA, sera changé en DSP, principalement pour éviter une confusion avec celui de la nouvelle Agence Spatiale Européenne (European Space Agency) venant de succéder à l’ESRO et à l’ELDO.
Deuxième partie – Le Département DSP dans la Division DFH
Le décès accidentel d’Alexandre Boudigues, Directeur de la Division AVS, aura certainement eu une grande influence sur le sort du Département ESA. Pendant quelques semaines, Jean de Mercey, Directeur de la Branche Équipements Électroniques de la Compagnie, aura assuré personnellement l’intérim de la direction d’AVS en attendant la nomination d’Alain Bougault à ce poste.
La position de ce dernier sur le rattachement du Département ESA devient rapidement assez différente de celle d’Alexandre Boudigues. Souhaitant concentrer l’activité de sa Division dans le domaine de l’avionique civile et militaire, et prévoyant que d’importants efforts seront à réaliser pour s’affirmer dans le domaine civil, il ne voit aucun inconvénient à satisfaire les pressantes demandes de Jacques Troude qui souhaite faire venir le domaine spatial, et plus précisément celui des télécommunications spatiales, au sein de la Division DFH.
Dans l’ordre de service du 12 septembre 1974, Jean-Pierre Bouyssonnie, Directeur Général de Thomson-CSF, annonce le rattachement du Département ESA à la Division DFH qui prend le nom de Division Faisceaux Hertziens et Liaisons Spatiales. Le Département reste implanté à Meudon et continue d’être dirigé par Jacques Chaumeron, assisté de Guy Leconte.
Bien que le transfert administratif ne soit prévu que pour la fin de l’exercice 1974, il est décidé, d’un commun accord entre les deux Divisions, que la Direction Commerciale et la Direction Technique de DFH doivent être immédiatement «associées à la détermination des politiques commerciale et technique du Département».
Il s’agit là d’une orientation nouvelle car, dans la Division AVS, la détermination de ces politiques a été largement laissée à l’initiative du Directeur du Département qui a reçu, dans ce but, délégation du Directeur de la Division AVS.
La principale motivation de cette orientation est de pouvoir coordonner et accentuer l’action en direction de l’administration des PTT, qui apporte un important soutien à la Division DFH sous forme de marchés d’études dans le domaine des faisceaux hertziens, mais qui n’a encore envisagé aucun soutien dans le domaine des télécommunications spatiales. Jusque-là, seuls le CNES et l’ESRO ont soutenu ce domaine. Il faut trouver un successeur au programme Symphonie.
Au 1er janvier 1975, Jacques Troude quitte la Direction de la Division DFH où il est remplacé par André Lepeigneux qui précise, dans une note datée du même jour :
– que le Département ESA, qui conserve le nom de Département Espace-Satellites, sera désormais désigné par le sigle DSP ;
– que son organisation et sa direction ne sont pas modifiées ;
– que le Bureau Spatial de DFH est dissous au 31 décembre 1974, ses membres étant affectés comme suit :
– Savely Schirmann est adjoint à Jacques Chaumeron, Directeur de DSP, plus particulièrement dans le domaine des systèmes de télécommunications par satellites,
– Victor Biggi, adjoint à Savely Schirmann, assure la liaison technique avec DFH/Levallois,
– Bruno Blachier est responsable du projet de réseau Arabsat,
– Robert Hagenbucher est chargé du projet de système de TV communautaire et doit participer à des études pour l’ESRO.
Une modification est apportée fin janvier 1975 à l’organigramme du Département : Charles Nicolaus, chef du Service Qualité, ayant rejoint une nouvelle affectation à Bagneux, son centre d’origine, la responsabilité du Service Qualité est donnée à Francis Violet qui quitte celle du Service Fabrication 1. Le laboratoire de physique et chimie est rattaché au Service Qualité.
Les services Fabrication 1, Fabrication 2 et le Bureau de dessin sont regroupés sous l’autorité de Jean Petrotchenko.
Dans le domaine particulier des répéteurs pour satellites de télécommunications, le partage des tâches entre le Département DSP et le reste de la Division DFH demeure, sous la direction d’André Lepeigneux, tel qu’il a été défini dans l’accord entre les Divisions AVS et DFH, cette dernière ayant une part active dans le déroulement des études des matériels jusqu’au stade de la maquette.
Au 1er juin 1977, à la suite du départ pour une autre Division de Claude Skenderoff, chef du Service Systèmes, qu’il a créé en 1971, ce service est divisé en deux :
– le Service SS1, dirigé par Maurice Dumas, consacre ses activités, telles que définies depuis 1972, au domaine des télécommunications par satellites, à des fins civiles ou militaires, y compris la distribution et la diffusion de télévision ;
– le Service SS2, dirigé par Jean-Claude Héraud, consacre les siennes aux moyens d’observation de la Terre à partir de satellites à des fins civiles ou militaires : passifs ou actifs, optiques ou radioélectriques, ainsi qu’aux moyens de traitement de l’information et de sa transmission vers le sol.
L’organisation et les responsabilités du Département DSP resteront telles quelles jusqu’à fin 1977, date à laquelle André Lepeigneux sera remplacé par Christian Loeffler à la tête de la Division DFH.
Avant que soit évoquée cette nouvelle période, il convient de préciser le contexte dans lequel le Département va vivre quelques années particulièrement difficiles.
La «traversée du désert»
À partir de la fin des programmes Symphonie et Intelsat IV, il devient de plus en plus difficile de maintenir une charge de travail suffisante pour le Département DSP. Le programme GEOS, la participation aux répéteurs du satellite OTS et le programme Spacelab, qui démarre très lentement, ne permettent pas d’alimenter un effectif de trois cents personnes.
Un certain nombre d’affaires manquées participent à l’aggravation du phénomène. La perte du programme OTS par le consortium STAR prive le Service ES d’une maîtrise d’œuvre du sous-système TM-TC pour ce satellite.
La «punition» infligée par Hughes à cause de la participation de la Compagnie à la proposition de Lockheed pour Intelsat V diminue considérablement la participation du Département DSP au programme Intelsat IVA. Cette participation se réduit en 1975 à la fabrication sur plans des émetteurs, récepteurs et antennes de TM-TC pour le cinquième et le sixième modèles de vol.
Le programme Intelsat V est attribué en 1976 à Ford Aerospace, le seul parmi quatre concurrents qui a refusé une participation de Thomson-CSF à son offre, estimant que la participation de l’Aérospatiale constitue une part française suffisante.
L’arrêt par le CNES du programme Dialogue à la fin de 1975 au profit du financement du lanceur Ariane ne pourra être compensé par une participation de DSP à l’électronique du lanceur. Les règles de répartition géographique de l’ESA font que l’industrie française, qui a une très grosse part dans l’architecture industrielle, les structures et la propulsion, ne peut prétendre ajouter à cette part des matériels électroniques que DSP serait en mesure de fournir. Il ne faudra plus compter sur aucun programme de satellite du CNES avant plusieurs années.
Le programme Aerosat est perdu par le consortium STAR et finalement annulé. À l’exception du programme ISEE B de l’ESA, gagné fin 1974, aucune perspective à court terme ne permet d’envisager une amélioration de la situation. Il faut donc à la fois réduire les effectifs et rechercher des affaires hors d’Europe.
La réduction des effectifs peut se faire dans d’assez bonnes conditions. Le centre de Bagneux est en forte expansion, et une grande proportion du personnel de DSP en est originaire. Il est donc relativement facile de reclasser les «victimes» de la compression d’effectifs dans leur centre d’origine. Quant à la recherche des affaires hors d’Europe, les contrats noués avec la société américaine TRW au moment de l’appel d’offres d’Intelsat V, ainsi que l’avance technique acquise par DSP, soutenu par la Division DFH, dans le domaine des répéteurs de télécommunications en bande Ku, amènent TRW à consulter DSP pour la fourniture de soixante répéteurs en bande Ku pour les satellites TDRSS construits pour la NASA.
L’avance technique prise à l’époque par Thomson-CSF en bande Ku, grâce à des études soutenues par l’ESRO, permet de présenter une proposition très compétitive par rapport à celles des concurrents américains. Le gain de ce contrat, le premier dans une compétition transatlantique, apporte un sérieux «ballon d’oxygène» pour assurer une charge de travail en 1978, 1979 et 1980 au Service HY et à la Fabrication.
Le programme MAROTS de l’ESA, démarré en novembre 1974, a donné l’espoir de fournir quelques récepteurs en bande Ku. Malheureusement, ce programme ne peut être mené à son terme car l’ESA, pour des raisons de compatibilité avec les satellites américains MARISAT, décide d’abandonner la bande Ku au profit de la bande C, et c’est à partir de 1977 que DSP pourra à nouveau travailler sur une fourniture de récepteurs en bande C.
Il faut néanmoins préparer l’avenir dans le domaine des satellites de télécommunications. Après de longues négociations avec AEG-Telefunken, devenu plus tard ANT, sur un projet d’étude et de développement d’une charge utile en bande C, la CUFA (Charge Utile Franco-Allemande), qui finalement n’aboutissent pas, les études prévues du côté français sont effectuées dans le cadre d’un programme d’aide au développement. C’est à cette occasion qu’est développée la technologie des filtres hyperfréquences en fibres de carbone (bande C) sans laquelle les satellites Telecom 1 n’auraient pu satisfaire aux conditions imposées pour leur masse. C’est également le point de départ des études sur les antennes multisources qui sont à l’origine du renouveau du Service Antennes.
Il faudra attendre le milieu de l’année 1979 pour que se matérialisent les espoirs entrevus depuis 1978 : le programme Symphonie doit enfin avoir un successeur. Un nouveau programme national de satellite de télécommunications doit voir le jour : Telecom 1.
La nouvelle Direction de DFH
Au 1er janvier 1978, André Lepeigneux, qui a pris la direction de la Division DFH en 1975, est promu au poste de Directeur des Opérations Internationales, au siège de Thomson-CSF, et remplacé à DFH par Christian Loeffler. Ce dernier est immédiatement frappé par la mauvaise situation financière de DSP. Les chiffres d’affaires ont rapidement diminué, et les réductions d’effectifs auxquelles il a été procédé depuis 1976 n’ont pas suffi à rétablir les résultats d’exploitation devenus négatifs à partir de l’exercice 1976, comme le montre le tableau suivant.
Année | Chiffre d’affaires (MF) | Résultats d’exploitation (MF) | Effectifs au 31 décembre |
1975 | 58,3 | + 2,8 | 264 |
1976 | 46,3 | – 1,5 | 251 |
1977 | 25,5 | – 11,8 | 224 |
1978 | 36,9 | – 9,5 | 205 |
Après mûre réflexion, Jacques Chaumeron et Guy Leconte ont conclu que pour conserver le minimum indispensable de compétences permettant au Département de repartir avec un minimum de chances de succès lorsque le marché accessible offrira de meilleures perspectives, l’effectif du Département ne doit pas descendre au-dessous de deux cents personnes.
L’expérience des charges «en dents de scie», caractéristique des activités spatiales à l’époque, a déjà montré qu’il est prudent de «lisser» dans une certaine mesure les courbes d’effectifs.
À l’exception de quelques études, rien, dans l’immédiat, n’est à espérer du CNES qui prépare le programme SPOT où une activité industrielle notable n’est pas attendue avant 1980.
Les activités de l’ESA dans le domaine des satellites scientifiques restent à peu près stables et les équipements de télémesure et télécommande apportent une charge qui, bien que loin d’être négligeable, puisqu’elle représente en 1978 80 % du chiffre d’affaires, ne suffit pas à alimenter DSP. Par contre, le domaine des télécommunications par satellites ne peut que se développer, l’inconnue résidant dans le début et le rythme de ce développement. Si Thomson-CSF veut rester dans le domaine des satellites, pendant combien de temps faudra-t-il continuer de financer un régime de survie ? En 1976, un important effort d’autofinancement (CUFA) a été entrepris dans le domaine des matériels de télécommunications auxquels l’administration des PTT ne semble pas encore s’intéresser.
En 1978, les perspectives d’un satellite français de télécommunications, financé par les PTT, commencent à se dessiner, mais sans aucune certitude sur la date de démarrage de sa réalisation. Pendant toute l’année 1978, des interrogations naissent à différents niveaux de la hiérarchie sur l’opportunité ou non de conserver un Département Espace-Satellites.
À une extrémité de la gamme se trouvent ceux qui souhaitent se débarrasser d’une activité non rentable. À l’autre extrémité, beaucoup pensent que le marché des satellites doit un jour redevenir rentable et qu’il faut donc patienter, tout en limitant, autant que possible, les dégâts de toutes natures, du déficit financier à la perte de compétences.
C’est au début de 1979 qu’une décision du Président Jean-Pierre Bouyssonnie met fin à la polémique, ou tout au moins à son aspect officiel : l’espace est un domaine d’avenir et il faut, en attendant des jours meilleurs, conserver la compétence du Département DSP et de sa Direction.
La mise en application de ces directives par la Direction de la Division Faisceaux Hertziens ne revient pas en arrière sur la pratique mise en œuvre en 1978 et qui consiste, tout en maintenant les apparences d’un Département DSP autonome, à lui retirer un certain nombre de responsabilités en faisant «coiffer» ses différents services par les titulaires de fonctions existantes ou créées spécialement à cet effet au niveau de la Division.
Dès le courant de 1978, il a été envisagé d’intégrer le Service Fabrication et le Bureau de Dessin de DSP au sein des services de production de DFH. Après une enquête approfondie, le Directeur de la Fabrication de DFH a conclu que les particularités de la fabrication spatiale sont telles que cette opération n’est pas souhaitable.
La fonction Achats de DSP est reprise par le Service Achats de DFH mais il faut bien, malgré tout, maintenir à DSP un échelon spécialisé dans l’approvisionnement des composants haute fiabilité, spécifiques des matériels de satellites.
En décembre 1978, la responsabilité des systèmes utilisant des satellites, alors attribuée à DSP, est transférée, au niveau de DFH, à la DEPA (Direction de l’Exploitation, des Projets et des Affaires) chargée jusque-là de l’ingénierie et des chantiers d’installation des faisceaux hertziens et des stations terriennes de télécommunications. La responsabilité de DSP se trouve réduite à celle du «segment spatial ou charge utile» embarqué à bord des satellites.
La première conséquence de cette décision est une diminution importante de la charge de travail du Service Systèmes SS1, qui perd la responsabilité d’un contrat d’étude qu’il a gagné auprès du CELAR concernant la faisabilité d’un système militaire de télécommunications utilisant Telecom 1.
De même, les diverses études entreprises respectivement pour Matra et pour l’Aérospatiale en vue de la réalisation de SAMRO, futur satellite militaire de reconnaissance optique, sont transférées à la DEPA, le Département DSP ne devant plus être que sous-traitant de quelques portions de ces études. Heureusement, les services techniques de DSP bénéficient de quelques «ballons d’oxygène» sous forme de sous-traitances passées par d’autres Divisions, AVS et DRS (Division Radars de Surface implantée à Bagneux).
Cet étalement des responsabilités rend nécessaire la création d’une coordination dont est chargé Michel Lasalle, Directeur de la DPPS (Direction des Programmes et Produits Spatiaux), nouveau nom du Bureau des Activités Spatiales, transféré au siège à la Division DFH en mai 1978.
Le pilotage commercial des affaires ci-dessus est assuré par la Direction Commerciale de la Division, le Service Commercial du Département DSP étant réduit à la gestion au jour le jour de la part des contrats qui lui est attribuée. En fait, l’élaboration de la politique industrielle et commerciale dans le domaine spatial échappe complètement au Département qui en est théoriquement chargé.
Lorsque arrive le programme Telecom 1, de nouveaux problèmes se posent. Conformément à ses habitudes, l’administration des PTT s’est chargée elle-même de définir le système et d’établir les cahiers des charges de ses différentes composantes, en liaison avec le CNES, pour la station de contrôle et le satellite.
Des marchés séparés sont ensuite passés pour les différents éléments du système. Le marché du satellite est confié à Matra, Thomson-CSF étant sous-traitant désigné pour la charge utile. La réalisation des stations terriennes est confiée à Telspace.
Le 1er août 1979, la Direction de DFH nomme un Directeur du programme Telecom 1 chargé, au niveau de la Division DFH, de «diriger le groupe de projet multidisciplinaire constitué par les ingénieurs de DFH/DSP et des autres unités de Thomson-CSF en vue de mener à bonne fin le programme Telecom 1 dans les délais impartis».
Ce poste est attribué à Jean-Louis de Montlivault qui bénéficie de pouvoirs très étendus quant à l’exclusivité des relations avec les administrations et organismes clients ainsi que les partenaires français et étrangers. En fait, le «groupe de projet multidisciplinaire» n’existera jamais réellement. Comme dans tout programme de satellite, un groupe de projet dédié à la charge utile de Telecom 1 est mis en place à DSP avec un chef de projet affecté exclusivement à cette affaire. Ce poste est occupé en premier lieu par Maurice Dumas, puis par Philippe Blanchet à partir du 15 novembre 1979. C’est grâce aux efforts personnels de ce dernier et à ceux de Jean-Louis de Montlivault qu’un modus vivendi pourra s’établir et aboutir à une bonne gestion de l’affaire dans une situation qui, au départ, risquait sérieusement de devenir conflictuelle.
Le redémarrage
À partir de 1979, l’horizon du Département DSP semble s’éclaircir, du moins en ce qui concerne les prises de commandes. Le programme Telecom 1, dont la phase de réalisation a été décidée en février 1979, démarre par sa phase B à partir du 2 avril. DSP est en bonne place dans les études de faisabilité de H.Sat, satellite de diffusion de télévision envisagé par l’ESA. Une maquette «en bois» de la future charge utile est exposée au Salon du Bourget en juin 1979.
Le Service SS2 gagne régulièrement les marchés d’études préliminaires au programme de satellite d’observation par radar ERS de l’ESA. Ces études sont effectuées avec la précieuse collaboration de la Division AVS. Le programme ISPM (futur Ulysses) est gagné par le consortium STAR en 1979.
L’étude autofinancée du premier transpondeur cohérent en bande S, pour la télécommande, la télémesure et la localisation, obtenue de haute lutte en raison des réticences de la Direction de DFH, est bien avancée. C’est le début d’une longue lignée de matériels destinés à maintenir la suprématie de Thomson-CSF en Europe dans ce domaine.
L’effort financier entrepris en 1976 (18 millions de francs étalés sur trois ans) pour des développements de récepteurs en bande C et de filtres en fibres de carbone touche à sa fin. Ces efforts d’autofinancement correspondent à la plus grande partie des pertes enregistrées de 1977 à 1979.
Le programme Spacelab continue de se dérouler très lentement. La lenteur des prises de décision des organismes clients (ERNO, ESA et NASA) sur quelques points de base tels que le choix des matériaux et le choix des composants n’est pas sans causer des retards dans les différents travaux, avec comme conséquences inévitables des dépassements financiers.
Le programme TDRSS se termine fin 1980 avec les livraisons des derniers récepteurs commandés et l’attribution à DSP, par le client TRW, en 1981, du label de meilleur fournisseur de l’année 1980. Les délais et les performances demandés ont été tenus, ainsi d’ailleurs que les prévisions de coûts du devis initial.
Jusqu’à la fin de 1981, date de la fin de son rattachement à la Division DFH, le Département DSP «engrange» de nouveaux marchés importants, en particulier les charges utiles des satellites de diffusion de télévision TV-Sat et TDF 1 réalisées en coopération avec la société allemande ANT (ex-AEG-Telefunken) sur lesquelles le travail commence en 1980.
La Direction du Département reste confiée à Jacques Chaumeron qui exerce ces fonctions depuis l’origine, en 1970. Son adjoint, Guy Leconte, est appelé à de nouvelles fonctions au sein de la Division DFH au 1er juin 1981. Il est remplacé par Philippe Blanchet, précédemment chef de projet de la charge utile de Telecom 1. Ce dernier conserve provisoirement ce poste où il est assisté par Bruno Blachier qui le remplacera le 1er octobre 1981.
Également en juin 1981, Pierre Gautier, chef du Service Commercial d’ESA puis de DSP depuis 1971, fait valoir ses droits à la retraite. Son poste est repris par Alain Roger, qui revient d’un long séjour en Australie où il a été délégué par la Direction des Opérations Internationales de Thomson-CSF.
Les activités Équipements et Systèmes sont à la même époque délimitées par de nouvelles fonctions. Jusqu’alors, les activités Systèmes (services SS1 et SS2) ont dépendu directement du Directeur du Département, et les activités Équipements (services techniques et de fabrication) de son adjoint Guy Leconte. À partir de juin 1981, les chefs des services Systèmes sont placés sous l’autorité du nouvel adjoint Philippe Blanchet, et les chefs des services techniques et de fabrication sous celle de Pierre de Bayser.
C’est en octobre 1979 qu’à la suite du départ de Marcel Palazo, chef du Service HY, pour de nouvelles fonctions à la Direction Technique de la Division DFH, Pierre de Bayser, venant de la Division DFH, a rejoint le Département DSP pour y prendre, en premier lieu, les postes de chef du Service HY et d’adjoint au chef des services techniques et industriels, Guy Leconte. En octobre 1981, Pierre Fraise, jusqu’alors adjoint, remplace Pierre de Bayser à la tête du Service HY.
L’activité Antennes, très faible après la fin du programme Symphonie, connaît un renouveau et une rapide expansion avec l’arrivée du programme Telecom 1. Au 1er octobre 1979, la section Antennes, dirigée par Bruno Vidal Saint-André au sein du Service HY, devient un service technique à part entière. Plus tard, en octobre 1980, deux adjoints de Bruno Vidal Saint-André se voient confier des responsabilités particulières : Maurice Rousselet est chargé de superviser la définition, la gestion et l’utilisation des moyens de mesure, tandis que Pierre Neyret prend en charge les tâches concernant les propositions et le soutien aux services Systèmes et aux groupes de projet.
Le Service ES n’est pas exempt de quelques modifications. Dans la perspective du départ vers Toulouse qui commence à se dessiner, Roland Gosmand, chef du Service ES, a décidé, pour des raisons personnelles, de rester en région parisienne. Détaché provisoirement à la Division Travaux Extérieurs, il n’est pas remplacé ès qualités. L’expansion en cours justifie, en octobre 1981, la division du Service ES selon deux disciplines nettement différenciées :
– un Service Électronique Numérique (EN) est créé et confié à Michel Hayard qui a jusque-là été chargé des études de décodeurs de télécommande ainsi que des équipements de visualisation et de traitement associé pour Spacelab ;
– un Service Télémesure-Télécommande-Localisation (TC) confié à Jacques d’Hollander, récemment entré à la Compagnie, en provenance de LCT.
Enfin, en 1980, Alfred Enaudeau, chef du Service du Personnel, part en retraite. Il est remplacé par Christian Bonneau qui assure ces fonctions jusqu’en 1982.
La situation financière du Département reste difficile jusqu’en 1980. À partir de 1979, il n’est plus question de comprimer les effectifs. Il faut au contraire les augmenter assez rapidement pour pouvoir assurer les facturations à venir aux dates prévues. Il y a quelques retards dans les échéances, car les autorisations d’embauches ne sont données qu’avec réticence par la Direction de la Division, alors qu’il aurait fallu anticiper pour tenir compte du temps nécessaire à la formation des nouveaux venus, particulièrement dans le domaine de la fabrication. L’année 1980 est donc encore mauvaise et ce n’est qu’en 1981 que le résultat redevient positif.
L’augmentation des effectifs pose rapidement des problèmes de locaux. À Meudon, on peut accueillir au maximum trois cents personnes. Des locaux supplémentaires sont recherchés dans la zone de Vélizy. Un étage puis deux sont loués dans un bâtiment appartenant à la société Texas Instruments pour y loger d’abord le Groupe de projet Telecom 1 et le Service Commercial puis, plus tard, le Groupe de projet TV-Sat-TDF 1. Certains services administratifs sont installés à La Boursidière, au Plessis-Robinson.
Il est envisagé, puis décidé après de nombreuses discussions, de faire l’intégration de la charge utile de Telecom 1 aux Mureaux, dans une salle appartenant à l’Aérospatiale, où a eu lieu l’intégration de Symphonie.
Il faut, dans le domaine des surfaces industrielles, utiliser des expédients momentanés en attendant le départ pour Toulouse, qui sera décrit dans un chapitre séparé. La réalisation de certains bancs de tests est assurée dans un autre local loué sur la zone de Vélizy. Le tableau ci-après donne les statistiques des quatre dernières années d’existence du Département DSP au sein de la Division DFH.
Année | Chiffre d’affaires (MF) | Résultats d’exploitation (MF) | Effectifs au 31 décembre |
1978 | 36,9 | – 9,5 | 205 |
1979 | 34,8 | – 9,0 | 252 |
1980 | 108,6 | – 7,5 | 395 |
1981 | 242,0 | + 15,5 | 539 |
La traversée du désert est terminée ! Le Département a réussi à survivre et sa Direction a pu maintenir un cap relativement constant, malgré le passage dans deux Divisions, sous l’autorité de quatre Directeurs de Division successifs, dont certaines des idées sur l’avenir du spatial sont apparues comme quelque peu contradictoires. Une autre Direction va pouvoir reprendre le flambeau.
3.2 – La Division Espace (DES)
La mise en place
Le 1er janvier 1982, devant l’expansion rapide du marché des télécommunications par satellites, la Direction Générale de Thomson-CSF décide de créer une Division Espace. Les diverses activités liées aux satellites et aux systèmes utilisant des satellites, qui ont été, dans les quatre années précédentes, en partie diluées parmi les activités de faisceaux hertziens, vont donc à nouveau être rassemblées dans une même unité spécialisée.
En 1981, la Division DFH, dont fait partie le Département DSP, est devenue trop grosse, compte tenu de son organisation, et sa rentabilité s’est fortement détériorée.
En prévision du départ à la retraite de son directeur, Christian Loeffler, la Direction Générale entame une réflexion sur ce que pourrait être la future organisation dans le domaine, qui s’élargit progressivement, des faisceaux hertziens, des systèmes à base de satellites et des équipements qui leur sont destinés.
Il aurait été souhaitable de s’orienter, quelques années plus tôt, vers une organisation de la Division en départements. Le seul département existant est DSP, qui a été créé au sein de la Division AVS, avant d’être transféré à DFH. Au contraire, de 1978 à 1981, la tendance a été de faire disparaître la spécificité et l’autonomie relative de DSP en diluant certains de ses services dans la Division DFH. L’idée générale suivie à la fin de 1981 est, avec quelques variantes, de créer une unité chargée des systèmes spatiaux, y compris les matériels de stations terriennes et les matériels de satellites.
Après quelques discussions, la décision est prise par le Président Jean-Pierre Bouyssonnie de créer deux Divisions séparées :
– la Division Faisceaux Hertziens (DFH), chargée des faisceaux hertziens et des stations terriennes. Dans le domaine des stations terriennes, DFH représente Thomson-CSF dans le GIE Telspace ; elle doit définir ses orientations en liaison avec DES «pour laquelle les stations terriennes sont des sous-systèmes». Elle doit enfin, pour gérer cette activité, constituer un Département Stations Terriennes. La direction de DFH est confiée à Jean Guibourg et celle du Département Stations Terriennes à Jean Lailheugue ;
– la Division Espace (DES), chargée des équipements embarqués sur satellites, des charges utiles complètes et des systèmes spatiaux incluant un satellite. Il est de plus précisé qu’elle prend «à cet effet, lorsqu’il y a lieu, la maîtrise d’œuvre des prestations assurées par la Compagnie» et «gère les accords conclus avec d’autres industriels du domaine». La direction de DFH est confiée à Gérard Coffinet, ancien ingénieur de l’armement entré à la Compagnie depuis quelques années et qui occupait en 1981 le poste de Directeur Commercial de la Division Faisceaux Hertziens et Liaisons Spatiales (DFH).
Dès la création de DES, les nominations ou confirmations de fonctions suivantes sont annoncées :
– Jacques Chaumeron, Directeur du Département DSP ;
– Michel Lasalle, muté de la DAMAS (Direction des Affaires Militaires, Aéronautiques et Spatiales du siège) à la Division DES : Directeur chargé de mission ;
– Jean-Louis de Montlivault, Directeur du programme Telecom 1.
De plus, Jean Lailheugue, par ailleurs Directeur du Département Stations Terriennes de DFH, est adjoint au Directeur de la Division DES et chargé de mission pour les projets de systèmes.
En février 1982, le siège de la Division s’installe à Courbevoie avec principalement les personnes originaires de DFH. Le «gros des troupes», c’est-à-dire le Département Espace-Satellites, qui reste intact, demeure à Meudon-la-Forêt et dans les annexes de Texas et de La Boursidière, en attendant son transfert à Toulouse qui doit s’amorcer au cours de l’année 1982.
En mars 1982, l’organisation de la Division est précisée dans l’organigramme reproduit ci-après.
Le Service Projets et Systèmes Spatiaux, dirigé par Pierre Luginbuhl, est placé sous l’autorité de Jean Lailheugue. Outre sa responsabilité directe des systèmes spatiaux, ce service doit apporter son concours à la Division DFH pour les projets de stations terriennes.
Michel Lasalle, Directeur chargé de mission, est plus particulièrement chargé de :
– l’animation commerciale, à court, moyen et long terme ;
– l’orientation technique ;
– plus généralement, le marketing.
Il a sous son autorité le chef des services commerciaux, Alain Roger, responsable notamment des prises de commandes et des facturations.
Bernard Gory est le secrétaire général de la Division et supervise en particulier les accords avec les autres sociétés.
Guy Leconte est responsable de l’organisation et de la gestion des moyens en personnel et en locaux, ainsi que de la préparation de la politique et de la gestion des investissements.
Jean Chabredier, contrôleur de gestion de la Division, est chargé de l’activité administrative et de la comptabilité, ainsi que de la coordination de l’informatique de gestion dans la Division.
Division Espace (DES)
Attribution des responsabilités
Directeur de la Division G. Coffinet | Sigle | Responsable |
Marketing et plan-action commerciale-orientation | DCM | M. Lasalle |
· · Services commerciaux | SC | A. Roger |
Adjoint au Directeur DES | A.DES | J. Laiheugue |
· · Service Projets de Systèmes Spatiaux | SPS | P. Luginbuhl |
Accords | SG | B. Gory |
Services administratifs et comptables | J. Chabredier | |
Gestion de personnels – Services généraux – Investissements | PSI | G. Leconte |
Programme Telecom 1/SYRACUSE | DP | J.-L. de Montlivault |
Département Espace-Satellites | D.DSP | J. Chaumeron |
· · Adjoint au Directeur chargé de la mise en place du Département à Toulouse | A.DSP | P. Blanchet |
· · Étude et réalisation des équipements | REQ | P. de Bayser |
· · Projets et Systèmes Satellites | RPS | J.-C. Héraud |
Il y a lieu de mentionner à ce propos que la Division sert de «cobaye» plus ou moins heureux pour l’expérimentation d’un nouveau logiciel d’informatique de gestion destiné à l’ensemble de la société, le «PGCD». Le résultat en sera qu’aucun chiffre fiable ne pourra être obtenu pendant toute l’année 1982.
Pendant ce temps, la situation financière s’aggrave sans qu’aucune surveillance sérieuse ne puisse être effectuée. Ce n’est qu’en 1983 que l’on découvre l’étendue des «dégâts» et qu’il devient possible d’essayer de «redresser la barre».
Jean-Louis de Montlivault conserve la fonction de Directeur du programme Telecom 1 qu’il a occupée dans la Division DFH avec, plus particulièrement, la charge de coordonner les différentes affaires faisant partie de ce programme : stations PTT, étude de l’AMRT (Accès Multiple à Répartition dans le Temps), charge utile du satellite et programme militaire Syracuse (SYstème de RAdioCommunications Utilisant un SatellitE) ; il est désigné nommément comme chef de projet de ce dernier programme.
Claude Michaud, détaché de DFH, est responsable du programme Samro.
Jacques Chaumeron conserve la direction du Département Espace-Satellites (DSP) dont les attributions restent inchangées. Son adjoint, Philippe Blanchet, reçoit délégation du Directeur de la Division pour la mise en place de l’établissement DSP de Toulouse, et il est désigné comme maître d’ouvrage délégué pour la mise en place des installations du centre de Candie.
Au sein du Département DSP, Pierre de Bayser reste chargé de l’étude et de la réalisation des équipements, et Jean-Claude Héraud se voit attribuer la responsabilité de la définition et de la maîtrise d’œuvre des charges utiles et, éventuellement, des satellites.
Sous l’autorité de Guy Leconte, cité plus haut, l’ancien Service du Personnel du Département DSP prend en charge l’ensemble de la Division et se voit confié à Jean Lasquellec, nouvellement embauché, alors que l’ancien titulaire du poste, Christian Bonneau, est chargé de la mise en place et de la gestion du nouvel établissement de Courbevoie.
Les différents services de DSP restent organisés et dirigés comme ils l’ont été durant les années précédant la création de la nouvelle Division.
La croissance
Au jour de sa création, le 1er janvier 1982, la Division compte déjà un effectif de cinq cent soixante et une personnes. Au 1er janvier 1983, cet effectif est passé à neuf cent quarante-neuf, dont trois cent trente-sept à Meudon, quatre-vingt-cinq à Courbevoie et cinq cent vingt-sept à Toulouse, où l’apport des personnels venant de la CITEC, ou nouvellement embauchés, en nombre nettement supérieur aux quelque cent cinquante personnes venant de Meudon et déjà formées aux activités spatiales, ne manque pas de poser d’importants problèmes de formation, de mise au courant et d’adaptation qui affectent pendant quelque temps l’efficacité du nouvel établissement.
L’activité dans le domaine des satellites scientifiques de l’ESA demeure à peu près constante avec les sous-systèmes de télémesure, télécommande et localisation pour les satellites Giotto et ISPM (International Solar Polar Mission), baptisé plus tard Ulysses.
Le programme Spacelab se termine avec une sage lenteur due aux nombreux contrôles exercés par un client quadricéphale, sinon juridiquement, au moins dans les faits : l’ESA, la NASA, ERNO, maître d’œuvre du programme, et Matra, maître d’œuvre du sous-système de traitement de l’information à bord, dont font partie les matériels de visualisation fournis par DSP.
L’évolution de la charge de travail du Département DSP, déjà rapide depuis l’apparition du programme français Telecom 1 en 1979, et plus particulièrement depuis le début de la phase de réalisation au printemps de 1980, devient quasi explosive avec l’arrivée du programme franco-allemand de satellites de télévision directe TV-Sat-TDF 1, pour lesquels un pré-contrat est signé en août 1981 et le contrat principal pour la réalisation à la mi-juillet 1982.
Le reste de la Division, principalement orienté vers les systèmes spatiaux, doit traiter du programme de télécommunications militaires Syracuse, basé sur l’utilisation de Telecom 1, et doit donc constituer les équipes appelées à gérer ce programme.
Au cours de la vie de la Division DES, qui fera place, en mai 1984, à la société Alcatel Thomson Espace, les programmes suivants seront menés à bien :
– Intelsat VI, où DSP fournira des récepteurs en bandes Ku et C ainsi que des filtres multiplexeurs en bande C pour les cinq satellites de la série. Le contrat pour cette fourniture sera signé avec Hughes le 15 juillet 1982 et la dernière livraison sera effectuée par Alcatel Espace en septembre 1986 ;
– SPOT 1, où DSP fournira l’important sous-système de télémesure-charge utile (TMCU). Ce programme sera exécuté au cours des années 1980 à 1984, la phase de réalisation ayant été entamée au début de 1981 ;
– ERS 1, satellite d’observation par radar à ouverture synthétique de l’ESA, pour lequel DSP exécutera, à partir de 1980, un certain nombre d’études préliminaires, avant le début de la phase de réalisation en 1984. La fourniture portera sur le sous-système radio fréquence et sur le sous-système de calibration du radar.
Cette période verra la mise au point finale des transpondeurs cohérents en bande S utilisés pour la télémesure, la télécommande et la localisation, et dont les premiers exemplaires voleront sur Giotto, ISPM et le satellite suédois Viking.
Enfin, des éléments de répéteurs de télécommunications seront livrés pour les satellites européens de télécommunications ECS 1 et ECS 2 lancés respectivement en 1983 et 1984 (récepteurs et multiplexeurs de sortie en bande Ku) ainsi que pour les satellites de télécommunications maritimes MARECS I, IIA et IIB, lancés respectivement en 1981, 1982 et 1984 (récepteurs en bande C).
Pour faire face à cette croissance, les effectifs continueront d’augmenter au cours de l’année 1983 pour atteindre au 1er janvier 1984 un total de neuf cent quatre-vingt-seize, dont encore soixante-huit personnes à Meudon, cent treize à Courbevoie et huit cent quinze à Toulouse. Après un maximum de mille six atteint à la moitié de 1984, un certain reflux s’effectuera pendant le reste de l’année.
L’évolution de l’organisation
En 1982 et 1983, l’expansion rapide qui vient d’être évoquée justifie quelques adaptations dans l’organisation de la Division. Le 1er juillet 1982, pour tenir compte de l’installation progressive à Toulouse du Département DSP, Philippe Blanchet est nommé Directeur adjoint du Département DSP et Directeur de l’unité de Toulouse de ce même département.
En janvier 1983, une nouvelle note d’organisation de Gérard Coffinet annonce l’articulation de la Division en deux départements :
– un Département Systèmes Spatiaux (DSS) dirigé par Jean-Louis de Montlivault ;
– un Département Satellites (DSP) dirigé par Philippe Blanchet.
Le premier est basé à Courbevoie et le second à Toulouse. Une nouvelle répartition des responsabilités est rendue nécessaire par la distance qui sépare les deux zones géographiques où sont implantés le siège de la Division et le Département DSS d’une part, et le Département DSP d’autre part.
De plus, la note entérine la séparation définitive des fonctions jusque-là encore partagées avec certains responsables de DFH, telles que celles de Jean Lailheugue et Bernard Gory.
Un poste de Directeur attaché, localisé à Courbevoie, est confié à Jacques Chaumeron qui est chargé :
– de la représentation de la Division dans certains organismes internationaux et consortiums industriels ;
– du suivi et du contrôle du Département Satellites ;
– de la gestion du personnel ;
– de la gestion des moyens.
Division Espace (DES)
Attribution des responsabilités
Directeur de la Division G. Coffinet | Sigle | Responsable |
Secrétariat | H. Garcia | |
Directeur attaché | D.AtDES | J. Chaumeron |
Service du Personnel | SPG | J. Lasquellec |
Bureau gestion des moyens | BGI | F. Violet |
Bureau gestion de la qualité | BQG | F. Violet |
Contrôleur de gestion | CG | J. Chabredier |
Directeur chargé de missions | DCM | M. Lasalle |
Groupe marketing | GMK | C. Roche |
Groupe des services commerciaux | GSC | A. Roger |
Service Gestion Commerciale | SCG | Y. Louet |
Département Systèmes Spatiaux | DSS | J.-L. de Montlivault |
Adjoint | AD/DSS | C. Michaud |
Groupe des Services Projets | GPS | P. Luginbuhl |
Programme SYRACUSE | SYR | A. Poquet |
Stations de contrôle | SCT | R. Gosmand |
Programmes de télédiffusion | PTV | F. Dachert |
Programmes export de télécommunications | PTC | M. Dumas |
Service Gestion et Planning | SGP | M. X |
Département Satellites | DSP | P. Blanchet |
Chargé de missions | CM | J.-L. Maury |
Responsable administratif | RA | J. Rosmorduc |
Contrôleur de gestion | DSP/CG | J. Gaich |
Groupe des Services Qualité | AQ | S. Siva |
Sous-Direction Équipements | SDEQ | P. de Bayser |
Sous-Direction Systèmes Électroniques de Satellites | SDES | J.-C. Héraud |
Michel Lasalle, Directeur chargé de mission, conserve les fonctions précédemment décrites, de même que Jean Chabredier, contrôleur de gestion, qui a désormais un adjoint, Jean Gaich, chargé du contrôle de gestion de DSP à Toulouse. Parallèlement, la fonction «qualité» est assurée, au niveau de la Division, par Francis Violet, et au niveau du Département DSP par S. Siva.
Le détail des autres fonctions est indiqué dans l’organigramme ci-dessus.
En octobre 1983, Michel Lasalle ayant été affecté auprès du Directeur des activités Transmissions, ses attributions sont réparties entre Jacques Chaumeron, qui assumera les fonctions de Directeur Commercial, et Claude Michaud, qui assumera celles de Directeur Technique, chacun d’eux conservant ses précédentes responsabilités.
Les problèmes rencontrés par la Division Espace
Dès sa création, la Division DES doit impérativement résoudre les problèmes suivants :
– réussir les charges utiles de Telecom 1 et de TDF 1 dans des délais déjà courts en temps normal à cette époque, mais pratiquement impossibles à tenir dans la situation de la Division;
– réussir Syracuse 1 dont les délais sont également très courts, alors que la plupart des moyens nécessaires se trouvent à la Division DFH ;
– prévoir et suivre la construction de la nouvelle usine de Toulouse ;
– organiser le déménagement à Toulouse et limiter le bouleversement des effectifs qui en résulte, afin d’en atténuer les conséquences sur les affaires en cours ;
– faire face au marché des satellites à l’exportation, avec une organisation qui n’est pas encore opérationnelle ;
– définir et maintenir une stratégie qui permette à la Division, en premier lieu, d’être viable, et ensuite de progresser ;
– assurer une rentabilité suffisante.
La stratégie
Les compétences acquises progressivement par le Département DSP au cours des douze années précédentes, sous la direction de Jacques Chaumeron, et l’apport de nouvelles compétences venues de la Division DFH devraient permettre à la nouvelle Division de revendiquer des maîtrises d’œuvre importantes.
Au niveau des satellites complets, la France possède déjà deux maîtres d’œuvre expérimentés, l’Aérospatiale et Matra, et le CNES considère, à juste titre, que le marché national est trop étroit pour justifier l’existence d’un troisième.
Par contre, la DGT (Direction Générale des Télécommunications) apprécierait certainement que le maître d’œuvre d’un satellite de télécommunications soit un industriel de l’électronique tel que Thomson-CSF.
Le débat a été largement ouvert avant le démarrage du programme Telecom 1 et la question a été tranchée dans le même sens qu’auparavant en France dans l’aéronautique militaire : le maître d’œuvre est le fournisseur de la cellule, et celui du système d’armes électronique se retrouve sous-traitant. Thomson-CSF s’est donc vu attribuer la maîtrise d’œuvre de la charge utile de Telecom 1, Matra étant maître d’œuvre du satellite.
Devant cet état de fait, il est décidé, pour DES, de défendre, coûte que coûte, la notion de charge utile et de travailler dans trois directions :
– la maîtrise d’œuvre du système complet de télécommunications qui permettra, à l’exportation, de vendre à la fois les satellites, les stations de contrôle, et les principales stations terriennes ;
– la mise en place d’une capacité industrielle pour réaliser des équipements compétitifs pour les fonctions essentielles d’une charge utile ;
– le développement des capacités d’intégration des charges utiles en attendant éventuellement celles des satellites complets.
La salle d’intégration de Toulouse, dont les dimensions sont critiquées à l’époque, dans certains milieux de la Compagnie, est conçue pour accueillir et manipuler, en atmosphère propre, des satellites de la taille d’un Intelsat VI.
L’affaire Syracuse 1, qui sera décrite dans un chapitre particulier, constituera la première expérience d’une maîtrise d’œuvre de système.
Les handicaps
Le principal handicap pour DES est une croissance trop rapide et difficilement contrôlable due à l’apparition, en plus des programmes scientifiques qui ont constitué jusqu’alors la base minimale de son activité, de deux programmes de télécommunications importants et insuffisamment espacés, Telecom 1 et TDF 1. Malgré tous ses efforts, Jacques Chaumeron n’a pas réussi à persuader la Direction de DFH, qui est par ailleurs en difficultés financières, d’autoriser à temps les embauches, en particulier d’ingénieurs, qui permettraient d’affronter les nouvelles affaires avec un effectif suffisant de personnels déjà formés aux disciplines spatiales. Lorsque ces autorisations finissent par arriver, il faut embaucher «en catastrophe» pour limiter les dégâts.
L’appoint non négligeable du personnel de la CITEC à Toulouse vient beaucoup trop tard, compte tenu du temps nécessaire pour la formation et la mise au courant. Il en résulte finalement un excès d’embauches et un sureffectif qui se manifeste à partir de 1984.
Le transfert à Toulouse, imposé en pleine période d’expansion, ne fait qu’aggraver le handicap. La nécessité évidente, pour tenir les délais de livraisons, de ne pas interrompre, sous prétexte de déménagement, une phase importante du développement d’un programme conduit à maintenir à Meudon le personnel et les moyens affectés aux phases en cours, et à mettre en place à Toulouse le personnel et les moyens affectés à de nouvelles phases. La conséquence inévitable est une certaine duplication de compétences et de moyens, peu favorable à une saine gestion financière.
Devant l’expansion rapide du domaine des répéteurs embarqués de télécommunications ou de télévision, le Département DSP a largement bénéficié des développements faits à la Division DFH, en particulier en microélectronique hyperfréquences. Il faut donc recréer de tels moyens à la Division DES. Pour cela, des membres du personnel de DFH, qui ont souhaité être transférés à Toulouse, viennent heureusement renforcer les moyens déjà existants à DSP, mais un certain temps est indispensable pour que les nouvelles équipes deviennent pleinement opérationnelles.
La perturbation créée dans le Département DSP par le transfert à Toulouse persistera pendant plusieurs années, délai nécessaire entre autres pour confirmer ou infirmer la valeur de certains responsables nouvellement mis en place. Pendant cette période, une proportion importante de pièces et de sous-ensembles ne pourront passer les contrôles de qualité et devront être mis au rebut. De leur côté, certains contrôleurs de qualité, trop novices, auront tendance à être plus sévères qu’il n’est nécessaire. Grâce à la bonne volonté et aux efforts de tous, les effets de la perturbation s’atténueront progressivement.
Les effets de la croissance trop rapide sont encore aggravés par ceux d’un certain irréalisme de la part des administrations clientes. Ces dernières exigent, en particulier pour Telecom 1, des délais de livraison comparables à ceux que proposent, dans le domaine des satellites commerciaux, des industriels très expérimentés tels que Hughes Aircraft ou Ford Aerospace. Or, si l’on excepte Symphonie qui a été un programme particulièrement lent, Telecom 1 et TDF 1 représentent, aussi bien pour Thomson-CSF que pour Matra et l’Aérospatiale, une toute première expérience dans ce domaine. Telecom 1 est donc livré avec un an de retard sur les espérances initiales des clients, avec toutes les conséquences que cela ne manque pas d’avoir sur la rentabilité des opérations.
À tous ces handicaps s’ajoutent en premier lieu le manque de visibilité sur les indicateurs de gestion financière dû à l’expérience malheureuse du PGCD cité plus haut, et ensuite les aléas techniques rencontrés dans le développement des transpondeurs en bande S, aléas dont les conséquences auraient été certainement moins importantes si le principal responsable de ce développement avait été en mesure de suivre son équipe à Toulouse.
Les points forts
Le principal point fort dont bénéficie la Division DES est la qualité de ses personnels et leur esprit d’équipe. La qualité de l’équipe de départ, celle du Département DSP, l’attrait du domaine spatial ainsi que l’attirance pour Toulouse et le Sud-Ouest sont des facteurs clés pour les succès à long terme.
Le recrutement des nouveaux arrivants est de qualité, car la plupart sont originaires de Thomson-CSF, avec par conséquent l’expérience d’un grand groupe industriel d’électronique.
L’outil industriel mis en place à Toulouse, et dont le coût initial dépasse les cent millions de francs, est remarquable car il a été conçu dès le départ pour l’électronique spatiale et par des gens ayant une longue expérience du domaine. Guy Bertaud est, en particulier, l’auteur du premier projet d’aménagement industriel de l’usine. Les moyens d’études et d’expérimentation des antennes, conçus sous la direction de Bruno Vidal Saint-André et de Maurice Rousselet, donnent aux ingénieurs et aux techniciens un outil particulièrement compact et performant. En 1984, Albert D. Wheelon, Directeur du Groupe Espace et Communications de Hughes, qualifie, lors d’une visite, l’usine de Toulouse de «meilleure du monde» dans le domaine des satellites.
Enfin, si l’estimation par leur administration des délais nécessaires à la réalisation de Telecom 1 a peut-être manqué de réalisme, l’appui des responsables du programme au CNET (Didier Lombard et Pierre Ramat) dans le développement des matériels de ce programme, suivi de celui de la DGT (Jean Grenier) dans le programme Intelsat VI, contribue fortement au départ d’une évolution qui aboutira au succès ultérieur d’Alcatel Espace.
Outre les programmes de télécommunications et d’observation déjà cités, ainsi que le domaine des transpondeurs bande S, la Division commence à s’attaquer au marché mondial sous l’impulsion du chef du Service Commercial, Alain Roger. Une tentative avec l’Aérospatiale et Ford Aerospace pour le programme Brazilsat passe près du succès, l’affaire étant emportée de justesse par Hughes. Cette expérience permettra au moins d’évaluer et de corriger par la suite les insuffisances constatées dans la préparation d’une telle proposition.
Les résultats
La croissance très rapide des effectifs, avec les problèmes d’adaptation qu’elle pose, s’ajoute aux perturbations apportées par le déménagement et l’installation à Toulouse dans deux centres successifs : le Mirail puis Candie. La productivité du Département DSP s’en trouve gravement affectée, la plupart des facturations sont effectuées avec de notables retards et les chiffres d’affaires, ainsi, bien entendu, que les résultats d’exploitation, en subissent les conséquences, comme le montrent les chiffres ci-après.
Année | CA (MF) | Résultats d’exploitation (MF) |
1982 | 430 | – 63 |
1983 | 411 | – 130 |
L’arrivée dans le groupe de la Compagnie Générale d’Électricité (CGE), future Alcatel, et la transformation de la Division en société anonyme ne se font pas dans les meilleures conditions et d’importants efforts deviennent nécessaires pour redresser la barre.
Les mesures de redressement
Jusqu’à la réalisation effective du déménagement, il ne sera pas possible d’améliorer efficacement le fonctionnement, et donc les résultats. En effet, tous les efforts du Département Satellites sont tournés, d’une part, vers la tenue des dates clés des programmes, en particulier Telecom 1, TV-Sat-TDF 1, les transpondeurs et SPOT et, d’autre part, vers la réussite du déménagement et de l’implantation à Candie.
Pour améliorer les résultats, il aurait fallu :
– tenir les délais initiaux afin de pouvoir facturer au lieu de créer des en-cours et des pertes ;
– obtenir des contrats nouveaux, mais la Division ne pouvant pas les réaliser, les efforts commerciaux sont bridés ;
– faire des réductions de charges, car les moyens sont disproportionnés avec la part propre du chiffre d’affaires des années 1982 et 1983. En effet, une part importante des livraisons de ces deux années est constituée de matériels destinés au programme SYRACUSE dans lesquels la valeur ajoutée propre à la Division Espace est très faible.
Au dernier trimestre 1983, Gérard Coffinet demande à Jacques Imbert, Directeur des activités Transmissions à Thomson-CSF, de renforcer la Division sur deux points essentiels : la gestion et le fonctionnement industriel.
Pour la gestion, il est décidé que Georges Malgoire, Directeur attaché auprès de Jacques Imbert, prendra au 1er janvier 1984 le poste de Directeur Administratif et Financier, avec des responsabilités élargies par rapport à celles de Jean Chabredier, avec notamment l’administration des ventes, les accords (avec l’arrivée d’Arlette Lefeuvre) et les négociations des contrats (avec l’arrivée de Monique Blanc).
Pour la mise en place d’une véritable entité industrielle, Michel Chaussedoux, qui a occupé des positions industrielles importantes, en particulier à la SEMS, et dirigé l’informatique interne de Thomson-CSF, deviendra Directeur adjoint du Département DSP au 1er janvier 1984.
Les efforts faits pendant cette période permettent de disposer progressivement d’une bonne connaissance des comptes, ce qui fait apparaître des pertes lors de l’examen de l’état d’avancement détaillé de chaque programme. En effet, il reste, en général, toujours plus à faire que prévu, ce qui conduit à de nombreux dépassements des coûts prévisionnels. Toutes ces pertes seront mises sur les résultats de 1983 qui seront donc catastrophiques (30 % du chiffre d’affaires).
Les derniers jours à Thomson-CSF
Le 20 septembre 1983, les principaux cadres de Thomson-CSF sont convoqués au siège social, boulevard Haussmann, pour entendre une communication d’Alain Gomez, nouveau Président du groupe Thomson depuis sa nationalisation.
L’annonce est faite en particulier de la cession à la Compagnie Générale d’Électricité du «périmètre» d’activités «télécommunications». Si, de toute évidence, et ceci est clairement exprimé, les activités de commutation téléphonique et de faisceaux hertziens font partie du périmètre en question, il faudra ensuite plusieurs jours aux dirigeants de la Division Espace présents à la réunion pour se faire préciser que les activités spatiales, en l’occurrence la Division Espace, en font également partie.
Pour la rédaction définitive de l’accord, il faudra ensuite préciser les limites exactes du «périmètre» avec, en particulier, toutes les conséquences dans le domaine de la propriété industrielle. C’est à ces aspects, pour DES, qu’Arlette Lefeuvre, dans le domaine juridique, et Jacques Chaumeron, dans le domaine technique, apporteront les principales contributions.
Une partie des activités où le Département DSP a bénéficié d’un support technique important d’autres unités de Thomson-CSF doivent faire l’objet d’accords particuliers car ces unités font désormais partie d’une compagnie différente de celle à laquelle vient d’être cédée la Division Espace.
Il faut donc examiner dans quelles conditions le Service Antennes de DSP pourra continuer d’utiliser les logiciels de calculs d’antennes développés par la Division Radars de Surface (DRS) de Thomson-CSF, logiciels que DSP a d’ailleurs contribué à faire évoluer en fonction de ses propres besoins.
Il faut également, dans le domaine prometteur des radars à ouverture synthétique (SAR), en cours d’étude pour le programme ERS de l’Agence Spatiale Européenne, négocier un accord permettant de poursuivre la coopération avec la Division Avionique (AVS) de Thomson-CSF.
Les travaux d’intégration dans le nouveau groupe seront rapidement matérialisés par la transformation de la Division DES en une société anonyme filiale, dénommée Alcatel Thomson Espace.
La transition vers Alcatel Thomson Espace
Si, comme on le verra plus loin, la société Alcatel Thomson Espace a pris naissance rétroactivement au 1er janvier 1984, l’année 1984 commence dans la continuation de l’organisation mise en place en 1982 et 1983, mais, si Thomson-CSF reste propriétaire, elle a délégué la gestion à la CGE. Jacques Imbert restant Directeur des activités Transmissions sous l’autorité de Jacques Darmon, rien n’est changé pour le Directeur de la Division Espace.
Les mesures de redressement mises en route donnent rapidement des résultats et l’année 1984 apporte de nombreuses satisfactions :
– le lancement réussi du premier modèle de vol de Telecom 1 qui concrétise le premier programme de charge utile réalisé par la Division ;
– la réussite du programme SPOT (qui sera lancé plus tard, en février 1986) ;
– les premières livraisons des matériels de série de Syracuse (pour fonctionner en 1985 avec Telecom 1) ;
– le bon achèvement, après d’énormes difficultés, du programme de transpondeurs qui deviendra par la suite un des grands succès de la société.
Deux programmes posent encore des problèmes difficiles :
– Intelsat VI, où il faut, dans des délais courts, réaliser un grand nombre de récepteurs performants alors que le fonctionnement industriel est encore très déficient ;
– TDF 1, où les tubes à ondes progressives de la Division Tubes de Thomson-CSF et les alimentations fournies par ANT tardent à être mis au point.
C’est ce qui explique que l’année 1984, qui aurait dû voir arriver les premiers bénéfices, donnera encore un résultat négatif (10 % d’un chiffre d’affaires en croissance) dont la plus grande partie est due aux TOP de TDF 1.
Cependant, au moment où la Division devient société anonyme, on peut dire que les difficultés liées à la constitution en trois ans d’une véritable entité industrielle de réalisation de charges utiles de satellites sont résolues. Il reste à en faire un instrument efficace et rentable ; c’est ce qui constituera l’essentiel des actions de direction jusqu’à la moitié de 1986, avant d’autoriser le remarquable développement des années ultérieures.
3.3 – Le transfert à Toulouse
La décision de transfert
Jusqu’en 1979, le Département DSP, logé dans un peu plus de la moitié du bâtiment E, dans le centre de Thomson-CSF de Meudon-la-Forêt, a disposé d’une surface suffisante. On peut même dire qu’au moment où l’effectif est passé, fin 1978, par sa valeur minimale (205), DSP était confortablement logé.
Fin 1979, avec un effectif de 252, la situation est encore acceptable, les surfaces disponibles pouvant, moyennant certains sacrifices de confort, accepter un maximum de 300 personnes.
C’est vers la fin de 1978 que la probabilité d’avoir un programme spatial français conséquent est devenue élevée. Il a été évident que les moyens à mettre en place pour un tel programme étaient sans commune mesure avec ceux qui existaient à Meudon.
La réflexion est menée au cours de l’année 1979, mais à cette époque le Gouvernement veut stopper la croissance de la région parisienne et met en place une politique très contraignante de maintien des espaces occupés par les grandes entreprises.
Or Thomson-CSF, dont presque toutes les Divisions sont basées autour de Paris, est en pleine croissance et manque de place. De plus, la Division DFH doit, à terme, être expulsée de la rue Greffuhle et par conséquent se reloger. La Direction Générale décide donc que le Département DSP sera délocalisé.
La DATAR (Délégation à l’Aménagement du Territoire) n’accepte que les villes nouvelles ou la province. La Direction de DSP propose Saint-Quentin-en-Yvelines, qui permettrait de moins perturber le personnel existant. Une autre possibilité est Marne-la-Vallée ou, surtout, Cergy-Pontoise, qui permettrait plus facilement l’extension de l’ensemble de DFH, également en pleine croissance.
En province, Nancy est envisagé car il existe de fortes pressions pour compenser les emplois perdus par la sidérurgie, mais Toulouse s’impose assez rapidement bien que, à cette époque, sa croissance naturelle ne pousse pas la DATAR à être très généreuse en subventions.
En définitive, après des approches de Gérard Coffinet auprès de Jean-Claude Husson (en 1979 pendant le Salon du Bourget) et de Jacques Chaumeron auprès du Directeur Général du CNES (Michel Bignier), il est décidé que la région toulousaine sera choisie. Les arguments, d’importance inégale, qui justifient ce choix sont les suivants :
– le CNES, qui a été jusque-là le principal client national, s’est installé au début des années soixante-dix à Toulouse et y a apporté les moyens d’essais lourds que peuvent utiliser les industriels. Il a fait savoir qu’il aidera Thomson-CSF si celle-ci implante à Toulouse une usine affectée à l’espace, cela lui permettant de mieux piloter l’activité spatiale dans le domaine des satellites à Toulouse qui devient, après l’aéronautique, capitale européenne de l’espace ;
– l’un des deux maîtres d’œuvre nationaux de l’époque, MATRA, en particulier maître d’œuvre de Telecom 1, a choisi Toulouse et y installe ses activités spatiales. Il peut y avoir un risque pour Thomson-CSF d’être réduite à un rôle de constructeur d’équipements, son Département spécialisé n’étant pas implanté dans un «haut lieu de l’intégration spatiale» ;
– la filiale informatique de Thomson, la CITEC, située au Mirail, connaît une sérieuse baisse d’activité, et l’implantation au voisinage d’activités spatiales en croissance peut faciliter le reclassement d’une partie de son personnel.
Après des études préliminaires pour installer seulement un centre d’intégration sur le site occupé par la Division Travaux Extérieurs, à proximité de l’aérodrome de Montaudran, la Direction Générale de Thomson-CSF décide au début de 1980 de transférer la totalité du Département DSP en y construisant un nouveau centre.
Cette décision est annoncée au comité central d’entreprise le 18 décembre 1980.
Un communiqué de presse, publié le 24 février 1981, précise qu’une option a été prise sur un terrain de plus de 20 hectares situé au Domaine de Candie et annonce la construction de près de 1 800 mètres carrés de bâtiments industriels devant abriter environ 500 personnes, dont deux tiers d’ingénieurs, cadres et techniciens.
Les grandes étapes de l’installation à Toulouse
La décision, prise fin 1980, intervient alors que 400 millions de francs de commandes ont déjà été obtenus en 1981, que le programme Telecom 1 impose des délais très courts (le lancement du premier modèle de vol, qui n’interviendra finalement qu’en août 1984, est alors prévu en 1983), que le programme TDF-TV-Sat arrive dans une phase opérationnelle et que plusieurs programmes à l’export (Brazilsat en particulier) sont apparus.
Un terrain ayant été choisi en 1980, il faudra toute l’année 1981 pour définir les besoins en détail, et c’est seulement début 1982 que peut être déposé le permis de construire.
Malgré des délais extrêmement serrés pour l’importance du programme de construction, il est impossible que DSP puisse être complètement opérationnel à Toulouse avant le milieu de 1983. Cela entraînera, pour les années 1980 et 1981, des conditions de travail démentielles qui sont exposées au paragraphe suivant.
Dès sa création au début de 1982, la nouvelle Division Espace, qui comprend 560 personnes dont 520 à Meudon, est confrontée à de très grandes difficultés :
– elle a besoin de près de 1 000 personnes pour exécuter les commandes obtenues ou qui vont arriver en 1982 (en particulier la sous-traitance de Hughes dans Intelsat VI) ;
– il ne faut pas prendre de retard sur les programmes (ou tout du moins pas plus que les autres participants), sous peine de catastrophe pour Thomson-CSF qui doit démontrer une véritable capacité industrielle ;
– le centre de Candie, en construction, ne sera pas disponible avant le milieu de 1983.
Les décisions suivantes sont prises ; elles paraissent à tous comme les moins mauvaises :
– dès le milieu de 1982, une partie du personnel sera installé dans l’usine de CITEC au Mirail, qui dispose de place ;
– le déménagement se fera par programmes. Ceux qui devraient être terminés, Telecom 1 et les transpondeurs bande S, resteront à Meudon, ainsi que le Service Antennes, les autres programmes étant réalisés à Toulouse dès leur début. Le programme TDF-TV-Sat est le plus perturbé puisqu’il déménage ;
– en conséquence, beaucoup de services seront coupés en deux, les chefs de service faisant la navette entre Meudon et Toulouse ;
– Philippe Blanchet, jusqu’alors responsable du programme charge utile Telecom 1, prend la direction de l’établissement de Toulouse ;
– les transferts de personnels auront lieu en deux fois : au milieu de 1982 et au milieu de 1983. En fait, des changements interviendront entre les deux, et, surtout du fait des embauches à Toulouse, la croissance y sera plus rapide que prévu.
Le déménagement, effectué en août 1982, se passe bien grâce à l’organisation mise en place par Philippe Blanchet et Jacques Rosmorduc.
Malheureusement, le retard pris par les programmes (dû principalement aux changements d’équipes et surtout de responsables qui ne souhaitent pas aller à Toulouse et se reclassent dans Thomson-CSF) pousse Philippe Blanchet, pressé en outre par la Direction de CITEC, qui a beaucoup de personnel disponible, à prendre à CITEC et à embaucher sur place plus de personnes que prévu initialement.
De plus, le déménagement en 1982 n’avait pas été prévu lors de l’établissement du budget de la Division DES, et les charges très importantes qui en résultent (charges directes et retards de fabrication) font apparaître un très mauvais résultat en 1982 (- 63 MF pour un chiffre d’affaires de 430 MF) qui, évidemment, n’avait pas été planifié par la Direction Financière de Thomson-CSF.
Or, début 1983, un malentendu grave apparaît sur les coûts de construction du centre, la Direction Industrielle de Thomson-CSF, chargée de cette construction, n’ayant pas prévu tous les montants nécessaires, bien qu’ils aient été connus. Cela entraîne le Directeur Général adjoint, Jacques Darmon, à supprimer un bâtiment prévu à Candie et à prolonger l’implantation d’une partie du personnel à CITEC.
Cette décision, qui entraîne de graves conséquences sur la Division (devenue plus tard Alcatel Espace) et surtout sur ses résultats, a pour effet qu’à partir du milieu de 1983, on procède bien à la suppression progressive de Meudon, mais il subsiste deux centres, avec tous les suppléments de charges et le manque d’efficacité qui en résultent.
En fait, la situation n’est complètement rétablie qu’en 1987 avec la construction, entamée le 30 janvier 1986, du bâtiment B (5 600 mètres carrés) qui avait été retiré des prévisions en 1983.
Enfin, le bâtiment A, commencé en juillet 1988, est occupé en juin 1989, et le bâtiment E en novembre de la même année.
Les installations en région parisienne jusqu’en 1984
Avec l’arrivée de nouveaux et importants programmes, il faut, en attendant de disposer des locaux de Toulouse, dès le début de 1980, rechercher de nouvelles surfaces pour absorber l’expansion.
La première action consiste, en septembre 1980, à louer un étage, alors disponible, d’un bâtiment de bureaux appartenant à Texas Instruments et situé avenue Morane-Saulnier à Vélizy, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau du bâtiment E de Meudon-la-Forêt. Le groupe de projet de Telecom 1 et le Service Commercial y sont logés.
Plus tard, en 1982, une partie d’un autre étage du même bâtiment est louée pour que s’y installe le groupe de projet de TV-Sat-TDF 1. Les locaux loués à Texas Instruments sont abandonnés fin août 1983.
À partir du milieu de 1981, des bureaux supplémentaires sont loués dans l’ensemble immobilier La Boursidière au Plessis-Robinson, à environ deux kilomètres de la maison mère.
Les services suivants y sont hébergés jusqu’au milieu de 1983 :
– Électronique numérique, dirigé par Michel Hayard ;
– Alimentations de TOP, dirigé par Jean-Pierre Desné ;
– Achats, dirigé par Lucien Gadeau ;
– Gestion et comptabilité, dirigé par Paul Pharisier.
L’intégration des charges utiles des satellites Telecom 1 et celle des ensembles de télémesure charge utile (TMCU) de SPOT 1 vont exiger de nouvelles surfaces dont ne dispose pas le centre de Meudon.
Dans une première phase, l’ancien local de l’Aérospatiale aux Mureaux, où avait été intégré le satellite Symphonie, est loué pour environ un an. Les modèles d’identification (MI) de la charge utile de Telecom 1 et de la TMCU de SPOT 1 y sont intégrés. Ce n’est évidemment qu’une solution de dépannage.
La construction du centre de Candie – Le projet de Candie
La municipalité de Toulouse, qui possède un grand domaine viticole aux portes de la ville, à Candie, accepte d’en céder 25 hectares au prix de 10 F le mètre carré.
L’architecte Pierre Laffitte présente sa maquette du futur centre de Candie. De gauche à droite au premier plan: Gérard Coffinet, Pierre Laffitte, Philippe Blanchet et Guy Leconte
Le choix de l’emplacement s’avère judicieux. Le terrain, en pente douce vers le Roussimort, est riverain de la route de Seysses qui permet d’atteindre, en quelques minutes, la zone industrielle de Basso-Cambo ; il se situe à proximité immédiate de la «Pénétrante Sud-Ouest», grande artère de communication vers Toulouse et sa rocade.Un appel d’offres est lancé auprès de deux cabinets d’architectes toulousains pour l’établissement de projets de construction du nouveau centre.
L’examen des projets proposés est effectué sous l’égide de Jean-Jacques Bruzac, Directeur des Installations Industrielles de Thomson-CSF, qui assure la fonction de maître d’ouvrage, les besoins ayant été définis par la Division DFH, c’est-à-dire, en fait, par une équipe de DSP dirigée par Philippe Blanchet avec l’intervention des Directions concernées de DFH.
Le projet retenu, celui de Pierre Laffitte, fait l’objet d’une demande de permis de construire déposée le 1er février 1982, et il est présenté le 23 février aux responsables de la préfecture et de la mairie de Toulouse.
Il comporte douze bâtiments dont huit bâtiments industriels, un bâtiment spécialisé pour l’intégration et les moyens d’essais (environnement et antennes), deux bâtiments administratifs et un bâtiment social incluant le restaurant d’entreprise.
Les acteurs de la construction de l’usine de Candie
Le responsable de l’implantation de DSP à Toulouse est Philippe Blanchet. Le 1er avril 1982, il prend pour adjoint administratif Jacques Rosmorduc qui, à ce titre, est chargé du transfert du personnel de Meudon à Toulouse, de l’absorption du personnel CITEC, de la création d’un Service Exploitation, d’un Service du Personnel, d’un Service Informatique, et de la construction des bâtiments de Candie. Pour cette dernière mission, qu’il remplira jusqu’en décembre 1986, il s’appuie sur Louis-Claude Richard.
Les maîtres d’ouvrage sont SIIPE et Thomson-CSF, le maître d’œuvre l’Atelier d’Architecture de Pierre Laffitte, dont la forte personnalité laisse sa marque dans la conception et l’agencement des bâtiments, ainsi qu’un souvenir ineffaçable dans l’esprit de ceux qui l’approchent.
Pierre Laffitte a démarré dans la vie comme décorateur de théâtre ; il a beaucoup travaillé avec Maurice Sarrazin au théâtre de Toulouse, créant notamment les décors et les costumes du premier spectacle qui y avait été donné avec Daniel Sorano en vedette principale. Il est le frère de Guy Laffitte, saxophoniste de renom et l’un des créateurs de «Jazz in Marciac».
L’architecte Laffitte possède un tempérament d’artiste et il aime en cultiver les apparences. Sa houppelande de fourrure et son chapeau noir à la Bruant témoignent probablement de son indépendance d’esprit. Ses interlocuteurs sont vite séduits par son charisme et la clarté d’expression de ses idées, qu’il défend avec une obstination parfois source de rudes empoignades verbales !
Les bâtiments d’Alcatel Espace constituent un bon compromis entre les impératifs de l’esthétique, l’efficacité industrielle et les exigences d’un cadre de vie communautaire. Pierre Laffitte estime que Candie a été, au plan technique, un de ses plus beaux chantiers (avec l’immeuble de ELF à Labège). Pierre Laffitte décédera le 1er février 1995.
Plus de trois cents ouvriers de nombreuses entreprises travaillent à la construction de l’usine toulousaine.
La chronologie de la construction de Candie
Le premier coup de bulldozer est donné en juillet 1982 : il faut d’abord arracher les vignes en prélude à la mise en place des fondations des bâtiments C, D et S.
En août 1983, on peut occuper le bâtiment C réservé aux ateliers et labos : 8 700 mètres carrés, dont 2 000 de salles blanches. C’est à partir de cette date que DSP vivra dans trois sites simultanément : CITEC, Candie et Meudon.
Le 1er septembre 1983, le personnel peut prendre le premier repas à la cantine du bâtiment S qui s’étend sur 2 200 mètres carrés avec les locaux du comité d’établissement.
En octobre 1983, première implantation dans le bâtiment D où s’installe la Direction. Ce bâtiment de 11 000 mètres carrés sera complètement opérationnel à la fin de 1983, notamment en ce qui concerne la salle d’intégration de 800 mètres carrés, la tour du radôme et les locaux des moyens d’essais.
Pour respecter les normes NGF imposées par la proximité de la base aérienne de Francazal, on doit creuser pour enfoncer en sous-sol le premier niveau du bâtiment D. Mais la nappe phréatique se révèle plus haute que prévu, ce qui conduit à créer un cuvelage étanche avec pompes de relevage des infiltrations.
Au rez-de-chaussée du bâtiment C, on installe les centrales d’énergie et le poste de contrôle «Sécurité» dont les capacités sont alors de :
– la centrale thermique : 1 750 kW ;
– la centrale frigorifique : 2 250 kW ;
– la centrale électrogène : 1 600 kVA ;
– la production de fluides industriels, dont l’air comprimé : 900 N/m3/h avec point de rosée à – 32 °C ;
– le poste de transformation principal : 3 000 kVA.
Il faut noter que sept ans plus tard, ces paramètres seront devenus :
– la centrale thermique : 2 200 kW ;
– la centrale frigorifique : 5 600 kW ;
– la centrale électrogène : 6 000 kVA (avec EJP) ;
– l’air comprimé : identique ;
– le poste de transformation principal : 12 000 kVA.
Les bâtiments B (5 600 mètres carrés), construit de février à décembre 1986, A, réalisé entre juillet 1988 et juin 1989, et E, occupé en novembre 1989, complètent la construction.
Deux immeubles de bureaux (appelés Z et Z’) sont loués de l’autre côté de la rue Jean-François-Champollion : le Z à compter du 1er avril 1987, et le Z’ au début de 1988, jusqu’à disponibilité du bâtiment A.
Les effectifs, le recrutement, l’absorption du personnel CITEC
L’année 1981 et le premier semestre 1982 sont consacrés à la préparation du transfert de salariés de Meudon à Toulouse. Il convient de recruter des ingénieurs et des agents techniques qui acceptent de «descendre» à Toulouse, de préférence en recherchant des volontaires dans les unités de Thomson-CSF, et de «recaser» dans le groupe ceux qui n’acceptent pas de quitter la région parisienne.
Le 1er janvier 1982, les effectifs de DSP-Meudon se trouvent ainsi portés à 520 personnes.
Durant l’année 1982 et les premiers mois de 1983, 218 personnes sont mutées de CITEC à DSP. CITEC, société filiale de Thomson-CSF, éprouve des difficultés de plan de charge depuis la fin du Plan Calcul et l’éclatement de la CII dont l’usine du Mirail avait été l’outil de production. Depuis lors, ce centre mène de difficiles opérations de reconversion et n’obtient qu’au compte-gouttes des commandes de fabrications militaires, de la part d’autres unités de Thomson. C’est sans difficultés que CITEC mute 20 % de son effectif de 1 100 personnes vers le Département Satellites de la Division Espace (DSP).
Le premier problème à résoudre est celui de la formation de ce personnel. Il s’agit d’ingénieurs, de techniciens, d’ouvriers, d’employés qui, familiers de la production d’ordinateurs ou d’électronique militaire, ne se sont jamais frottés aux règles particulières du spatial.
Il est convenu que le personnel CITEC concerné sera détaché durant six mois à Meudon où, «sur le tas», il recevra la formation adéquate et pourra rapidement contribuer à la production des équipements destinés à SPOT 1,TDF, TV-Sat… Car la charge de travail augmente trop vite pour la capacité de production. Il faut mettre tous les moyens en ligne, même si la formation n’est pas complètement achevée.
Le responsable de la fabrication en région parisienne est Jean Petrochenko. Venant de CITEC, Roland Borchi, assisté de Jean-Claude Choury, prend le relais pour Toulouse. Avec Michel Burgan, responsable de la qualité, ils se trouvent de fait avoir à suivre le personnel CITEC transféré et à assurer pour leurs domaines le recrutement d’effectifs complémentaires.
Martial Malaurie, chef du personnel du Département Espace-Satellites, a la charge de recevoir les mutés de CITEC et de régler les problèmes sociaux. Ses interlocuteurs à CITEC sont M. Rousset, chef du personnel, assisté de Serge Lioret qui, ultérieurement, rejoindra le Service du Personnel de DSP.
L’organisation sociale du transfert du personnel de DSP Meudon vers Toulouse
Deux services sont créés pour s’occuper des conditions matérielles de transfert :
– le Service Transfert (à Meudon) ;
– le Service Accueil (à Toulouse).
Vis-à-vis des candidats au transfert, leurs missions consistent à :
– organiser les voyages de reconnaissance ;
– présenter le marché immobilier de Toulouse ;
– rechercher des logements ;
– faire visiter la ville et en vanter les attraits (culturels, éducatifs, touristiques, etc.) ;
– contribuer à harmoniser les souhaits des conjoints en matière de logement, etc. ;
– aider à l’inscription des enfants dans les écoles ;
– participer au reclassement professionnel des conjoints du personnel de DSP.
Vaste programme ! Qui nécessite de la part des préposés des deux services beaucoup de patience, de doigté, de dévouement et de mobilité. Sont chargés de ces missions :
– à Meudon : Any Dales ;
– à Toulouse : Georges Montaillier jusqu’en avril 1982, puis Marie-France Gaillard.
Les futurs transférés et leurs conjoints sont invités à une réunion tenue en soirée au palais des Congrès de Versailles, au cours de laquelle leur sont présentées les principales modalités du transfert.
L’implantation provisoire à CITEC/Mirail
Rappelons qu’en 1981, le plan de charges prévisionnel augmente considérablement : il faut disposer rapidement de locaux supplémentaires, ce qui est impossible en région parisienne. L’usine de CITEC au Mirail offre 6 000 mètres carrés : toute la partie ouest de l’usine (nommée tranche 5) avec une entrée spéciale pour DSP et le premier étage de la tour administrative où s’installe la Direction de DSP.
Durant l’été 1982, le premier transfert de Meudon concerne une centaine de personnes qui s’établissent au Mirail où, dès cette époque, sont créés des labos pour les affaires nouvelles, en particulier Intelsat VI.
À la fin de 1982, DSP compte 318 personnes au Mirail. Au milieu de 1983, lorsque l’on commence à occuper les premiers locaux de Candie, l’effectif installé au Mirail s’élève à 634 personnes.
Du personnel de DSP, en nombre décroissant à partir de 1984, travaillera encore au Mirail jusqu’en mars 1987.
Pour la plupart des «Parisiens» venus à Toulouse, les conditions d’existence qu’ils trouvent en région toulousaine sont excellentes : proximité de la campagne, durées de trajet pour se rendre au travail considérablement réduites, usine entourée de parkings pratiques et d’espaces verts bien entretenus, équipements sportifs sur le site même. On organise des tournois de tennis. Une vie sociale fait suite au temps de travail, créant une ambiance plus décontractée que par le passé.
Pour l’aspect professionnel, les locaux industriels du Mirail ressemblent beaucoup à ceux quittés en région parisienne. À l’étage, de grandes surfaces au sol, cloisonnées, réservent des espaces bruyants et peu ergonomiques. Certains se souviennent de ce labyrinthe de bureaux de groupes de projet permettant, certes, une excellente transmission pas toujours souhaitée des informations. En sous-sol, la disposition des différents services et la salle blanche n’ont rien de remarquable.
Le transfert progressif vers Candie des moyens d’études et de production dégrade l’efficacité de l’activité, en particulier pour les groupes de projet maintenus dans leur isolement au Mirail. Cette double implantation impose de nombreux déplacements entre le Mirail et Candie.
La vie de l’entreprise éclatée en plusieurs sites
Le transfert de Meudon à Toulouse s’étale du milieu de 1982 à la fin de 1983. À Toulouse, DSP aura des effectifs au Mirail du milieu de 1982 à mars 1987, l’usine de Candie ne recevant ses premiers occupants qu’à dater du milieu de 1983.
Le centre de Meudon continuera d’abriter un petit atelier de câblage en salle blanche, sous la direction de Guy Bertaud, jusqu’à fin 1984, date à laquelle toute activité cessera dans ce site.
En 1984, il est question de rassembler à La Verrière (Hauts-de-Seine) l’atelier de Meudon et le siège de la Division installé à Courbevoie (au Doublon) mais ce projet n’aura pas de suite. L’activité sera donc éclatée sur trois puis sur deux sites jusqu’au début de 1987.
De façon pragmatique, chaque service s’adapte du mieux qu’il peut à cette situation. Quelques exemples illustrent les difficultés que les chefs de service ont à surmonter.
Le Bureau d’Études, placé sous la responsabilité de Raymond Pache, comprend cinquante personnes à Meudon : il n’y en a que quatre ou cinq pour accepter leur transfert à Toulouse ! Comme par ailleurs on ne trouve personne à CITEC possédant le profil nécessaire, il faut recruter pour Toulouse cinquante ingénieurs et dessinateurs par mutation de Thomson-CSF et par embauche externe. Dans le même temps, il faut «recaser» dans d’autres unités le personnel non transféré. Simultanément, la charge de travail va croissant… On fait donc largement appel à des sous-traitants, pendant qu’on forme les nouveaux embauchés…
Le Bureau d’Études travaille sur les deux sites (Meudon et Mirail) de septembre 1982 jusqu’en juillet 1983 où l’effectif définitif de soixante personnes est réuni au Mirail. Durant cette période, Meudon traite SPOT 1, Telecom 1, TDF, TV-Sat et les transpondeurs, Toulouse s’occupant de TELE X, Intelsat VI, et recevant le Bureau de Calcul (Patrick Zemlianoy).
Au Mirail, les dessinateurs sont peu à peu répartis dans les lignes de produits qu’ils suivent au fur et à mesure de leur migration vers Candie. Le dernier mouvement, au début de 1987, concerne la ligne HY (hyperfréquences) et le BE Central (Bureau de Calcul essentiellement).
Henri-Paul Brochet était, en 1982, chef de projet Transpondeurs ; il a quitté Meudon durant l’été 1983, les transpondeurs bande S étant produits dans ce centre. Jusqu’alors il était «à cheval» sur Meudon et sur Toulouse/Mirail où fut lancée la production des transpondeurs SPOT 1 et Giotto. À la fin de 1984, devenu chef du Service TTC, il s’est partagé entre Mirail et Candie, jusqu’à la fin de 1986, la production des modèles de vol se faisant sur ce dernier site.
En mars 1987, les derniers personnels ATES de Toulouse rejoignent le site de Candie mais… en «extra-muros», au bâtiment Z, en location, de l’autre côté de l’avenue Jean-François-Champollion. Ce bâtiment, moderne, assure convenablement la fonction qu’ATES entend lui confier, mais à quelques centaines de mètres du centre principal d’activités, et cela entretient les problèmes récurrents de disponibilité des salles de réunion.À la fin des années quatre-vingt, le regroupement sur le site de Candie «intra-muros» ne supprime pas les fréquents changements de bâtiments, d’étages, de bureaux ou de dispositions, phénomène souvent plus fréquent qu’il n’est strictement nécessaire dans beaucoup d’entreprises. Le record est probablement le double déménagement d’un groupe de projet en un mois.
Quelques bureaux d’ingénieurs sont installés temporairement dans des abris du type «Algéco». Pour quelques-uns, l’activité professionnelle durant la décennie quatre-vingt suppose un certain nomadisme.
Conclusion
Au niveau des Services, des labos, des ateliers, chacun sut s’adapter et traiter les problèmes du transfert avec détermination et doigté.
Mais les temps furent difficiles, l’entreprise ayant à gérer une croissance rapide des effectifs en rassemblant des gens venus d’horizons divers. On passa en effet de 520 personnes au 1er janvier 1982 à 1 015 personnes au milieu de 1984.
Cette croissance, qui s’accompagnait d’une décentralisation avec changement de structures et quelquefois de responsables, inquiétait nos clients (allemands et américains notamment), les rendait soupçonneux et tatillons lors des points clés, d’où la multiplication des audits et des actions correctives.
Au point de vue social, Martial Malaurie, arrivé au milieu de 1982 en tant que chef du personnel du Département Satellites, eut à gérer un «choc de cultures d’entreprises diverses», chacun, qu’il vienne de CITEC, de Meudon ou d’autres centres de Thomson-CSF, revendiquant l’application des règles de son centre d’origine.
Le personnel issu de CITEC, habitué à la vie d’une unité de production, apparaissait plus familier des méthodes de travail industrielles mais réclamait l’alignement sur les salaires des salariés de Meudon.
Ces derniers, minoritaires, déplacés mais seuls à posséder une certaine expérience du «spatial», pensaient détenir la vérité «technique» et «historique» de ce qui était encore un «artisanat de luxe».
De cette période mouvementée, de ce brassage d’hommes et de cultures, de ces péripéties immobilières allait surgir l’entreprise Alcatel Thomson Espace née officiellement le 9 mai 1984, dotée à Candie d’un remarquable outil de travail, condition nécessaire de son développement et de ses succès à venir.
3.4 – Alcatel Thomson Espace et Alcatel Espace (ATES)
3.4.1 Les accords CGE-Thomson de 1983
Le contexte politique des accords
Dans la dynamique de l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand, la Gauche remporte en 1981 la majorité aux législatives. Dès juillet de la même année, le Premier ministre Pierre Mauroy annonce le programme des nationalisations. C’est ainsi que la loi du 11 février 1982 va nationaliser, entre autres, les groupes Thomson et CGE-Compagnie Générale d’Électricité (qui deviendra ultérieurement Alcatel).
Nés d’une initiative de Laurent Fabius, alors ministre de l’Industrie et de la Recherche avant d’accéder aux fonctions de Premier ministre, les accords de 1983 intervenus entre la CGE d’une part et Thomson d’autre part visent à mettre un terme à une concurrence franco-française entre deux groupes appartenant désormais au même actionnaire : l’État. Le contenu de cette entente est directement négocié entre les principaux dirigeants des deux groupes : d’une part, Georges Pébereau, alors Directeur Général de la CGE et bras droit de Jean-Pierre Brunet, récemment nommé Président en remplacement d’Ambroise Roux, démissionnaire ; d’autre part, Alain Gomez, Président de Thomson.
Le domaine des accords
Désormais, la répartition des responsabilités de chacun des groupes dans les secteurs concernés est la suivante :
– pour la CGE : communication civile et notamment : commutation, transmission, radiocommunication, bureautique, informatique, tri postal ainsi que câbles d’énergie ;
– pour Thomson : électronique et informatique de défense, contrôle aérien, radio-émission, télévision, produits grand public (électroménager, produits bruns et blancs), composants électroniques.
Un protocole d’accord est ainsi signé fin août 1983 et rendu public le 22 septembre suivant dans un climat de scepticisme entretenu par une presse relayant les craintes de la DGT (tenue à l’écart des accords) de n’avoir plus dorénavant qu’un seul fournisseur majeur.
Les activités «télécommunications»
Parmi les activités apportées par Thomson à la CGE, la principale est celle concernant les télécommunications, puisque près de vingt et un mille salariés vont ainsi changer d’employeur au 1er janvier 1984.
Sont concernées notamment la commutation publique (Thomson-CSF Téléphone), la communication d’entreprise (téléphonie privée, bureautique, Ferrer Auran), la transmission (espace, faisceaux hertziens, LTT et Cabeltel), ainsi que la partie civile des activités d’informatique et de logiciel (dont Thomson-CSF Informatique et ses filiales TITN, Answare, AEA, CETT).
Dans un premier temps, Thomson-CSF va filialiser les activités qui étaient exercées au sein de divisions, comme par exemple l’espace. Puis, dans un second temps, les titres de ces diverses sociétés sont apportés à une holding dénommée Thomson Télécommunications, détenue par l’État, Thomson-CSF et la CGE, qui en recevra le mandat de gestion.
Contenu des apports de l’activité «espace»
Le traité d’apport signé à Paris le 18 juin 1984 par Alain Gomez et Georges Pébereau va s’appuyer sur les principes suivants. Ce sont, bien évidemment, les activités de conception, de fabrication et de commercialisation (au sens large de ces termes) qui sont incluses dans l’apport. En ce qui concerne Alcatel-Thomson Espace il s’agit des «activités de conception, fabrication et commercialisation des produits, systèmes, sous-systèmes et fonctions électroniques associées, à usage civil ou militaire :
– équipements électroniques embarqués à bord de satellites ou de véhicules satellites ;
– charges utiles et satellites de télécommunications, de télévision ou d’observation de la Terre ;
– sous-systèmes embarqués de télémesure-télécommande, et poursuite de satellites ;
– équipements associés au sol pour les essais, le contrôle et la surveillance des satellites ;
– systèmes dans lesquels les satellites définis ci-dessus constituent l’élément majeur».
Cette définition des activités apportées inclut donc une exception de taille dans les principes régissant le partage des activités entre Thomson et CGE : les applications militaires de l’espace sont apportées (car indissociables des activités civiles) alors qu’elles auraient dû demeurer dans le domaine de Thomson.
Jusqu’au 31 décembre 1989, Thomson (et réciproquement CGE) s’engage à ne pas se rétablir, directement ou indirectement, dans un fonds de commerce susceptible de faire concurrence aux activités transférées.
Les brevets ou licences de brevets utilisés par la filiale sont apportés conformément à un règlement minutieux qui permettra de résoudre cette délicate mais essentielle question de propriété intellectuelle.
L’utilisation du nom de Thomson au sein de la raison sociale d’Alcatel-Thomson Espace est limitée dans le temps (quatre ans à compter de la fusion envisagée des sociétés CIT-Alcatel et Thomson-Télécommunications). Tous accords techniques ou commerciaux concernant le domaine spatial sont apportés à la société, dans la mesure du respect du droit des tiers bien évidemment.
L’ensemble des actifs corporels et incorporels de la Division DES de Thomson-CSF ainsi qu’une liste limitativement énumérée des passifs du domaine constituent le coeur du traité d’apports et font l’objet de minutieuses vérifications d’audit.
3.4.2 L’organisation d’ATES et son évolution
Les origines juridiques et les conseils d’administration d’Alcatel Espace
L’apport des activités spatiales
Le 9 septembre 1983 est créée une société dénommée Duotrentelec au capital de 250 000 francs, sans activité commerciale, mais dont le but est de recevoir à bref délai les apports par Thomson-CSF des actifs de sa Division DES (Division Espace). Ces apports sont rendus effectifs lors de l’assemblée générale des actionnaires en date du 7 mai 1984 et avec effet rétroactif au 1er janvier 1984.
Lors de cette première phase, Thomson-CSF conserve le contrôle de la société, dont le capital a été porté à 31 millions de francs, en contrepartie des apports. Dans une deuxième phase, Thomson-CSF doit apporter les titres de sa filiale à Thomson-Télécommunications le 29 juin 1984. Les principaux actionnaires de cette holding sont l’État, Thomson-CSF, et la CGE, qui en détient le mandat de gestion.
Une nouvelle augmentation de capital de 50 millions de francs, souscrite en numéraire, intervient le 14 décembre 1984. Les statuts de la société, dénommée désormais Alcatel Thomson Espace, sont alors mis en harmonie avec, notamment, la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public. De ce fait, le nouveau conseil d’administration de la société est porté à neuf membres, dont six sont nommés par l’assemblée générale et trois sont élus par les salariés de la société le 14 juin 1984. Ce premier conseil d’administration démocratisé nomme Jacques Imbert aux fonctions de Président et, à la demande de ce dernier, Gérard Coffinet à celles de Directeur Général.
Au cours de l’année 1986, la société se réorganise profondément. Le 20 janvier, le conseil d’administration nomme Jean Valent aux fonctions de Directeur Général investi de la qualité de vice-Président. Le 22 septembre de la même année, Jean-Claude Husson est désigné par le conseil aux fonctions de Directeur Général en remplacement de Gérard Coffinet, démissionnaire. Il est également coopté administrateur de la société. Le 2 mai 1986, Michel Chaussedoux est désigné aux fonctions de Directeur Général adjoint d’ATES.
Du fait de la privatisation du groupe CGE (qui deviendra Alcatel-Alsthom), les postes d’administrateurs salariés sont supprimés en juillet 1987.
Quelques mouvements interviendront dans la composition du conseil d’administration d’ATES, liés à des décès (Gérard Boelle, Guy Magnan) ou à des modifications d’organisation au sein des groupes Alcatel ou Thomson-CSF. Mais, dans l’ensemble, le conseil restera homogène jusqu’à la fin de 1993.
De façon synthétique, les organigrammes ci-après résument la composition du conseil depuis celui qui, courant 1985, s’est réuni sur le premier arrêté de comptes de l’exercice 1984, jusqu’à celui qui s’est réuni en 1994 sur les comptes de l’exercice 1993, terme de cette première histoire d’ATES.
Composition du conseil d’administration d’Alcatel Espace
Membres du conseil d’administration, en fonction à la date des conseils approuvant les comptes arrêtés au 31 décembre de chaque année
Noms | 1984 | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 |
Gérard Boelle | ADM | (DCD) | ||||||||
Daniel Castellan | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | |||||
Serge Coyer | Adm Sal | Adm Sal | ||||||||
Domenico Ferraro | ADM | |||||||||
Philippe Giscard d’Estaing | ADM | |||||||||
Claude Goguel | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ||
Jean-Marc Goutoule | Adm Sal | |||||||||
Jean Guibourg | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ||
Pierre Guichet | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM |
Jean-Claude Husson | DG / Adm | DG / Adm | DG / Adm | DG / Adm | DG / Adm | DG / Adm | DG / Adm | PDG | ||
Jacques Imbert | PDG | PDG | PDG | PDG | PDG | PDG | PDG | PDG | PDG | ADM |
Pierre Leroux | ADM | ADM | ADM | ADM | ||||||
Guy Magnan | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | (DCD) | ||
Jean-Philippe Marre | Adm Sal | Adm Sal | ||||||||
François Petit | ADM | |||||||||
Jean-Loup Picard | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ADM | ||||
Christian Pinon | ADM | |||||||||
Didier Valax | Adm Sal | |||||||||
Jean Valent | ADM | V-PDG | V-PDG | V-PDG | V-PDG | ADM | ADM | ADM | ADM |
En outre, participaient au conseil sans voix délibérative :
1984 | 1985 | 1986 | 1987 | 1988 | 1989 | 1990 | 1991 | 1992 | 1993 | |
Cabinet Barbier Frinault et autres (représenté par Alain Gouverneyre) | *** | |||||||||
Gérard Coffinet (Directeur Général d’Alcatel Espace) | *** | *** | ||||||||
Cabinet Frinault Fiduciaire (Commissaire aux comptes, représenté par Michel Angot (89-90), Alain Gouverneyre (91-92) et Philippe Zeiger (89-92) | *** | *** | *** | *** | ||||||
Claude Hello (Contrôleur Général de l’Armement) | *** | *** | *** | *** | ||||||
Guy Jourdain (Contrôleur Général de l’Armement) | *** | *** | *** | *** | *** | *** | ||||
Arlette Lefeuvre (Secrétaire du conseil d’administration d’Alcatel Espace) | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** |
Georges Malgoire (Directeur Administratif et Financier) | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | |
Cabinet Robert Mazars (Commissaire aux comptes, représenté par André Mignot et Xavier Charton) | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** | *** |
Cabinet SEEF (Commissaire aux comptes, représenté par Hubert Luneau et Didier Pépin) | *** | *** | *** | *** | *** | |||||
Benoît Tellier (DGA d’Alcatel Espace) | *** |
L’organisation en 1985-1986
Constituée en mai 1984 (juridiquement, avec effet rétroactif au 1er janvier 1984), la société Alcatel Thomson Espace reprend, avec les hommes et le fonds de commerce de la Division DES, l’organisation de cette Division. Ce n’est qu’au 1er janvier 1985 qu’elle se dote d’une organisation nouvelle définie par la note de service DG n° 1 du 7 janvier 1985, signée du P-DG de la société, Jacques Imbert.
Cette note va être amplement détaillée ci-après, car il s’agit de la première pierre du nouvel édifice. Comme tout corps vivant, l’organisation d’ATES va évoluer périodiquement et les notes d’organisation postérieures seront évoquées plus superficiellement, à l’exception de celle encore en vigueur au terme de la rédaction de ce recueil, c’est-à-dire fin 1993.
Toutefois, ce tour d’horizon chronologique des diverses notes d’organisation montre combien l’activité d’ATES a pu évoluer dans le temps. Là où en 1984 une structure tout à fait classique suffisait (état-major, études/production, vente), on voit apparaître, moins de dix ans plus tard, une structure «fédérale» et complexe, nécessitée par l’évolution du métier d’ATES vers les fonctions de maître-d’œuvre, voire d’opérateur (Alliance, Space Division, ASD, Globalstar…).
L’organisation de la société lors de sa création
D’équipementier jusqu’à la fin des années soixante-dix, Alcatel Thomson Espace va, dès sa création, vivre pleinement son nouveau rôle de «charge-utiliste». La société explose, les pertes aussi, car il faut «changer de braquet» : décentralisation à Toulouse, embauches nombreuses, reconversion d’une partie du personnel CITEC (ex-CII Toulouse), ce qui entraîne des coûts de formation et des surcoûts de fabrication considérables. Les voeux de bienvenue du Président Georges Pebereau aux trois représentants d’ATES ébahis sont particulièrement chaleureux et se terminent ainsi : «Si les résultats ne sont pas rétablis dans un délai de deux ans, votre carrière dans le groupe est terminée.» Qu’on se le dise !…
Un débat interne va, par ailleurs, rebondir à l’occasion de cette première organisation de la société : l’activité «Stations terriennes» doit-elle ou non être incorporée dans ATES ? Cette activité n’est alors pas dans un état de santé mirobolant et ce mariage, pour logique qu’il soit, risquerait de compliquer encore plus la mise en œuvre de l’organisation et le rétablissement de la santé économique d’ATES.
La question est tranchée par Jacques Imbert qui maintient la décision prise antérieurement, en dépit de l’insistance de plusieurs cadres d’ATES qui lui font remarquer que les concurrents US sont organisés différemment.
La note d’organisation DG n° 01 du 7 janvier 1985
L’organisation de la société y est ainsi définie : «La société Alcatel Thomson Espace est organisée en trois divisions opérationnelles constituées en centres de profit et dotées de leur compte d’exploitation :
– la Division Équipements (DEQ) ;
– la Division Militaire et Aérospatiale (DMA) ;
– la Division Télécommunications Civiles (DTC).
Un Secrétariat Général (SG) et deux Directions centrales – la Direction Administrative et Financières (DAF) et la Direction du Plan et de l’Orientation Technique (DPT) – ont des fonctions d’assistance aux divisions opérationnelles et à la Direction Générale, de contrôle, de coordination et d’orientation.
Ces différentes unités sont réparties entre deux établissements :
– l’établissement de Toulouse-Candie (ETC) auquel est rattachée l’annexe du Mirail implantée dans les locaux du centre électronique de Toulouse de Thomson-CSF ;
– l’établissement de Courbevoie (ECO) où est situé le siège de la société.»
De cette organisation, il faut essentiellement retenir les principes suivants. La société est placée sous l’autorité d’un Président-Directeur Général, Jacques Imbert, et d’un Directeur Général, Gérard Coffinet.
Le lien direct avec les clients est assuré par deux divisions assurant à la fois la commercialisation et le suivi des projets. Ces deux entités s’appuient sur une division chargée de l’étude, du développement et de la production des équipements devant être intégrés dans les systèmes ou sous-systèmes vendus.
C’est ainsi que la Division Télécommunications Civiles (DTC) va commercialiser ses activités portant sur l’étude de systèmes et leur architecture, la maîtrise d’œuvre de satellites ou de systèmes spatiaux, ainsi que leur intégration vers des clients tels que DGT, TDF, Intelsat, Eutelsat ou Inmarsat, ainsi que vers des industriels et maîtres d’œuvre de télécommunications.
Les effectifs DTC sont, au début de l’année 1985, en majorité situés à Toulouse-Mirail avant d’être transférés peu à peu à Toulouse-Candie. Alain Roger est nommé Directeur, assisté de Jean-Claude Héraud.
Pour sa part, la Division Militaire et Aérospatiale (DMA) a en charge les activités portant sur l’étude, l’architecture, la maîtrise d’œuvre, l’intégration des systèmes et sous-systèmes associés ou non à un segment sol, ainsi que la réalisation du segment sol, destinées aux administrations militaires ou aux agences telles que le CNES ou l’ESA, ainsi que les industriels maîtres d’œuvre du domaine.
La majorité des effectifs DMA est située à Courbevoie, localisation plus proche de ses clients et des principaux sous-traitants (dont Alcatel Thomson Faisceaux Hertziens) ou maîtres d’œuvre. Jean-Louis de Montlivault en est le Directeur, assisté de Pierre Luginbuhl et de Claude Roche.
La Division Équipements (DEQ) est pour sa part chargée d’étudier, développer et produire les équipements nécessaires, et possède ainsi l’ensemble des moyens techniques, technologiques et de fabrication utiles (exception faite de l’intégration des charges utiles ou de sous-systèmes confiée à la Division DTC).
Ainsi, l’essentiel des investissements corporels de la société est géré par la Division DEQ. Cette Division est la première à s’implanter dans la nouvelle usine de Toulouse-Candie. Michel Chaussedoux en est le Directeur, assisté de Pierre de Bayser et de Jean-Louis Maury.
Par ailleurs, un tronc commun constitué de directions fonctionnelles épaule à la fois le Directeur Général et les directions opérationnelles. Il est constitué des Directions suivantes :
– un Directeur attaché à la Direction Générale, Philippe Blanchet, chargé de la mise en place de la nouvelle organisation et de la stratégie de la société ;
– un Secrétaire Général, Jacques Chaumeron, qui supervise la communication interne et externe (Françoise Sampermans), le personnel et les affaires sociales (Martial Malaurie), et l’assurance qualité (Jean-Claude Héraud) ;
– une Direction Administrative et Financière (DAF) sous contrôle de Georges Malgoire, chargée du contrôle central de gestion (Michel Flacelière), des affaires financières de la Division Équipements (Gabriel Frayssinet), de la Division DMA (Yves Louet) et de la Division DTC (Jean Gaich), de la comptabilité (Bernard Millard), du contrôle financier et du support aux services commerciaux (Monique Blanc), des questions juridiques et fiscales (Arlette Lefeuvre) ;
– une Direction du Plan et de l’Orientation Technique (DPT) sous contrôle de Claude Michaud assisté de Jacques Urien, en charge de l’animation du plan à moyen terme ;
– un chef d’établissement de Toulouse-Candie (Jacques Rosmorduc sous contrôle du DG) et un chef d’établissement de Courbevoie (François Violet sous contrôle du Secrétaire Général).
Enfin, cette note d’organisation crée deux comités :
– le Comité exécutif (Comex), placé sous l’autorité du P-DG et comprenant le Directeur Général, le Directeur attaché à la Direction Générale, le Secrétaire Général, le Directeur Administratif et Financier, le Directeur de la Division Équipements, le Directeur de la Division Militaire et Aérospatiale et le Directeur de la Division Télécommunications Civiles. Il va se réunir chaque semaine. À noter que dès le milieu de 1985, Philippe Blanchet retourne à Thomson-CSF, et le poste d’attaché au DG est supprimé ;
– le Comité de direction élargi (Codir) qui, outre les membres du Comex, comprend le Directeur de la Qualité, le contrôleur central de gestion, le Directeur du Plan et de l’orientation technique, les Directeurs adjoints des divisions opérationnelles, le responsable de la communication interne et externe, le chef d’établissement de Toulouse-Candie, le chef du Service du Personnel et des Affaires Sociales. Ce comité se réunit tous les mois.
L’organisation d’Alcatel Espace au 7 janvier 1985
Président-Directeur Général
J. Imbert | |
Directeur Général | G. Coffinet |
Secrétaire Général | J. Chaumeron |
Direction de la Qualité | J.-C. Héraud |
Direction de la Communication Interne et Externe | F. Sampermans |
Service du Personnel et des Affaires Sociales | M. Malaurie |
Directeur attaché à la Direction Générale | Ph. Blanchet |
Direction du Plan et de l’Orientation Technique | C. Michaud |
Direction Administrative et Financière | G. Malgoire |
Établissement de Toulouse | J. Rosmorduc |
Division Télécommunications Civiles | A. Roger |
Directeur adjoint | J.-C. Héraud |
Division Équipements | M. Chaussedoux |
Directeurs adjoints | P. de Bayser J.-L. Maury |
Division Militaire et Aérospatiale | J.-L. de Montlivault |
Directeurs adjoints | P. Luginbuhl C. Roche |
Note de service DG n° 8/86 du 20 janvier 1986
La nomination de Jean Valent en qualité de vice-Président d’ATES va entraîner quelques modifications dans l’organisation des circuits d’information et de décision de la société.
Détenant les mêmes pouvoirs que le Président, le vice-Président définit la stratégie de la société et les objectifs à atteindre, assure un certain niveau de représentativité extérieure, signe les principaux contrats. Pour sa part, le Directeur Général propose la stratégie, exécute le budget et assure le fonctionnement normal de la société.
La liste des membres permanents du Comex est alors élargie au Directeur du Plan et de l’Orientation Technique (qui en devient le secrétaire) et au chef du Service du Personnel et des Affaires Sociales. Par ailleurs, Françoise Sampermans, qui «prend du galon», est nommée à un autre poste au sein d’Alcatel et quitte la société. Ses activités sont confiées à Jacques Chaumeron.
Note de service DG n° 1/86 du 5 mai 1986
Cette note modifie l’organisation mise en place en 1985, sans toutefois en changer les principes de décentralisation des responsabilités opérationnelles.
Sa modification essentielle est la conséquence de la désignation de Michel Chaussedoux aux fonctions de Directeur Général adjoint en charge de la Direction de la Qualité (sous contrôle de Bernard Gunst), de la Direction Technique (sous contrôle de Jacques Joseph), de la Direction Industrielle (sous contrôle de Michel Chaussedoux), du Département Équipements (sous contrôle de Jean-Louis Maury), des Services Généraux (sous contrôle de Jacques Rosmorduc) et du Service Informatique et Logistique (sous contrôle de Gérard Estibals).
L’organisation mise en place maintient ainsi une Direction Générale (Gérard Coffinet DG, sous contrôle de Jean Valent vice-P-DG et de Jacques Imbert P-DG) et des directions centrales fonctionnelles : Secrétariat Général (Jacques Chaumeron), Direction Administrative et Financière (Georges Malgoire), Direction du Plan et de la Politique Produits (Claude Michaud), Direction de la Qualité et Direction Technique précitées. Deux divisions d’affaires sont maintenues (DMA : Division Militaire et Aérospatiale, sous contrôle de Jean-Louis de Montlivault, et DTC : Division Télécommunications Civiles, sous contrôle d’Alain Roger).
Une Direction Industrielle est créée aux fins d’apporter aux divisions opérationnelles un support logistique en matière d’ordonnancement central, d’achats, de bureau d’études et de fabrication. La Division Équipements (qui devient Département Équipements) voit ses attributions légèrement modifiées du fait de la création de la Direction Industrielle, de la Direction Technique et du Service Informatique et Logistique.
La réorganisation d’ATES
En octobre 1986, Gérard Coffinet est appelé à de nouvelles (et importantes) fonctions au sein d’un autre groupe. À cette même date Jacques Chaumeron prend sa retraite et son poste n’est pas maintenu. Jean-Claude Husson, après – notamment – vingt années passées au sein du CNES comme Directeur du Centre spatial de Toulouse, prend à son tour la Direction Générale d’ATES. La note de service évoquée ici est donc la première réaction d’un ex-client devant les structures de son ex-fournisseur.
En fait, dès 1987, le marché va changer considérablement. Nous sommes à la fin des programmes commerciaux expérimentaux pilotés par les administrations centrales, tant françaises qu’européennes (par exemple, Telecom 1, TDF 1, TV-Sat 1, TELE X 1, SPOT 1…). On voit se profiler à l’horizon une nouvelle couche de clients, privés pour la plupart, exigeant des rapports performances-prix inconnus jusqu’alors, peu enclins à prendre à leur compte une part quelconque des problèmes techniques. Il faut donc réduire les délais et les coûts, obtenir une qualité «zéro défaut», se battre commercialement comme cela n’a jamais été le cas, protégés que nous étions jusqu’alors par l’aile protectrice des administrations et des agences.
C’est à ce pari que Jean-Claude Husson va répondre : transformer les mentalités d’ATES pour faire entrer la société dans le monde impitoyable de la concurrence internationale où seuls les meilleurs surnagent. En un mot, entrer dans le xxie siècle avec dix ans d’avance.
Note de service DG n° 1/87 du 18 novembre 1987
Schématiquement, cette nouvelle organisation d’ATES, très concentrée, repose d’une part sur deux grandes unités opérationnelles :
– une Division d’Affaires couvrant l’ensemble des relations avec la clientèle pour la réalisation des prestations correspondant au savoir-faire de la société et placée sous contrôle du DPC : Alain Roger
– une Division Technique et Industrielle, sous le couvert du DGA/DTI, Michel Chaussedoux, et comprenant un Département en charge de la réalisation des Équipements (DEQ : Henri-Paul Brochet), un Département Industriel (DI : Paul Fournier), ainsi qu’une Direction Technique (DT : Jacques Joseph).
D’autre part, cette organisation repose sur des directions centrales fonctionnelles apportant leur assistance aux directions opérationnelles et assurant la coordination et le contrôle de l’ensemble sous le couvert du Directeur Général:
– Direction Administrative et Financière (DAF : Georges Malgoire) ;
– Direction du Personnel et des Affaires Sociales (DPAS : Martial Malaurie) ;
– Direction de la Stratégie (DS : Jean-Bernard Lagarde et Claude Michaud) ;
– Direction de la Qualité (DQ : Bernard Gunst) ;
– Direction de la Communication (DIC : Jean-Louis de Montlivault, puis Michèle Dubanton à partir de 1989) ;
– un conseiller pour les affaires spatiales militaires (amiral François Roitel) ;
– des services généraux à Toulouse et à Courbevoie.
Cette note d’organisation confirme la mission d’un certain nombre de comités :
– le Comité exécutif (Comex), sous contrôle du vice-P-DG Jean Valent ou du DG Jean-Claude Husson, comprenant huit membres permanents et se réunissant trois fois par mois, alternativement à Toulouse ou à Courbevoie. Le but de ce comité est de réunir des éléments de décision ou d’information utiles au DG et aux Directeurs. À noter, toutefois, que la plupart des décisions sont prises hors Comex, en comités informels ad hoc ;
– le Comité de direction (Codir), comprenant vingt membres et se réunissant une fois par mois. Ce comité est essentiellement une réunion d’information ;
– le Comité de gestion, comprenant sept membres permanents et les Directeurs d’unité et ayant pour but de discuter et entériner les objectifs budgétaires ;
– le Comité affaires, faisant périodiquement et systématiquement le point de l’état d’avancement des principales affaires de la société ;
– le Comité directeur de la qualité, réuni tous les mois pour faire le bilan des actions préventives, opérationnelles ou correctives, ainsi que la synthèse des relations avec les fournisseurs ;
– le Comité technique qui, tous les mois, fait le point de l’orientation, de l’avancement et du financement des études systèmes et équipements, ainsi que des coopérations techniques et des transferts de technologie.
Cette organisation trouve en fait son moteur dans la réalisation dans les délais convenus des grands programmes dont ATES a la charge, et notamment Telecom 2-SYRACUSE 2, Intelsat VII… Elle fonctionnera convenablement (à quelques retouches près) jusqu’à l’étape suivante, celle des accords internationaux et de la mise en place de la Space Division.
Notes de service DG du 15 janvier 1991 et du 15 mars 1993
Cette nouvelle organisation d’Alcatel Espace se place dans la perspective d’un développement des activités spatiales du groupe Alcatel avec pour impératifs :
– le management des activités spatiales d’Alcatel dans «l’alliance» Alcatel-Aérospatiale-Alenia-SS-Loral ;
– le développement de la «Space Division» et de «ASD», Alcatel Système de Défense, afin de favoriser l’intégration des activités des différentes unités ;
– l’amélioration des coûts de production et la diminution des frais hors production par une organisation industrielle utilisant au mieux l’outil industriel mis en place dans la société et le groupe ;
– l’élargissement des activités commerciales et techniques par le développement d’autres secteurs d’activité à côté de l’activité stratégique des télécommunications spatiales.
«Il en résulte une organisation complexe dès lors que l’on veut présenter l’ensemble en mélangeant l’unité la plus importante, Alcatel Espace, avec le fonctionnement de l’alliance, de la Space Division et d’ASD.»
La Space Division
Elle est placée sous l’autorité du DG d’Alcatel Espace, Jean-Claude Husson, assisté par Jean-Pierre Bolland, P-DG d’ETCA. Ils sont assistés d’un Directeur des Relations Industrielles et Internationales (Alain Roger), d’un Directeur de la Stratégie (Pierre de Bayser) et d’un Directeur Exécutif (également Pierre de Bayser) assurant le fonctionnement de la Space Division et l’application des directives.
Ces responsables reçoivent le support des différents services d’Alcatel Espace et en particulier du Directeur Technique, du responsable financier de la Space Division attaché au Secrétaire Général d’ATES, du Directeur du Plan et de la Politique Produits d’ATES, et du Directeur Commercial des systèmes bord.
Alcatel Espace
Cette organisation se situe au niveau en dessous de la Space Division et de l’alliance. Elle comprend :
• Une Direction Générale organisée en tenant compte des cumuls de fonctions de Jean-Claude Husson (agissant sous le couvert de Jacques Imbert, Président d’ATES et du «RSD-Radiocommunication, Space and Defense Group d’Alcatel NV») à la fois Directeur Général d’ATES et «chairman» de la Space Division, entouré :
– d’un Directeur Général adjoint (Bernard Deloffre), qui assiste le Directeur Général dans la conduite de la société, le remplace en cas d’absence, assure la responsabilité des activités à caractère marketing et commercial de la société, assure le suivi des affaires de la société et l’exécution des décisions prises au sein des différentes instances des alliances ou joint-ventures auxquels ATES participe ;
– d’un Secrétaire Général (Georges Malgoire), qui supervise l’action du Directeur des Services Économiques (Claude Argagnon), du Directeur des Services Financiers (Philippe Guillaumie) et du «Risk Manager» (Pierre Miquet, détaché de la DAGRI d’Alcatel Alsthom) ;
– d’un conseiller militaire (amiral François Roitel) ;
– d’un Directeur des Relations Internationales (Alain Roger), en charge des orientations en matière d’accords et d’alliances industriels au sein de la Space Division et de l’alliance avec SS Loral, DASA, Alenia, Aérospatiale ;
– d’un Directeur du Marketing Agences et du Plan Stratégique (Pierre de Bayser), qui cumule ces fonc-tions avec celles de Directeur Exécutif de la Space Division ;
– d’un conseiller stratégie (Jean-Bernard Lagarde), en charge de la réflexion stratégique d’Alcatel dans le domaine spatial mondial (y compris la définition des nouveaux métiers et des politiques d’acquisition).
• Des directions fonctionnelles :
– la Direction Recherche et Développement (Jacques Joseph), responsable du programme d’études de la société, de la politique produit, de la protection industrielle ;
– la Direction du Personnel et des Affaires Sociales (Martial Malaurie), en charge des questions touchant l’emploi et les carrières, la formation et l’administration du personnel ;
– la Direction de la Communication (Rosy Tardivon), tant interne qu’externe ;
– la Direction de la Qualité (Jacques Susplugas), qu’il s’agisse de la «qualité globale», de l’audit et formation-qualité, des méthodes et de la gestion qualité, de l’assurance-produit et de l’assurance qualité, ou du support qualité ;
– la Direction des Achats (Paul Fournier) de composants, fournitures, prestations de services, et également gestion des sous-contrats de PECT.
• Des directions opérationnelles :
– la Direction des Programmes (Bernard Gunst), assure la conduite des affaires auprès des clients, des cotraitants et de la Direction de Production ainsi que l’intégration des charges utiles ou des sous-systèmes ;
– la Direction Ingénierie Systèmes (Serge Bertrand), regroupant pour la première fois l’ensemble des compétences «Système» utiles tant au stade de la préparation des propositions commerciales que de l’exécution ;
– la Direction Observation et Sciences (Norbert Lannelongue), responsable des actions techniques, commerciales et marketing dans le domaine de l’observation et de la science ;
– la Direction Commerciale Télécommunications (Francis Fraikin), en charge de la vente dans le domaine des télécommunications et de l’infrastructure orbitale tant en France qu’à l’export ;
– la Direction Télécommunications Spatiales Militaires (Pierre Luginbuhl), responsable de la maîtrise d’œuvre de la composante sol SYRACUSE 2 et de la préparation des activités au-delà de SYRACUSE 2 ;
– la Direction Technique et Production (Henri-Paul Brochet), comprenant l’ensemble des laboratoires de développement et des moyens de production de la société ;
– la Direction des Systèmes d’Information (Jacques Estibals), chargée de la fourniture d’informations de gestion aux utilisateurs dans un souci de pertinence du système d’information ;
– les Directions des Établissements de Toulouse et Courbevoie en charge de l’ensemble des services généraux et de la logistique d’établissement.
• Des directions rattachées :
– ASD – Alcatel Système de Défense (Pierre Houzelot), en charge – dans le cadre d’une structure commune à diverses unités du groupe Alcatel – de la maîtrise d’œuvre du programme SYRACUSE 2 (MOS) ;
– Globalstar (Jean-Bernard Lagarde), chargé de la stratégie de ce programme auprès des différents partenaires (SSL, France Télécom…).
• Les divers comités
La liste des divers comités mis en place en 1987-1988 demeure valable, sous la réserve de leur déroulement en vidéo-conférence entre Courbevoie et Toulouse dans le but de permettre à chacun de mieux gérer son emploi du temps.
C’est cette structure qui, à partir de 1993, prend en charge les destinées d’ATES et son envol vers des activités et des programmes toujours plus complexes, en association avec tous les grands de l’espace mondial.
Ho hisse !
L’organisation d’Alcatel Espace au 22 janvier 1993
Président J. Imbert | |
Directeur Général | J.-C. Husson |
Directeur Général adjoint | B. Deloffre |
Secrétaire Général | G. Malgoire |
Directeur Marketing Agences et Plan Stratégique | P. de Bayser |
Directeur Relations Internationales | A. Roger |
Conseiller militaire | F. Roitel |
Directeur Services Financiers | P. Guillaumie |
Directeur Services Économiques | C. Argagnon |
Directeur Personnel et Affaires Sociales | M. Malaurie |
Directeur Communication | R. Tardivon |
Directeur Qualité | J. Susplugas |
Directeur Achats | P. Fournier |
Directeur Recherche et Développement | J. Joseph |
Directeur Télécommunications Spatiales Militaires | P. Luginbuhl |
Directeur Commercial Télécommunications | F. Fraikin |
Directeur Observation et Sciences | N. Lannelongue |
Directeur Ingénierie et Systèmes | S. Bertrand |
Directeur Programmes | B. Gunst |
Directeur Technique et Production | H.-P. Brochet |
Directeur Systèmes d’Information | J. Estibals |
ASD | P. Houzelot |
Globalstar | J.-B. Lagarde |
Directeur Exécutif Space Division | P. de Bayser |
3.4.3 La Space Division d’Alcatel
À la suite des accords intervenus en 1988 entre la Compagnie Générale d’Électricité (qui se dénommera «Alcatel Alsthom» en 1991) et ITT, l’organisation générale du groupe va se modifier et prendre une forme «matricielle», c’est-à-dire superposer à des responsabilités locales par sociétés des responsabilités fonctionnelles par groupes de produits.
C’est ainsi que Jean-Claude Husson va être chargé par Pierre Suard et Jacques Imbert de la conduite de la ligne de produits «Espace» pour l’ensemble des sociétés du groupe, en sus de son rôle de Directeur Général d’ATES. Alcatel Espace va, de ce fait, participer à la mise en place de la «Space Division» en sa qualité de société la plus importante de cette ligne de produits.
Outre le fait que ces activités existent chez ITT lors des apports à Alcatel, l’intérêt pour ATES est double :
– d’une part, sur le plan commercial, l’existence d’une activité dans un pays d’Europe peut faciliter l’attribution de «retours industriels» prévus dans les contrats cofinancés par les États membres (notamment, contrats de l’ESA) ;
– d’autre part, l’existence d’un tissu industriel en Europe peut permettre d’étaler les charges de travail (toujours très irrégulières dans le métier de l’espace), à la condition d’aboutir à une rationalisation efficace des activités de chacune des unités constituant la Space Division (que ne facilitent pas toujours les règles et méthodes de travail de l’Agence européenne).
En plus des unités spatiales existant en Belgique (chez Bell et ETCA), en Norvège (chez STK), au Danemark (chez Kirk) et en Allemagne (chez SEL), ATES va rapidement favoriser la création d’une telle activité en Espagne (Alcatel Espacio, filiale de Standard Electrica) et permettre ultérieurement le rachat de la société AME Space en Norvège. Les produits spatiaux de la SAFT vont entrer dans la Space Division courant 1992.
Enfin, sans faire partie de la Space Division, diverses unités y sont associées : qu’il s’agisse des «stations terriennes» de Telspace, des développements informatiques d’Alcatel ISR et TITN, de la Cegelec ou du centre de recherches d’Alcatel Alsthom.
Alcatel Space Division se trouve désormais présente dans toutes les applications civiles ou militaires de l’espace (télécommunications, scientifique, observation de la Terre pour la météorologie ou l’étude de l’environnement, stations spatiales, sondes spatiales, lancements…) et tous les métiers (équipements et sous-systèmes de charges utiles ou de plate-formes, maîtrise d’œuvre de charges utiles ou de satellites, maîtrise d’œuvre de systèmes spatiaux, segment sol et stations de contrôle…). Cette présence est concrétisée par une participation à plus de quarante programmes déjà lancés et trente en cours de réalisation.
Elle comporte plus de deux mille trois cents personnes réalisant près de 3 milliards de francs de chiffre d’affaires. Son organisation repose désormais (en 1994) sur les épaules de Bernard Deloffre (Directeur Général) et de Pierre de Bayser, assistés de Pascale Sourisse et Alain Bailly (stratégie), Jacques Joseph et Jean-Michel Merour (recherche et développement), M. Praet et Juan Catalan (marketing et ventes), Henri-Paul Brochet et Roland Sauvagnac (opérations), Jacques Susplugas (qualité), Philippe Salats (finances), Thierry Deloye (communication), et Martial Malaurie (ressources humaines).
Début de cette page
3.4.4 Le carnet de commandes d’Alcatel Espace
En trente années d’histoire, Alcatel Espace et les unités qui l’ont précédée ont remporté maints succès qui ont étoffé le carnet de commandes. Ces réussites sont rappelées en détail dans les divers chapitres de l’ouvrage. On se contentera ici d’essayer de les valoriser et d’en décrire la dynamique dans le temps.
Il faut toutefois souligner que le total des entrées de commandes n’épouse pas directement les décisions de commandes des clients. En effet, une même décision sera parfois suivie de l’ouverture de tranches de commandes étalées sur plusieurs années (par exemple Telecom 2), ou bien une commande ne sera notifiée que tardivement (parfois au moment du lancement : par exemple ERS et Giotto, alors que plusieurs ATP (Authorization To Proceed) avaient été débloquées périodiquement sous forme de LOL (Limit Of Liability).
Les entrées de commandes – Le carnet de commandes
Globalement, on peut les résumer dans le graphique suivant :
Les valeurs sont les suivantes :
Année | Entrées de commandes | Portefeuille commercial |
1984 | 2 627 MF | 1 214 MF |
1985 | 2 565 MF | 1 175 MF |
1986 | 2 830 MF | 1 192 MF |
1987 | 2 925 MF | 1 366 MF |
1988 | 2 543 MF | 2 903 MF |
1989 | 1 852 MF | 3 206 MF |
1990 | 1 507 MF | 2 936 MF |
1991 | 1 879 MF | 3 176 MF |
1992 | 1 257 MF | 2 659 MF |
1993 | 3 096 MF | 3 870 MF |
Principales commandes
Au moment des apports de Thomson-CSF, au 1er janvier 1984, le portefeuille commercial s’élève à 1 137 millions de francs. Compte tenu des travaux déjà réalisés et figurant à cette date en «travaux en cours», on peut estimer que la charge de travail relative à ce carnet représente environ dix-huit mois d’activité.
1984
Les entrées de commandes de cette année seront décevantes. Outre une tranche supplémentaire du contrat SYRACUSE 1, l’Administration va débloquer quelques crédits d’études en perspective de SYRACUSE 2.
De même parviendront trois ATP concernant le satellite d’observation radar ERS 1, le satellite de télédiffusion TDF 2 et le satellite expérimental de télécommunications Athos.
Ces signaux sont encourageants pour le futur, mais insuffisants pour assurer la charge de travail de la toute nouvelle usine de Toulouse, dont les effectifs ont été considérablement renforcés en prévision d’une activité commerciale intense envisagée par les principaux clients, et notamment : une tranche optionnelle Intelsat VI, le déblocage définitif des programmes Athos, TDF 2 et TV-Sat 2.
1985
Pour des raisons d’ordre juridique (conséquence des accords Thomson/CGE/État), l’exercice 1985 va être découpé en deux, avec une coupure au 30 juin. Le bilan commercial en milieu d’année est inquiétant : pratiquement rien, voire pire. En effet, le programme expérimental Athos est purement et simplement annulé, seuls seront terminés les études et les modules en cours dans le cadre de l’enveloppe d’ATP débloquée par le client (France Télécom). En ce qui concerne la TV directe (TDF 2-TV-Sat 2), c’est la guerre des communiqués : un jour j’y vais, un jour j’arrête. Quant à Intelsat VI, c’est le black-out concernant la tranche optionnelle. Pourtant les effectifs sont là.
Au 30 juin, la Direction est obligée de décider un plan social qui comporte plusieurs étapes, qui seront mises en œuvre, ou non, selon l’évolution de la situation commerciale du deuxième semestre.
Au second semestre 1985, l’entreprise travaille avec acharnement à la préparation de l’avenir, qui a pour nom Telecom 2-SYRACUSE 2 et Eutelsat 2. La situation de la TV directe s’améliore : TDF 2 est enfin notifié et les Allemands pensent pouvoir décider en 1986. Par contre, rien de neuf concernant Intelsat VI (tranche optionnelle) et Athos, qui sont alors considérés comme sans espoir.
1986
Ouf ! Alcatel Espace et Aérospatiale (Cannes) viennent de gagner Eutelsat 2. En l’occurrence, sont notifiés les trois premiers satellites de cet important programme de télécommunications/transmission de données et TV directe. De leur côté, les Allemands décident TV-Sat 2. Enfin, l’Administration débloque quelques crédits d’études concernant le futur programme de télécommunications civiles et militaires Telecom 2-SYRACUSE 2.
Les mesures concernant le plan social, partiellement exécuté, sont définitivement abrogées. L’espoir renaît.
1987
Le dramatique accident de la navette Challenger, ainsi que les échecs au lancement d’Ariane et du lanceur Delta vont priver le monde entier de lancements durant près de dix-huit mois, retardant ainsi certaines prises de décision de programmes nouveaux.
Néanmoins, le Gouvernement prend la décision de lancer Telecom 2-SYRACUSE 2. Une commande de prédéveloppement est accordée à ATES afin de lui permettre d’anticiper certains délais (études et composants critiques).
De son côté, le CNES va décider le programme SPOT 3 et débloquer sa part dans le programme franco-américain Topex-Poséidon dans lequel ATES aura notamment la responsabilité de l’altimètre de Poséidon. L’organisation Eutelsat, pour sa part, commande en 1987 le MV4 du programme Eutelsat 2.
1988
Trois événements commerciaux majeurs marquent l’année 1988 :
– la signature définitive du contrat de trois satellites du programme mixte PTT/DGA Telecom 2-SYRACUSE 2 (bord), pour environ 3 milliards de francs, déblocables en plusieurs tranches annuelles ;
– la finalisation avec la DGA (Délégation Générale pour l’Armement) du contrat concernant la maîtrise d’œuvre système et le réseau sol du programme SYRACUSE 2, qui portera sur environ 1 200 millions de francs en plusieurs tranches ;
– la signature d’un contrat de 86 millions de dollars concernant la première tranche de cinq satellites sur les douze du programme Intelsat VII.
1989
Plusieurs contrats vont être notifiés en 1989, et notamment :
– la signature définitive du contrat de maîtrise d’œuvre système et du segment sol SYRACUSE 2 (évoqué en 1988) avec la DGA ;
– les programmes d’observation civile SPOT 4 et militaire Helios ;
– le contrat du cinquième modèle de vol Eutelsat 2.
On note, par contre, un absent de marque : le contrat Inmarsat 3 qui a donné lieu à une bataille homérique perdue par ATES malgré d’énormes efforts.
1990
En dépit d’une compétition internationale très vive, ATES, associée à Aérospatiale, a gagné le contrat Turksat qui n’entrera en vigueur (donc en commande) qu’en 1991. Il porte sur la livraison en orbite (une première) de deux satellites de télécommunications destinés aux PTT turcs.
Un sixième modèle de vol sera signé avec l’organisation Eutelsat. Des tranches complémentaires Telecom 2-SYRACUSE 2 seront notifiées.
Par ailleurs, ATES va recevoir une première ATP concernant le programme ERS 2 et va se voir définitivement notifier le contrat concernant la station de contrôle en bande S située aux îles Kerguelen.
1991
Outre des tranches complémentaires concernant les grands programmes Telecom 2-SYRACUSE 2, ATES va signer définitivement :
– le contrat Turksat (évoqué au titre de 1990) entré en vigueur en 1991, ainsi que le contrat sol y afférent ;
– les modèles de vol 6 et 7 du programme Intelsat VII ;
– la première tranche du programme de microsatellite militaire Cerise ;
– la première tranche du programme scientifique Soho/Cluster ;
– le contrat ERS 2 d’observation radar pour l’ESA ;
– diverses études concernant les programmes Hermes/ Colombus, Artemis et Poem.
1992
Des espoirs significatifs ont été mis, en leur temps, sur les retombées dont ATES aurait pu bénéficier des grands programmes européens qu’étaient Hermes et Colombus. En fait, ces programmes vont, dès 1992, commencer à être remis en question.
Par ailleurs, les bouleversements politiques constatés en Europe de l’Est vont entraîner l’organisation Eutelsat à modifier divers satellites pour en étendre la couverture vers l’Est. Cela entraînera une importante charge de travail pour ATES.
Intelsat VII va commander en 1992 un huitième modèle de vol. Associé à Dornier, ATES va remporter le contrat concernant le satellite israélien de télécommunications Amos.
Enfin, diverses études militaires dans le cadre des programmes Eumilsatcom, Helios, Zenon et Osiris vont être commandées, préludes d’une activité soutenue dans ces domaines au cours des années suivantes.
1993
La principale commande de l’année concerne celle du quatrième modèle de vol du programme Telecom 2-SYRACUSE 2, attendue depuis longtemps et périodiquement remise en question.
Par ailleurs, il apparaît dès 1993 que France Télécom pourrait commander prochainement un satellite expérimental de télécom destiné à tester diverses solutions d’avant-garde dans ce domaine, afin de ne pas se laisser distancer par les États-Unis ou le Japon.
Intelsat va commander le neuvième satellite du programme Intelsat VII. Par ailleurs ATES, associé à Aérospatiale, va gagner le programme Arabsat 2 de télécommunication destiné à la Ligue arabe.
Les décisions prises à Grenade en 1992 vont permettre à l’ESA de commencer le déblocage des crédits concernant le programme de protection de l’environnement Envisat, pour lequel ATES va réaliser le radar à synthèse d’ouverture, et le programme de télécom Artemis dans lequel ATES est responsable de répéteurs en bandes S et Ka. Enfin, la DGA choisit ATES pour la réalisation du microsatellite Clementine.
3.4.5 Le chiffre d’affaires d’Alcatel Espace
Lors de la création de la société Alcatel Espace, au lendemain des accords Thomson-CGE de 1983, le chiffre d’affaires s’apparente plus à des notions de trésorerie que d’activité. On facture ce que le plan de paiement du contrat permet de facturer : peu importe alors si ce qui est inscrit en chiffre d’affaires correspond à des prestations qui seront fournies dans x mois ou années, dans la mesure où le contrat avec le client permet de les facturer. Peu importe également que l’on conserve en «travaux en cours» des prestations ou matériels terminés que le plan de paiement ne permet pas encore de facturer.
Cette règle est à la fois contraire à l’esprit de la loi (en l’occurrence le plan comptable) et à un souci de bonne gestion. Il apparaît très vite à la nouvelle Direction Générale mise en place que ce qui doit importer c’est la motivation des équipes à «sortir le matériel» et à le faire recetter par le client, de telle sorte qu’il n’y ait aucune ambiguïté avec lui. Une équipe pluridisciplinaire est alors mise en place dès 1984 et va, dans ce but, définir une règle de comptabilisation en chiffre d’affaires, originale certes, mais qui va s’avérer efficace.
Le CAI (Chiffre d’Affaires Industriel) est né. Il aura fallu des mois de discussions internes et externes (commissaires aux comptes, commissaire du Gouvernement, maisons mères) pour définir cette notion. Elle est simple : le contrat client est découpé en deux plans qui ne cherchent pas à se recouper (sauf en fin de parcours) :
– un plan «commercial» : ce sont les phases de paiement par le client. Elles feront l’objet de «demandes d’acomptes» et ne seront plus retenues (sauf exceptions) comme critère de chiffre d’affaires ;
– un plan «industriel», qui découpe le contrat en «événements» correspondant chacun à l’achèvement soit d’une prestation (dossier d’étude, par exemple) soit d’un équipement (boîte noire). Cet achèvement est alors systématiquement contrôlé par le client qui signe un PV (procès verbal) de réception provisoire pour le dossier ou l’équipement. Il en découle souvent une double danse : la danse du ventre des techniciens d’ATES pour que le client signe, et la danse du scalp du client qui menace le technicien de ne pas signer s’il n’obtient pas ceci ou cela.
Cette nouvelle règle va très vite constituer une motivation pour l’ensemble de l’entreprise à produire des équipements ou des dossiers complets, auxquels il ne manque plus un seul «bouton de guêtre», faute de quoi l’accord du client ne pourra pas être obtenu. Aussi assiste-t-on parfois à des mois de novembre et décembre homériques où tout le monde (pour tenir ses objectifs annuels) court après la signature des clients…
Mais, en contrepartie, cette règle va constituer une surcharge notable des services administratifs et financiers car le même contrat doit désormais faire l’objet d’un double suivi : commercial et industriel. Mais c’est le prix à payer si l’on veut faire face, avec rigueur, à la croissance considérable de l’activité que connaît ATES.
Une autre modification significative des règles de gestion et de contrôle de l’activité va naître du fait du développement de sous-traitances importantes confiées à des tiers. Il faut souligner que jusqu’alors la Division Espace de Thomson n’a essentiellement été qu’un gros équipementier fabriquant lui-même l’essentiel de ses productions. Mais avec la signature des premières maîtrises d’œuvre de charges utiles de satellites (Telecom 1, TDF 1…) l’activité de l’unité va se modifier : il faut se spécialiser (on ne saurait tout faire, par exemple les redoutables ATOP conservés par Thomson-CSF) ; il faut gérer sa charge de travail (donc savoir confier à d’autres entreprises, même concurrentes, une part du travail lorsque les équipes sont saturées et que l’on ne veut pas prendre le risque d’embaucher pour devoir débaucher un an plus tard (d’où l’apparition de contrats complexes de partenariat) ; par ailleurs il faut, dans les contrats avec les agences spatiales, assurer les «retours industriels» pays par pays, ce qui impose d’équilibrer les engagements financiers de chaque pays par des sous-traitances adéquates confiées à son industrie locale (exemple : le cas de la Belgique).
Ces différentes sujétions vont très vite exiger la mise en place d’un double contrôle de l’activité d’ATES :
– d’une part celle qui est exercée sous sa propre autorité, avec son propre savoir-faire : elle fera l’objet d’un suivi particulier de la production et du chiffre d’affaires qui prendra le nom de «part propre» ;
– d’autre part, la production sous-traitée à des tiers qui restent maîtres de leur métier : elle sera analysée et contrôlée séparément dans une rubrique appelée «PECT» (Prestations Entièrement Confiée à des Tiers).
Cette distinction va vite faire l’objet de débats énergiques avec le SECAR (service de contrôle de la DGA), car les prix de revient de ces prestations ne devront supporter qu’une imputation réduite de frais généraux. D’où l’inquiétude de l’Administration de devoir supporter, sur les contrats qu’elle confie à Alcatel Espace, une part trop importante de frais généraux résultant de la différence entre les frais généraux totaux et la faible part «chargée» sur les PECT. Ces débats seront parfois virils mais feront l’objet de compromis raisonnables, respectant les intérêts de l’Administration et ceux d’ATES.
Évolution du chiffre d’affaires
De 1984 à 1993, le chiffre d’affaires total, d’une part, ainsi que la part propre (PP), d’autre part, évolueront significativement (de l’ordre, en moyenne, de 15 % par an), ainsi qu’il ressort des chiffres ci-après.
1984 | 550 MF | ||
1985 | 694 MF | ||
1986 | 813 MF | dont PP | 430 MF |
1987 | 751 MF | dont PP | 548 MF |
1988 | 1 006 MF | dont PP | 760 MF |
1989 | 1 549 MF | dont PP | 1 113 MF |
1990 | 1 777 MF | dont PP | 1 220 MF |
1991 | 1 639 MF | dont PP | 1 224 MF |
1992 | 1 774 MF | dont PP | 1 282 MF |
1993 | 1 885 MF | dont PP | 1 135 MF |
3.4.6 Les comptes d’Alcatel Espace
L’activité d’Alcatel Espace est tout entière composée d’»affaires à long délai d’exécution». Les cycles commerciaux, industriels et financiers s’étalent sur plusieurs années ; les résultats en font donc autant. C’est ainsi que, pour une affaire donnée, la commande, le chiffre d’affaires, la marge, les bonnes et mauvaises surprises vont se délayer dans le temps. Toutes affaires confondues, le mix qui apparaît dans les comptes sociaux va évoluer progressivement, au fil des ans, et non par «à-coups» comme cela se rencontre dans les industries fabriquant des produits à court délai de réalisation et de vente.
Les cycles
Au cours des vingt premières années de leur vie, les unités qui précédèrent Alcatel Espace opéraient selon des cycles classiques d’équipementiers «high-tech», à savoir un cycle commercial de quelques mois, un cycle industriel de un à deux ans (études comprises) et un cycle financier réduit au minimum du fait de règles de paiement d’acomptes qui accompagnaient l’avancement du programme. Au total, le cycle ne dépassait jamais deux ans et demi, avec une moyenne de l’ordre de dix-huit mois. Dans un tel contexte, le poids du financement de projet était faible, voire inexistant.
À la création d’Alcatel Espace, début 1984, le contexte a déjà sensiblement changé à cause de la modification de l’activité : d’équipementier, Alcatel Espace commence à être maître d’œuvre de charges utiles. Elle devient «partenaire» du consortium de réalisation du programme spatial. Les cycles techniques et industriels s’allongent : de l’ordre de cinq années pour les premiers modèles de vol des premiers programmes commerciaux européens (Telecom 1, TDF-TV-Sat 1, TELE X 1, SPOT 1). Les négociations commerciales deviennent plus complexes, les cycles financiers s’accroissent de par la solidarité financière que les clients imposent aux fournisseurs-partenaires. En particulier, les clients vont «importer» des États-Unis des incitations à bien travailler («incentives»), décrites au chapitre sur le Risk Management, qui vont étaler sur une fraction de la durée de vie du programme spatial le paiement de près de 20 % du prix de vente. Au total, il va s’écouler près de dix années entre le jour où Alcatel engage la première dépense de proposition commerciale et celui où elle encaisse la dernière mensualité de «primes de vol».
Les années passent et le client final change. Les risques techniques s’atténuent et, de ce fait, les programmes commerciaux n’ont plus besoin d’être pris en charge par le client public ; peu à peu le relais est pris par des consortiums privés qui demandent au fournisseur d’être livrés «clés en main», voire «marchés en main». Ce dernier, pour remporter l’affaire, doit assurer le montage de toute l’opération tant aux plans technique qu’industriel et financier. Dans certains cas, il doit même entièrement financer l’opération et prendre alors le rôle d’opérateur. Après trente ans d’expérience dans le métier, Alcatel Espace se doit d’affronter un tout nouveau contexte dans lequel les délais commerciaux se sont allongés (trois à quatre années de négociations commerciales sont parfois nécessaires, ponctuées de nombreux rebonds), les délais techniques et industriels se sont réduits de plus de moitié (on livre un satellite en deux ans) au prix d’une gestion de production totalement remaniée. Quant aux cycles financiers, ils s’étalent sur toute la durée de réalisation et de vie du programme et peuvent même la dépasser dès lors que certains investissements initiaux demandent plus d’une série de satellites pour être amortis. Ce ne sont plus dix ans qui séparent le jour de la première dépense et celui de la dernière recette, mais vingt ans. Et vingt ans pendant lesquels il faut faire face à toutes sortes de risques : politiques, de change, techniques, commerciaux, dont les origines ne sont plus que marginalement imputables à Alcatel Espace.
Des budgets et des comptes
Dès la création d’Alcatel Espace, il apparaît vite que le contrôle de la gestion de l’unité est à l’étroit dans le costume trois-pièces qu’elle a hérité de Thomson-CSF : un budget annuel, une situation des résultats et des comptes annuelle et un suivi de production au jour lejour.
La notion de résultats annuels cadre mal avec des activités pluri-annuelles : le résultat d’une affaire n’est connu que lorsque celle-ci est terminée, c’est-à-dire, au mieux, cinq ans plus tard. Entre-temps, le calcul des résultats annuels ne peut être qu’arbitraire, les mauvaises surprises n’apparaissant souvent qu’en fin de course.
Il en va de même des budgets : les moyens qu’il faut mettre en place doivent être compatibles avec l’achèvement des programmes ; ainsi le budget annuel n’est en fait – au mieux – qu’un outil permettant à Alcatel Espace de faire un point dans l’avancement des programmes et de s’intégrer à la consolidation du groupe. La véritable approche budgétaire est alors reportée au sein de l’unité dans la recherche d’une démarche cohérente à cinq ans : le PMT (Plan à Moyen Terme).
Enfin, la gestion des programmes va devoir être contrôlée au sein d’un énorme planning PERT géré sur ordinateur : le système Artemis. Celui-ci aura pour tâche de suivre l’avancement des programmes de leur début à leur fin et de permettre ainsi des consolidations au niveau de la société donnant une vision permanente des charges nécessaires par métier, des points critiques, et de simuler des besoins nécessaires dans les cas où telle affaire supplémentaire serait gagnée… ou perdue.
L’ensemble de ces systèmes de gestion de projet, gestion financière des programmes, plans d’investissements, de financement et de résultats étant intimement coordonnés entre eux… au prix de débats «musclés» autour de conclusions différentes des uns ou des autres sur l’opportunité ou non de mettre en place tels moyens à tel moment.
Les résultats d’Alcatel Espace
Les résultats des vingt premières années de l’activité Espace exercée alors au sein de CSF, Thomson, la CGE et Thomson-CSF sont compris dans ceux d’unités plus importantes au sein desquelles les activités spatiales sont exercées. Bien que ces résultats ne puissent pas toujours être déterminés avec une très grande précision, ils suffisent pour mettre en évidence des difficultés qui vaudront certaines des réorganisations citées précédemment.
Ce n’est qu’à partir du 1er janvier 1984, date de la création de la société Alcatel Thomson Espace, que l’on dispose des informations comptables suffisantes et contrôlées, et que celles-ci, d’ailleurs, sont régulièrement publiées – conformément à la loi – au greffe du tribunal de commerce des Hauts-de-Seine.
Quelques chiffres significatifs
De même que «trop d’impôts tuent l’impôt», trop de chiffres tuent le chiffre. Ainsi, dans le but d’être concis, ne seront rappelés ici que quelques chiffres essentiels, d’autant plus significatifs qu’ils seront comparés sur une dizaine d’années. Et notamment, un premier tableau fera ressortir :
– le chiffre d’affaires total ;
– la valeur ajoutée totale (c’est-à-dire, en fait, la véritable mesure de l’activité sociale puisqu’on retire ici des ventes l’ensemble des achats : ce qui reste est donc bien ce que l’on a fait soi-même) ;
– cette valeur ajoutée pourra être utilement déterminée par salarié, tout accroissement de son montant au-delà du taux d’inflation permet de faire ressortir l’évolution de la productivité ;
– le résultat courant, avant tout élément de nature exceptionnelle, impôt sur les sociétés et intéressement du personnel ;
– le résultat social net (après impôt sur les sociétés, éléments de nature exceptionnelle, intéressement/participation du personnel) ;
– pour mémoire, sera rappelé le montant d’intéressement et de participation payé au personnel.
La situation des résultats (en MF)
Année | Chiffre d’affaires total | Valeur ajoutée totale | Nombre de salariés | Valeur ajoutée par salarié | Résultat courant | Résultat social net | Participation + intéressement du personnel |
1984 | 550 | 192 | 1005 | 0,191 | -57,5 | -51,3 | 0 |
1985 | 694 | 193 | 928 | 0,208 | -33,3 | -146,1 | 0 |
1986 | 813 | 271 | 843 | 0,321 | 11,7 | 3,9 | 2,9 |
1987 | 751 | 352 | 883 | 0,399 | 27,5 | 16,2 | 5,1 |
1988 | 1006 | 446 | 1018 | 0,438 | 49,9 | 34,1 | 9,7 |
1989 | 1549 | 547 | 1199 | 0,456 | 55,4 | 69,2 | 12,1 |
1990 | 1777 | 561 | 1269 | 0,442 | 77,4 | 53,9 | 11,1 |
1991 | 1639 | 578 | 1262 | 0,458 | 90,3 | 59,4 | 19,2 |
1992 | 1774 | 674 | 1269 | 0,531 | 174,9 | 64,3 | 18,5 |
1993 | 1885 | 706 | 1268 | 0,557 | 121,6 | 68,8 | 22,5 |
Le deuxième tableau résume le bilan de la société et le troisième met en évidence les grands équilibres financiers.
Le bilan
Actif | Passif | ||||||
Année | Immobilisations nettes | Stocks et en-cours | Réalisable/ disponible | Capitaux propres | Provisions | Dettes financières | Dettes commerciales |
Apports | 64 | 117 | 285 | 31 | 59 | 8 | 368 |
1984 | 73 | 101 | 448 | 30 | 53 | 97 | 442 |
1985 | 75 | 82 | 633 | 4 | 122 | 69 | 595 |
1986 | 73 | 71 | 622 | 57 | 122 | 82 | 505 |
1987 | 84 | 158 | 655 | 124 | 222 | 51 | 500 |
1988 | 120 | 360 | 939 | 158 | 283 | 44 | 934 |
1989 | 169 | 470 | 1 483 | 195 | 287 | 122 | 1 518 |
1990 | 163 | 347 | 1 732 | 248 | 273 | 209 | 1 512 |
1991 | 472 | 235 | 1 316 | 308 | 299 | 135 | 1 281 |
1992 | 455 | 269 | 1 483 | 372 | 431 | 73 | 1 331 |
1993 | 441 | 306 | 1 433 | 377 | 405 | 58 | 1 340 |
Les grands équilibres financiers
Année | Total du bilan | Fonds de roulement | Besoins de fonds de roulement | Trésorerie nette |
Apports | 466 | -18 | 18 | 0 |
1984 | 622 | 6 | 71 | -77 |
1985 | 790 | -31 | -34 | 65 |
1986 | 816 | -95 | -7 | 102 |
1987 | 897 | -158 | -67 | 225 |
1988 | 1419 | -180 | -433 | 613 |
1989 | 2122 | -276 | -694 | 970 |
1990 | 2242 | -296 | -889 | 1185 |
1991 | 2023 | -59 | -739 | 798 |
1992 | 2207 | -239 | -489 | 728 |
1993 | 2180 | -199 | -619 | 818 |
N.B. : Le signe «-» signifie «au passif».
Commentaires
«Les actionnaires croient qu’ils veulent des bilans justes ; mais ils désirent des bilans faux. Si les comptes de profits et pertes qu’on leur présente marquaient, dans leur intégralité, les variations annuelles qu’imposent à l’industrie les conditions du marché, les actionnaires ne supporteraient ni la joie de la bonne année, ni l’effroi de la mauvaise.»
Auguste Detoeuf, ancien Président de Thomson
Cette maxime de «Barenton, confiseur» recouvre le sentiment que le grand public éprouve lorsqu’il est projeté devant un bilan de société. Et pourtant… Et pourtant, on peut certes imaginer qu’il soit possible d’orienter les résultats et les comptes d’une année ; aucun spécialiste n’acceptera d’affirmer le contraire. Mais aucun homme de métier ne sera prêt à affirmer qu’une collection de dix bilans successifs peut dire autre chose que ce qui est, ou bien ce serait remettre en cause le principe de physique des vases communicants.
Quels sont les grands messages qu’apportent ces séries de dix années de chiffres concernant Alcatel Espace ? Trois d’entre eux semblent essentiels.
• Une amélioration permanente de la productivité globale de la société : on observe, en effet, qu’en dix ans la valeur ajoutée par salarié s’est accrue d’environ 12,5 % l’an en francs courants, donc de près de 9 % l’an en francs constants. Ce taux de 9 % représente bien l’amélioration de productivité annuelle moyenne d’ATES, ce qui est remarquable.
• Après des débuts difficiles, marqués par les vicissitudes rencontrées de 1982 à 1985 (transfert à Toulouse, embauches records, annulations de contrats…), les résultats nets après provisions pour risques, impôts et intéressement ou participation du personnel (lesquels représenteront en 1993 près d’un mois de salaire supplémentaire) atteindront très vite environ 4 % du chiffre d’affaires total ou 10 % de la valeur ajoutée. Il faut, par ailleurs, se garder d’une mauvaise interprétation portant sur les produits financiers. Ceux-ci, en effet, sont importants (de l’ordre des deux tiers du résultat courant) mais proviennent pour plus de moitié des provisions pour risques et charges constituées par prélèvement sur le résultat courant. Les produits financiers ont donc un caractère récurrent et normal et ne sont pas un point de fragilité des résultats.
• L’espace est un monde plein de surprises ! Et les surprises apparaissent très tard dans le processus industriel, commercial ou financier et coûtent d’autant plus cher que l’on s’approche de la recette en orbite du satellite. Dans ce contexte difficile, la moindre des précautions consiste à constituer au passif du bilan des «provisions pour risques et pour charges». Cette politique constante se traduit par un volume global de provisions d’un ordre de grandeur analogue à celui des capitaux propres et représente environ 20 % du chiffre d’affaires total d’une année et 50 % des excédents de trésorerie.
La nécessité pour ATES d’entrer progressivement dans les métiers de maître d’œuvre système ou satellite, voire d’opérateur, ne peut que conduire à la constitution de provisions toujours plus importantes.
3.4.7 – Le plan social de 1985
Les causes
Le développement rapide de la Division Espace et le déménagement à Toulouse ont entraîné une croissance très rapide des effectifs qui ont dépassé les mille personnes en 1984.
L’augmentation de la productivité et la rationalisation des organisations conduisent à un sureffectif durable, en particulier dans les professions ouvrières.
De plus, le programme Athos, qui devait donner du travail de réalisation pour un modèle de vol en 1986, est supprimé (et même des contrats signés sont partiellement résiliés, en particulier dans la réalisation d’équipements de vol).
La Direction Générale et la Direction des Ressources Humaines ont donc déjà favorisé les départs dans les spécialités en excédent, ce qui a permis, sans difficultés, de diminuer l’effectif de soixante-dix personnes en quelques mois (soit 7 %).
Mais l’avenir n’est pas assuré, après la suppression d’Athos et des extensions d’Intelsat VI, les satellites TDF 2 et TV-Sat 2 sont constamment retardés, et le programme Eutelsat n’est pas sûr (et surtout, le volume d’activité qui dépend du consortium retenu peut être très variable).
Aussi, le nouveau groupe CGE décide-t-il que la décroissance «douce» des effectifs n’est pas suffisante et qu’il faut procéder à un plan social.
Les grandes lignes du plan
Des discussions très vives ont lieu, dans le comité de direction, sur l’importance de ce plan social. Le risque est, si on va trop loin, de casser l’outil industriel et de se retrouver lors de la période de croissance suivante (inéluctable car les satellites sont «consommables» et ont une durée de vie de sept ans à cette époque) avec le même type de difficultés que dans les années 1980-1982.
Une vue «industrielle» conduit à un effectif minimum de 810 personnes, ce qui permet à l’outil de ne pas subir une restructuration profonde, traumatisante après les trois années précédentes très cahotiques, et donc de conserver les acquis durement obtenus.
Cependant, la décision finale est une baisse de 200 personnes, soit un chiffre final de 742 personnes (le point de départ en juillet 1985 étant de 942 personnes). Mais ce plan est très original par rapport à d’autres plans de l’époque :
– le chiffre final peut évoluer (vers le haut) si des commandes non prévues sont obtenues avant qu’il soit atteint (les prévisions de commandes étant très conservatrices, le chiffre minimal ne peut pas baisser durant cette période) ;
– au moment de la décision, l’ensemble de la société est en plein emploi et les baisses sont prévues dans les prochains mois. Aussi l’exécution du plan est-elle prévue sur environ seize mois ;
– c’est ainsi qu’une provision de 45 millions de francs sera constituée en juin 1985 pour couvrir toutes les conséquences du plan (y compris les difficultés de redémarrage) ;
– aucune liste de licenciement ne doit paraître avant début 1986, le volontariat étant encouragé au maximum pendant le deuxième semestre 1985.
Les mesures prises
Un recensement détaillé des postes en excédent a été fait, il est donc décidé que tout départ dans un autre poste pourra être remplacé par le titulaire d’un poste en excédent (si les compétences sont correctes).
En conséquence, une action très volontariste d’encouragement au départ est mise en place :
– plan FNE pour les cadres de plus de 55 ans volontaires pendant une durée d’un an ;
– aide à la création d’entreprise ;
– mise en formation de longue durée de techniciens pour obtenir, lors de la période de croissance ultérieure, des ingénieurs compétents, cette formation étant financée par des aides ;
– versement d’une indemnité de 100 000 francs, s’ajoutant aux indemnités dues, pour tout volontaire qui partirait avant le 31 décembre 1985.
En outre, le Directeur Général, Gérard Coffinet, avec un appui très efficace du DRH Martial Malaurie, mobilise les chefs de service et les rend responsables du reclassement de leurs personnels. En effet, ce sont eux qui connaissent le mieux les qualités de ces personnes et peuvent donc les valoriser auprès d’employeurs éventuels. De plus, l’ensemble des Directions entreprend également des actions auprès des employeurs toulousains pour trouver des débouchés.
Dans certains domaines critiques, comme les traitements de surfaces, il n’est pas possible de descendre au-dessous d’un certain effectif. Il est décidé que les responsables de ces services chercheront eux-mêmes de la sous-traitance pendant cette période. Cette décision est appuyée par Michel Chaussedoux, Directeur Industriel du Département Équipements.
Le déroulement du plan
Les premières semaines permettent de mettre en place les différentes possibilités suivantes :
• Pour le FNE, commencé dès le mois de mars, le succès est lent mais progressif et, petit à petit, presque tous les cadres susceptibles de l’utiliser le font, ce qui pose des problèmes à la société, qui perd des compétences très utiles qu’elle aurait souhaité garder. Mais la règle est le volontariat.
• La création d’entreprises est très soutenue par le conseil régional, en particulier son président Alex Raymond. Outre des conditions intéressantes offertes par la société, les pouvoirs publics donnent un appui significatif avec une étude de dossier, des aides et des formations :
– un carreleur se retrouve du jour au lendemain avec neuf mois de carnet de commandes (ce qui laisse à penser qu’il était déjà très connu pour son activité durant les week-ends) ;
– un réparateur de bijoux s’associe avec quelqu’un de sa famille pour lequel il travaillait la nuit… c’est pourquoi il était si fatigué le jour !
– un élevage de vers de terre voit le jour ;
– quatre ouvriers de la mécanique créent une entreprise de sous-traitance à Colomiers, ce qui permet à Alcatel Espace de disposer de sous-traitants compétents en mécanique pour les hyperfréquences, ce qui manquait dans la région.
• La formation donne lieu à une initiative originale montée entre la Direction Générale d’Alcatel Espace et l’université Paul-Sabatier : un certain nombre de techniciens (positions V2 et V3, donc à leur bâton de maréchal de non-ingénieur) peuvent préparer une maîtrise d’électronique à mi-temps en trois ans, qui leur permet de devenir ingénieurs tout en les laissant partiellement à la disposition de la société. Des aides publiques appuient naturellement cette novation qui remporte un grand succès.
• Quant au reclassement provisoire ou définitif dans d’autres entreprises, il est difficile au début, mais des actions très fortes sont entreprises auprès des autres industriels de la région (Aérospatiale, MATRA, Motorola, etc.) qui donnent tellement leurs fruits que, dès le début de 1986, il faut faire un effort pour garder les gens, le nombre de postes devenant supérieur aux possibilités. D’autant plus que, grâce à la méthode suivie, les premiers partants étaient des gens compétents, ce qui a facilité l’appel des sociétés.
• On connaît quelques moments difficiles :
– mise en place d’un chômage technique en novembre pour les ouvriers du câblage. Ce chômage touche peu de monde et a un impact très limité sur la rémunération des personnes concernées ;
– envahissement du restaurant commercial lors d’un déjeuner de Gérard Coffinet et Michel Chaussedoux avec l’administrateur de Thomson, Gérard Boelle ;
– manifestations contre la Direction Générale lors du SITEF du mois d’octobre.
• Parallèlement, des efforts seront faits pour rentrer des commandes alors que les personnes en formation diminuent l’effectif présent mais pas l’effectif inscrit.
Le maire de Toulouse, Dominique Baudis, appuie les efforts de la Direction Générale en envoyant immédiatement une lettre au Premier ministre de l’époque, Laurent Fabius. Cette lettre insiste sur la nécessité de passer la commande du satellite TDF 2.
Les actions de sous-traitance en mécanique et en traitement de surfaces sont couronnées de succès et permettent de garder un effectif critique.
Enfin, un certain nombre de petites commandes, ou de compléments aux affaires en cours, en particulier de Hughes, permet de relever progressivement l’effectif minimal en place qui passe de 742 à 810 au début de 1986.
La fin du plan
Pendant tout le deuxième semestre 1985, la décroissance des effectifs est supérieure à la baisse de charge (sauf très ponctuellement en câblage). Aussi n’est-il pas nécessaire de déposer des listes pour les licenciements secs. De plus, les syndicats, conscients des efforts de la Direction Générale, ne la gênent pas par des actions intempestives.
Cependant, début 1986, le groupe CGE insiste pour que les mesures plus dures envisagées soient mises en place. Il reste à l’époque environ 60 personnes (870 présentes pour 810 au plan).
Jusque-là, la charge de travail nécessitait la présence de ces personnes. Il faut, pour la première fois, faire des listes qui conduisent à des départs effectifs à partir de mai 1986. L’ambiance devient naturellement très mauvaise et risque d’avoir des conséquences très préjudiciables sur les affaires en cours. De plus, pour des raisons politiques, le plan de licenciement est une première fois refusé.
Heureusement, dès le mois d’avril 1986, l’annonce du contrat Eutelsat 2, qui demande, au contraire, un renforcement des moyens (en ingénieurs et techniciens d’études, ce qui ne remet pas en cause les départs décidés dans le plan), rend complètement obsolètes ces discussions avec l’Administration.
Après une période de flottement, accentuée par le changement de majorité parlementaire, Jacques Imbert obtient que le plan soit annulé avant que n’aient lieu les premiers licenciements «secs» prévus.
Il faut au contraire remotiver toute la société, durement touchée par cette période difficile. À cet effet, le cinéma Le Trianon est loué le 18 juin 1986 pour une séance d’information de tout le personnel destinée à relancer les actions.
Les chiffres
Au départ du plan, en juillet 1985, on dénombre 942 personnes. À la fin, il reste 820 personnes.
Les 122 départs ont eu lieu sans aucun licenciement non volontaire et se sont répartis de la façon suivante :
– 36 FNE ;
– 34 créations d’entreprise ;
– 52 reclassements (définitifs ou provisoires avec retours ultérieurs).
Les effectifs ont décru régulièrement comme le montrent les chiffres suivants :
– fin mai 1984 | 1 016 |
– fin juillet 1985 | 942 |
– fin août | 935 |
– fin septembre | 926 |
– fin octobre | 904 |
– fin novembre | 889 |
– fin décembre | 876 |
– fin janvier 1986 | 859 |
– fin février | 848 |
– fin mars | 832 |
– fin avril | 820 |
Conclusion
Le plan social, même s’il a constitué un grand risque dans les activités de haute technologie (un certain nombre de jeunes ingénieurs pouvaient être tentés de partir alors qu’ils n’étaient pas touchés par le plan, ce qui aurait entraîné des retards très coûteux dans les affaires en cours) s’est bien terminé grâce aux efforts de tous :
– la Direction Générale et la Direction des Ressources Humaines qui se sont beaucoup investies ;
– l’ensemble de l’encadrement qui a adhéré et a joué le jeu ;
– les syndicats (et en particulier le secrétaire du CE, Gérard Caille) qui, tout en défendant âprement leurs mandants, n’ont pas entrepris de déstabiliser une société en pleine formation ;
– les pouvoirs publics (maire de Toulouse, conseil régional, et entreprises toulousaines).
Le plan a permis de dessiner une société mieux adaptée aux contrats nouveaux :
– proportion d’ouvriers plus faible ;
– augmentation de la proportion d’ingénieurs et techniciens ;
– maîtrise accrue de la sous-traitance.
Il constitue l’un des rares exemples de plan de départs touchant environ 20 % des effectifs qui n’ait donné lieu à aucun licenciement non volontaire.
3.4.8 Les accords d’intéressement
Une première action d’intéressement du personnel au bon déroulement d’une affaire est à signaler dans le cadre du programme Symphonie. La bonne gestion du fonds de réserve mis en place dès le début du programme au niveau du consortium CIFAS pour couvrir certains aléas a permis de dégager une certaine marge financière. Les six sociétés membres, dont Thomson CSF, décident alors d’en faire profiter tous leurs salariés ayant travaillé sur le programme. Cette action, qui n’a aucun caractère contractuel, suscite quelques polémiques où le mot «favoritisme» est souvent prononcé. Elle ne se renouvellera pas dans les programmes suivants.
C’est beaucoup plus tard que se matérialiseront des actions d’intéressement qui revêtiront une forme contractuelle.
Dans le droit fil de la pensée gaullienne, une ordonnance de 1959 organisait un régime facultatif d’association ou d’intéressement des travailleurs. Ces textes, remaniés à diverses reprises, aboutirent à une ordonnance du 21 octobre 1986 définissant un régime «d’intéressement» des travailleurs aux résultats ou aux progrès de l’entreprise qui vint compléter le régime légal de la «participation».
D’autres textes spécifièrent les régimes des «plans d’épargne d’entreprise», «d’actionnariat des salariés» ou «d’options de souscription ou d’achat d’actions» par les salariés.
Ces textes offrent divers avantages fiscaux et notamment le fait que l’intéressement des salariés est exonéré de charges sociales et, sous certaines conditions, d’impôt sur le revenu dans la mesure où le salarié reverse cet intéressement dans un plan d’épargne d’entreprise où il va rester bloqué cinq ans.
L’un des éléments essentiels de ce que l’on pourrait appeler la «problématique de gestion» d’ATES résulte de la grande variation des charges de travail. Un programme de plus, et l’entreprise croule sous la charge au point de prendre le risque de mal travailler, ce qui est impardonnable dans le monde de l’espace. Un programme de moins, et les mesures de réduction des moyens se profilent vite à l’horizon… Aussi l’intéressement est-il un moyen efficace de récompenser l’ensemble du personnel en période de surcharge et de «partager la pénurie» entre le «capital» et le «travail» lorsque la situation est difficile.
C’est ainsi que début 1987, instruit par la période difficile de l’année 1985, ATES va négocier avec les représentants du personnel un premier accord d’intéressement couvrant les exercices 86 à 88. Celui-ci va reposer sur deux principes :
– une participation aux efforts d’amélioration de la productivité, indépendante de l’existence ou non de bénéfices ;
– un partage des bénéfices sociaux.
Ces deux principes seront retenus dans les deux accords suivants, signés en 1989 et en 1992.
La prime de progrès
Compte tenu du fait qu’ATES ne produit pas de biens ou services répétitifs pour lesquels il peut être possible de mesurer l’évolution de la productivité, la formule choisie vise à tenir compte de la variation de la valeur ajoutée moyenne mesurée par salarié. Étant rappelé que, tout simplement, la valeur ajoutée n’est rien d’autre que le chiffre d’affaires diminué des achats de toutes natures, c’est-à-dire ce qui a été produit par l’entreprise pour être vendu. Cette valeur ajoutée se trouve de la sorte augmentée par les marges réalisées à la vente, par les réductions de prix obtenues à l’achat, par les économies faites sur les consommations de matière et de main-d’œuvre, puisque le critère retenu vise à mesurer cette valeur ajoutée par salarié. Une formule en 1987 remplacée par un barème plus compréhensible en 1989 et 1992 est retenue.
La prime de résultat
Elle est tout simplement calquée sur la formule officielle de la «participation des salariés» afin qu’il n’y ait pas de rupture, le jour où ATES aurait «absorbé» tous ses reports déficitaires fiscaux constitués au cours des années déficitaires de 1984 et 1985. On sait que cette formule prélève en priorité sur le résultat fiscal une «rémunération des capitaux propres» et le solde se trouve partagé entre l’entreprise et ses salariés au prorata des salaires par rapport à la valeur ajoutée. Toutefois, au cours des premières années, l’existence des reports fiscaux antérieurs est neutralisée dans le calcul de l’intéressement afin de motiver le personnel à redresser la situation d’une entreprise qui a été fortement perturbée en 1984 et 1985.
Les règles de partage
Elles font l’objet de débats courtois mais énergiques, l’avis de la Direction et de chacune des organisations syndicales n’étant pas le même. On finit par se mettre d’accord sur un partage, en partie hiérarchisé et en partie non hiérarchisé, de chacune des primes (voir tableau ci-dessous).
Un système de «plancher» déhiérarchise un peu plus les résultats obtenus. Ces primes sont payées pour partie en février, et le solde est versé après l’approbation des comptes par l’assemblée générale des actionnaires courant juin.
Les résultats obtenus
Année | Intéressement + participation | Calcul exprimé en mois de rémunération nette (cotisations du salarié déduites) |
1986 | 2 900 kF | 1/3 de mois |
1987 | 5 100 kF | 1/2 mois |
1988 | 9 700 kF | 80 % d’un mois |
1989 | 12 100 kF | 80 % d’un mois |
1990 | 11 100 kF | 70 % d’un mois |
1991 | 19 200 kF | 110 % d’un mois |
1992 | 18 500 kF | 1 mois |
1993 | 22 500 kF | 115 % d’un mois |
Le plan d’épargne d’entreprise
Afin de bénéficier totalement des avantages fiscaux offerts par la loi sur l’intéressement, un plan d’épargne d’entreprise est constitué sous la présidence de l’amiral Roitel, la gestion en étant confiée au Crédit Lyonnais en 1986, puis partagée avec Inter-Expansion en 1992.
Année de l’accord | Prime de productivité | Prime de résultat | ||
Hiérarchique | Non hiérarchique | Hiérarchique | Non hiérarchique | |
1987 | 50 % | 50 % | 100 % | 0 % |
1989 | 65 % | 35 % | 75 % | 25 % |
1992 | 65 % | 35 % | 75 % | 25 % |