Chroniques d’un métier – Chapitre 4 – Les fonctions et les métiers
Sommaire de navigation
- 4.1 Les moyens de décision et de contrôle
- 4.2 La prospective et le plan
- 4.3 Le commercial
- 4.4 Les Services Techniques et Industriels
- 4.5 Les systèmes et les projets
- 4.6 L’intégration et les essais
- 4.7 Les essais d’environnement
- 4.8 La qualité
- 4.9 Les achats
- 4.10 L’informatique
- 4.11 Les services généraux
- 4.12 Les finances et la gestion
- 4.13 La communication
- 4.14 La gestion du personnel et les affaires sociales
4 – Les fonctions et les métiers
4.1 – Les moyens de décision et de contrôle
Au Département Espace-Satellites (ESA)
En 1970, année de la création du Département Espace-Satellites, Thomson-CSF est articulée en Divisions. Chaque Division est un centre de profit et son Directeur est entièrement responsable de ses résultats. À condition de rester dans le cadre des directives émises par la Direction Générale et par les différentes directions fonctionnelles du siège, il jouit d’une large autonomie dans l’exploitation du domaine qui lui est confié.
Quand le domaine des satellites est attribué à la Division des Matériels d’Avionique (MAV), qui devient alors Division des Matériels d’Avionique et Spatiaux (AVS), son Directeur Alexandre Boudigues décide, pour l’exploiter, de créer un Département indépendant : le Département ESA.
Ce dernier est conçu au départ comme ce que l’on appelle parfois une «microdivision». Dans une note d’organisation datée du 7 juillet 1970, son Directeur Jacques Chaumeron reçoit d’Alexandre Boudigues une «délégation permanente lui permettant de traiter, à l’intérieur et à l’extérieur de la Division, tous les problèmes relatifs à l’espace» et qui sont du ressort de la Division AVS.
La seule fonction de direction ou de contrôle que ne possède pas en propre le Département est celle du contrôle de gestion. Celui-ci est assuré au niveau de la Division par André Pacallet dont le correspondant local, chargé de rassembler toutes les données nécessaires au contrôle, est Paul Pharisier. Le chef des Services Techniques et Industriels et le chef du Service Commercial rendent compte directement au Directeur du Département.
Ce dernier assiste au Comité de direction (Comav) hebdomadaire présidé par le Directeur de la Division et auquel assistent également le Directeur Commercial de la Division, le Directeur Technique, le Directeur de la Fabrication et le Directeur Administratif et Financier. On y traite de la politique de la Division et l’on examine la situation générale des affaires en cours et les principaux problèmes rencontrés.
Alexandre Boudigues cite fréquemment les mots de l’un de ses anciens directeurs : «Ce n’est pas en économisant les trombones que l’on empêche une société de faire faillite, c’est en surveillant de très près les effectifs.» C’est pourquoi il apporte personnellement une très grande attention à ce problème. Dans chaque Département de la Division, il préside chaque mois une réunion durant laquelle, assisté du contrôleur de gestion, il passe en revue l’évolution des effectifs en fonction des devis prévisionnels et des prévisions pour solde. Il fixe ensuite les objectifs à atteindre dans les diverses catégories de personnel.
Chaque année, une partie de la réunion organisée à la Division AVS par la Direction Générale pour l’examen du PMT, ou Plan à Moyen Terme (cinq ans) est consacrée au Département ESA.
Chaque année également, la Direction Technique Générale de la compagnie rend visite à ESA pour discuter de la politique technique, examiner le programme d’études autofinancées et rechercher les domaines où une éventuelle coopération avec d’autres unités pourrait aider à résoudre certains problèmes.
L’effectif du Département (environ trois cents personnes) est suffisamment faible pour être dirigé sans un formalisme exagéré. Le «triumvirat» de direction, composé de Jacques Chaumeron, de Guy Leconte, chef des Services Techniques et Industriels, et de Pierre Gautier, chef du Service Commercial, est en contact quotidien et n’a pas besoin de prévoir de réunions périodiques fixées à l’avance. Le sacro-saint mot «comité» n’est pas encore entré en usage. On s’efforce de ne pas alourdir les structures et de ne pas succomber à la «réunionnite» qui sévit en d’autres lieux.
Une seule catégorie de réunion se tient à l’intérieur du Département ESA : les réunions d’avancement d’affaires. Une réunion mensuelle est programmée pour chacun des services techniques ainsi que pour chacun des projets importants auxquels participent plusieurs de ces services.
Présidées par le Directeur du Département, ces réunions rassemblent : le chef des Services Techniques et Industriels, le chef du Service Commercial, assisté si besoin est d’un de ses adjoints, le ou les chefs des services techniques responsables des affaires à l’ordre du jour, le chef du projet en question, le chef du Service Fabrication, le chef du Service Qualité, le responsable des plannings et le correspondant local du contrôleur de gestion.
On procède à un examen complet de la situation technique des affaires, de leur position par rapport aux plannings prévisionnels, de l’état des dépenses comparées aux prévisions des devis et des prévisions pour solde. Les écarts constatés font l’objet de propositions d’actions correctives qui sont discutées et, dans la mesure du possible, approuvées au cours de la réunion après consultation de tous les responsables intéressés.
À partir de janvier 1975, le Département Espace-Satellites quitte la Division AVS pour être rattaché à la Division Faisceaux Hertziens et Liaisons Spatiales (DFH) jusqu’à la fin de 1981. Son sigle devient alors DSP.
Son organisation et son fonctionnement interne ne sont pas modifiés par ce changement. Par contre, les modalités de son contrôle par la Division «mère» évolueront dans le temps.
Concernant les études de matériels de répéteurs pour satellites de télécommunications, la Direction Technique de DFH, à laquelle ESA a jusqu’alors sous-traité certaines d’entre elles, revendique un droit de contrôle sur les études menées par DSP dans ce domaine, ainsi que sur l’utilisation faite par DSP des résultats des études menées par DFH.
Quoique parfaitement légitime, cette revendication est à l’origine de quelques frictions entre ingénieurs des deux bords. La diplomatie de Pierre de Bayser, initialement ingénieur à DFH, qui, au cours de cette période, devient successivement, à DSP, chef du Service Hyperfréquences (HY) puis chef des Services Techniques et Industriels, aide considérablement à normaliser les relations.
De même qu’il a assisté aux Comav, le Directeur de DSP participe désormais aux Codir, réunions hebdomadaires du comité de direction de DFH présidées par André Lepeigneux, et dont la composition, les ordres du jour et les méthodes de travail sont très voisines de celles des Comav.
Le contrôle de gestion s’effectue à la Division DFH, sous la direction de Jean Lemaitre, Directeur Administratif et Financier, avec les mêmes méthodes et procédures qu’à AVS, ce qui ne nécessite, pour Paul Pharisier, que peu d’efforts d’adaptation.
La responsabilité de DSP dans l’élaboration et la présentation de son Plan à Moyen Terme restent les mêmes jusqu’à la fin de l’année 1977, date du départ d’André Lepeigneux de la Division.
Dès l’arrivée de son successeur, Christian Loeffler, il apparaît que les responsabilités et les prérogatives des différents dirigeants de DSP vont être considérablement réduites. La délégation de pouvoirs accordée au Directeur d’ESA par Alexandre Boudigues, qui a été implicitement prorogée par André Lepeigneux vis-à-vis du Directeur de DSP, n’est pas maintenue dans les faits. Comme il est exposé avec plus de détails dans le chapitre consacré au Département Espace-Satellites, un certain nombre de chefs de service de DSP sont placés sous la tutelle de certains directeurs ou chefs de service de DFH. Dans certains cas, cette situation ne s’avère pas viable et on doit revenir en arrière. En fait, une grande partie du pouvoir de contrôle et de décision des responsables de DSP est transférée au niveau de la Division, et l’existence même du Département en tant que tel se trouve remise en question. Cette évolution est, dans une certaine mesure, ralentie lorsque Jean-Pierre Bouyssonnie, Directeur Général de Thomson-CSF, fait savoir, devant l’avenir prévisible des activités spatiales, que le Département DSP doit être maintenu et confirme Jacques Chaumeron dans ses fonctions.
En fait, pour la période s’étendant de 1978 à 1981, les ambiguïtés provoquées dans les chemins de décision par l’introduction d’échelons supplémentaires, qui n’ont en général qu’une vue partielle des problèmes pratiques, rendent très difficile sinon impossible, avec le recul du temps, de situer les niveaux réels de décision et donc de répondre aux questions qui auraient dû trouver une réponse dans ce chapitre.
À la Division Espace (DES)
La Division Espace est créée le 1er janvier 1982 et placée sous l’autorité de Gérard Coffinet.
Le Département DSP, toujours dirigé par Jacques Chaumeron jusqu’au 1er janvier 1983, puis par Philippe Blanchet jusqu’en janvier 1985, conserve jusqu’à cette date, en les adaptant à son expansion particulièrement rapide, les mêmes règles et procédures générales de fonctionnement. On y crée, entre autres, un poste de contrôleur de gestion, lequel rend compte au contrôleur de gestion de la Division.
Un deuxième Département, dont le nom évoluera dans le temps et dont la direction est confiée à Jean-Louis de Montlivault, est chargé, au départ, de la direction du programme Telecom 1, puis, progressivement, des systèmes de télécommunications par satellites et du programme militaire SYRACUSE. En janvier 1983, il prend le nom de Département Systèmes Spatiaux.
Jusqu’au début de 1984, date de la prise de contrôle de DES par le groupe de la Compagnie Générale d’Électricité, les moyens de décision et de contrôle de la Division sont analogues à ceux des autres Divisions de Thomson-CSF. En mars 1982, une note de Gérard Coffinet a désigné les divers responsables des relations avec les Directions du siège dans tous les domaines : administration, finances, gestion, personnel et affaires sociales, affaires internationales, technique, etc.
Comme les autres Divisions de la Compagnie, DES prépare chaque année son PMT qui est soumis à l’approbation de la Direction Générale au cours d’une séance plénière.
La Direction Technique Générale lui rend visite chaque année avec le même ordre du jour que celui qui a été décrit plus haut pour DSP. Pour la gestion interne, un Comité de direction (Codir) est créé. Il réunit chaque semaine sous la présidence du Directeur de la Division :
– l’adjoint au Directeur, Jean Lailheughe ;
– le contrôleur de gestion, Jean Chabredier ;
– le Secrétaire Général, Bernard Gory ;
– le Directeur chargé de mission, Michel Lasalle ;
– le Directeur du Département DSP, Jacques Chaumeron, et son adjoint, Philippe Blanchet ;
– le Directeur du Département Systèmes, Jean-Louis de Montlivault ;
– le chef des Services Commerciaux, Alain Roger ;
– le responsable des investissements, des Services Géné¬raux et du personnel, Guy Leconte.
On y examine les principaux événements survenus au cours de la semaine écoulée dans tous les domaines : commercial, technique, financier, social, etc., en essayant, dans la mesure du possible, d’ébaucher des solutions aux principales difficultés qui se sont présentées, ou, tout au moins, de préciser la marche à suivre pour y aboutir. On y précise la répartition des tâches en vue des événements importants à venir, en particulier dans le domaine de la communication (visites ou réceptions mettant en jeu des personnalités importantes). On y définit les grandes lignes directrices devant présider à la préparation des divers plans : PMT, investissements, études autofinancées… Le Directeur y donne ses instructions générales sur la conduite de la Division.
En 1983, dernière année d’existence de la Division, quelques titulaires des fonctions qui composent le Codir sont changés, mais la composition en reste la même. Le Codir continuera d’exister dans les années suivantes après la création d’Alcatel Thomson Espace.
À Alcatel Espace – Le contrôle de la maison mère
Le principe de gestion de la Compagnie Générale d’Électricité repose sur la décentralisation des responsabilités. Pour simplifier, chaque unité est jugée sur son résultat net et ses besoins de trésorerie. Point de comptes-rendus de gestion détaillés ; point de vérifications minutieuses ; point de consignes de gestion centrales ; point d’obligation de commercer à l’intérieur du groupe (lors d’un repas d’accueil des responsables financiers, le Président Georges Pébereau s’est laissé aller à dire – sur le ton de la plaisanterie – que «pour vivre heureux dans le groupe CGE, mieux vaut ne pas commercer avec les autres unités»). La contrepartie est simple : chaque «roitelet», dans son unité, est libre de sa gestion, à la condition de «rester dans les clous» dont il était convenu lors de l’approbation de son budget par la présidence. Dans le cas inverse, «sa carrière dans le groupe est terminée» (sic).
Le rapprochement d’Alcatel et d’ITT modifiera significativement ces méthodes de gestion et de contrôle. Il est un fait que le type de relations qui était possible dans l’ancienne CGE, et en particulier chez CIT, ne l’est plus dans un ensemble qui a accueilli vingt mille personnes de Thomson-CSF et soixante-dix mille d’ITT. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’ITT dispose d’un type d’organisation et de «reporting» bien plus complexe que celui auquel sont habitués la plupart des «organisateurs d’entreprises».
Ces deux approches mises bout à bout aboutissent à un panaché où l’on retrouve beaucoup de règles ITT à la sauce CIT.
L’organisation devient matricielle (par lignes de produits et centres de responsabilité) ; les règles comptables (en anglais dans le texte !) s’internationalisent ; le «reporting» devient conséquent (à titre d’exemple, il justifie deux personnes à temps complet chez Alcatel Espace) ; le contrôle de gestion devient permanent. Placé sous la responsabilité de Daniel Castellan (adjoint de Pierre Leroux), ce contrôle est exercé avec doigté dans un premier temps, puis avec rigueur lorsque l’orage fond sur les résultats du groupe. La technique des «fiches» destinées à la Direction Générale du groupe s’installe, accompagnée de réunions d’explications et de commentaires. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour justifier une forte montée du stress des responsables financiers de certaines unités.
Dans ce nouveau protocole, un cérémonial va vite conquérir droit de cité : celui des «réunions de gestion» au cours desquelles comparaissent les responsables d’unité venus présenter leurs propositions de budget ou de plan, ainsi que les résultats effectivement réalisés. Elles sont animées par le Président Pierre Suard, entouré de Jozef Cornu et Pierre Leroux et des membres de leurs états-majors, soit au total une quinzaine de personnes. Représentent ATES : Jacques Imbert, Jean-Claude Husson et Georges Malgoire. Le déséquilibre des forces est patent… et ces réunions pourraient ressembler à un tribunal si la santé d’ATES n’était pas ce qu’elle est et si le secteur de l’espace ne jouait pas son rôle : faire rêver… Le Président ne cache pas son intérêt pour le domaine spatial et tout se passe toujours très bien, sauf…
Sauf lorsque ce cérémonial, déjà émouvant, est complété par l’installation de consoles vidéo face à chaque participant. Quelle galère que la manipulation du moniteur ! Les textes apparaissent trop gros, ou trop petits, ou trop haut, trop à gauche, flous… Devant le succès que cet appareil remporte auprès des directeurs d’unité, peu habiles à le manipuler, un appariteur plus doué est chargé de dompter le monstre. Cela n’amènera toutefois pas beaucoup de chaleur humaine à ces réunions.
Les comités internes
Du fait de l’importance et de la spécificité des programmes spatiaux confiés à ATES (d’une centaine de millions de francs à plusieurs milliards), une grande autonomie de gestion et de contrôle est laissée aux chefs de projet. En contrepartie, la coopération entre les diverses Directions impliquées requiert la mise en place de nombreux comités de coordination. On peut citer, au niveau de la société :
– Comex (comités exécutifs) ;
– Codir (comités de direction) ;
– comités plan et stratégie ;
– comités études ;
– comités de gestion ;
– comités budgétaires ;
– comités affaires ;
– comités commerciaux ;
– comités planning ;
– comités qualité.
Compte tenu du nombre assez élevé de participants à ces comités, dû au nombre important de programmes vivants, un point commun peut être souligné : ces divers comités sont beaucoup plus «informatifs» que «décisionnels», les décisions se prenant essentiellement dans des comités informels et restreints organisés «au cas par cas» autour du Directeur Général et précédés d’une grande effervescence de «messages Profs».
À tous ces «comités centraux» s’ajoutent, bien entendu, des «comités locaux» (fort nombreux) constitués au sein de chaque Direction ou de chaque programme. Tant et si bien que la participation à ces différents comités devient la tâche la plus importante des principaux cadres de la société, un élément important du fonds de commerce d’Air Inter et des hôtels de la zone industrielle de Candie, et la cause d’un équipement de visio et téléconférence entre Toulouse et Courbevoie.
Les Comex (comités exécutifs)
Ils sont créés par Gérard Coffinet au début de 1985 après la constitution de la société Alcatel Thomson Espace. Au tout début, ils répondent au souci de constituer une instance collégiale de décision sur les questions d’actualité, les comités de direction qui existent depuis plusieurs années comprenant trop de membres pour cela.
Au début de 1986, les Comex comprennent une huitaine de membres, à savoir, autour du vice-P-DG Jean Valent et du DG Gérard Coffinet, le DGA Michel Chaussedoux en charge des questions techniques et industrielles, le secrétaire général Jacques Chaumeron, le Directeur Commercial des Affaires Civiles Alain Roger, le Directeur Administratif et Financier Georges Malgoire, le Directeur du Plan et de la Politique Produits Claude Michaud, et le Directeur des Télécommunications Militaires Jean-Louis de Montlivault.
Le Président Jacques Imbert participe épisodiquement au Comex. La cadence des réunions est hebdomadaire et celles-ci se tiennent essentiellement à Courbevoie.
Avec l’arrivée de Jean-Claude Husson en remplacement de Gérard Coffinet, le cercle s’agrandit peu à peu à la majorité des directeurs. Son objectif évolue et devient beaucoup plus «informatif». Si la cadence reste hebdomadaire (chaque mardi matin, sauf le troisième du mois, réservé au Codir), les réunions se tiennent alors alternativement à Toulouse et à Courbevoie.
Des «invités» au Comex font leur apparition ultérieurement (1992), et le nombre de membres dépasse alors souvent la vingtaine. Afin de limiter les voyages entre Toulouse et Courbevoie, c’est à cette date qu’apparaît la visioconférence permettant aux membres du Comex de participer sans avoir à se déplacer. L’efficacité y gagne, mais la convivialité y perd, car l’œil de la caméra ne peut se substituer à ces messages que l’on se glisse «entre deux portes».
Il n’est enfin de bonne réunion sans son compte-rendu : Claude Michaud s’y emploie toujours avec ponctualité, précision et clarté.
Les Comex vont permettre de faire circuler une grande masse d’informations commerciales, concernant la vie des projets, la communication interne et externe, les affaires financières et sociales, les difficultés techniques, etc. Par contre, sauf exception, peu de décisions sont prises en commun, celles-ci étant réservées à des réunions ad hoc organisées par Jean-Claude Husson avec les responsables appropriés.
Certains Comex sont houleux, par exemple au printemps de 1985 lorsqu’il faut prendre la décision de réduire les effectifs, ou bien lorsqu’il faut entériner une politique produits… qui ne sera en fait jamais appliquée.
Dans d’autres comités, on rêve éveillé autour des projets Locstar et Geostar dont on attend monts et merveilles. On se fait peur longtemps à cause des problèmes de taux d’humidité résiduelle (RGA) des amplificateurs du programme Eutelsat. On est sceptique devant les projets d’organisation de sociétés de conseil qui viennent avec des talents contrastés «plancher» devant le Comex. Mais quel que soit l’état d’âme du jour, il n’y aura pratiquement jamais de propos blessants ou injustes prononcés à l’encontre des uns ou des autres.
Les Codir (comités directeurs)
Gérard Coffinet met pour la première fois ces comités en place à DES. À l’origine, leur but est analogue à celui qui conduira ultérieurement à la création des Comex : constituer une cellule de décision. Cet objectif, atteint à ses débuts, est dépassé par les événements, à savoir le développement de l’activité qui conduit à augmenter, tout à fait logiquement, le nombre de directeurs.
En 1984, lors de la création d’Alcatel Thomson Espace, les Codir sont maintenus une fois par mois dans le but de faire circuler l’information entre l’ensemble des directeurs de la société.
Jean-Claude Husson maintiendra ce principe : à tour de rôle, chaque directeur doit résumer les principaux faits nouveaux significatifs qu’il a eu à gérer et dont la connaissance peut intéresser les autres directeurs.
Se trouvent donc évoquées les questions touchant aux problèmes techniques ou scientifiques, commerciaux, financiers, de facturation et de charge de travail, sociaux, de communication externe (dont visites de notables), de concurrence, d’accords, etc. Mais les sujets en question ne peuvent qu’exceptionnellement faire l’objet de décisions en séance (faute de temps et eu égard au tempérament du DG) et ceux-ci sont repris par ailleurs en réunions ad hoc.
Des chefs de service ou spécialistes, externes au Codir, viennent régulièrement exposer une question précise. Par exemple : la politique informatique, le plan de charges, tel nouveau programme ou projet, les implantations immobilières, les hypothèses du Plan à Moyen Terme, le planning de chiffre d’affaires, les grandes lignes du budget, le projet «Efficience» de qualité globale, etc. Chacun de ces exposés est une étape marquante dans l’application cohérente des décisions prises.
L’actualité des affaires occupe la place prépondérante dans l’ordre du jour des Codir. Jean-Claude Husson joue d’ailleurs en virtuose avec les divers registres concernés (commerciaux, techniques ou financiers), mettant dans l’embarras bien des responsables qui n’ont pas pensé à tout. Les relations entre ATES et ATFH viennent souvent à l’ordre du jour, montrant combien il est difficile de s’entendre en famille… Enfin, chacun doit faire état de ses «red flags», c’est-à-dire des sujets brûlants qui peuvent intéresser les autres directeurs.
Claude Michaud sera pendant les dix premières années de la création d’ATES le «reporter» fidèle de ces comités.
Les comités plan et stratégie
Animés par Claude Michaud, Directeur du Plan et de la Stratégie, et placés sous l’autorité du Directeur Général, ces comités ont pour but de définir les diverses hypothèses que chaque Direction doit respecter dans l’élaboration du PMT (Plan à Moyen Terme : cinq ans).
En principe, trois hypothèses sont retenues : une version dite «nominale» qui rassemble les projections considérées comme les plus réalistes ; une version basse, très pessimiste ; enfin, une version haute, raisonnablement optimiste.
Deux périodes dans l’année constituent la démarche PMT : la première, de mai à septembre, sert de support à la prévision budgétaire de l’année suivante et des quatre années au-delà ; la seconde, de novembre à février, permet de réévaluer la prévision initiale.
Quatre comités PMT ont lieu chaque année : deux pour la prévision initiale et deux pour son actualisation. Pour chacune de ces deux phases de prévisions, un comité vise à geler les hypothèses que chaque Direction doit respecter pour élaborer ses ressources et ses dépenses, un second comité présente la synthèse des prévisions et confirme donc, solennellement, les axes de travail de la société. Il va sans dire qu’une certaine passion entoure ces comités, la tendance naturelle de chaque responsable étant d’être à l’aise dans ses dépenses et peu engagé dans les ressources…
Chacun de ces comités est précédé d’un nombre très important de réunions de travail propres à chaque Direction et chaque projet. Ce soin s’avère indispensable pour assurer la cohérence interne du système de prévisions. Il est un fait qu’avant la création de ces comités, en 1987, cette cohérence était imparfaite : on voyait donc telle direction industrielle revendiquer hautement la mise en place de moyens pour tel projet alors que, par exemple, la Direction Commerciale ne l’inscrivait pas (ou plus tard) en chiffre d’affaires, déclenchant une cacophonie totale dans les prévisions financières.
Compte tenu de la difficulté du sujet, la Direction Financière s’est attelée à la mise en place d’un outil informatique dont l’un des objectifs est, justement, de s’assurer de la cohérence des prévisions établies, projet par projet, par les diverses Directions de la société. Cet outil, puissant, doit ensuite permettre d’effectuer toutes les synthèses budgétaires nécessaires : situation commerciale, résultats, charges, trésorerie, bilan prévisionnel, investissements corporels et incorporels, etc. Une étroite collaboration existe donc entre la Direction du Plan et la Direction Financière.
Les comités études
Animés par le Directeur Technique (Jacques Joseph) sous le couvert du DGA Michel Chaussedoux, et placés sous la présidence du Directeur Général, ces comités ont un objectif double :
– définir la politique d’études (qu’elles soient financées en tout ou partie par les clients, ou qu’elles soient entièrement autofinancées par la société ou le groupe Alcatel dans le cadre de ses «fonds de cohérence») ;
– suivre l’avancement des programmes d’études.
L’affectation prioritaire des personnels compétents aux programmes d’études financées (donc facturées aux clients) entraîne bien souvent des retards importants sur les programmes d’études autofinancées, certes indispensables, mais moins urgents. De ce fait, une certaine compensation financière se crée de facto, les dépassements sur les études financées étant couverts par les crédits non dépensés sur les études autofinancées.
Les comités études donnent lieu à l’établissement de comptes-rendus très complets, largement utilisés ensuite comme documents de référence.
Les comités de gestion
Animés par le contrôleur de gestion de la société, Gabriel Frayssinet, et le chef du Service Contrats et Marchés, Jean Gaich (sous le couvert du DAF Georges Malgoire), et présidés par le DG, ces comités – en principe trimestriels – ont pour but de faire la synthèse de la tenue des grandes figures du budget, qu’il s’agisse du chiffre d’affaires d’ensemble et par projet, des entrées et du carnet de commandes, des résultats de gestion d’ensemble et par division, ainsi que des principales marges.
C’est à l’occasion de ces comités que sont présentées les principales hypothèses, consignes et contraintes budgétaires que doivent respecter les Divisions lors de l’élaboration de leurs propositions de budget. Les synthèses budgétaires sont présentées à l’occasion de deux des quatre réunions annuelles. Chaque directeur y participe avec son contrôleur de gestion.
Les contraintes budgétaires étant généralement accueillies sans enthousiasme, ce type de comité est la clé qui ouvre le «bureau des pleurs» et il faut toute la patience de Gabriel Frayssinet pour venir à bout des doléances des uns et des autres sans pour autant céder sur l’essentiel : le taux de NIBT (Net Income Before Taxes = résultat net avant impôts), requis de façon virile par le Président du groupe, Pierre Suard.
Les comités budgétaires
Mis en place au début des années quatre-vingt-dix, ces comités bi-annuels animés par le contrôleur de gestion de la société, Gabriel Frayssinet, et présidés par le DG comprennent un petit noyau de membres permanents (Jean-Claude Husson, Michel Chaussedoux, Georges Malgoire, Gabriel Frayssinet, Claude Michaud, Martial Malaurie) qui passent en revue les projets de budgets élaborés par chaque Directeur de Division et son contrôleur de gestion.
Faisant suite à un audit d’un cabinet d’organisation, le plan de travail repose sur la méthode BBZ (Budget Base Zéro). En effet, la méthode budgétaire classique a trop tendance à reconduire les budgets antérieurs majorés d’un coefficient d’inflation ; il en découle une inadaptation fréquente des structures aux évolutions de l’activité. La méthode BBZ, par contre, part de l’activité prévisionnelle et des objectifs assignés pour recalibrer régulièrement les objectifs de chacun et les moyens nécessaires.
Ces réunions vont très vite devenir le cauchemar des contrôleurs de gestion, obligés de défendre pied à pied les revendications souvent subtiles des responsables de leurs Divisions. Mais leur efficacité s’avérera certaine, et permettra de passer sans encombre certains caps difficiles.
Les efforts de formation, en matière de gestion, effectués auprès des différents directeurs et chefs de service entraînent progressivement un très bon niveau d’adhésion aux méthodes et objectifs de gestion, ce qui ne supprime certes pas les difficultés pour les atteindre, mais fait que les discussions et arbitrages se déroulent (presque) toujours dans un climat de compréhension et d’efficacité.
Les comités affaires
Créés au Département DSP, ces comités sont bien évidemment maintenus par ATES, dans une formule légèrement modifiée. Ils sont présidés par le DG Gérard Coffinet puis par Jean-Claude Husson, et animés par chacun des chefs de projet.
Les responsables de la gestion financière d’ATES jugent que l’on y fait une part beaucoup trop grande à la technique. Ils illustrent leurs propos en déclarant que les gigahertz y luttent avec les kilowatts et que les transformées de Fourier émaillent régulièrement le débat.
En 1984, il devient nécessaire de faire les comptes : de nombreux programmes sont déficitaires et les «transformées comptables» prennent le pas sur celles de Fourier. Les tableaux de bord par projet apparaissent, avec courbes de dépenses et de recettes, actualisations de flux financiers, rapports techniques mais aussi commerciaux. Un objectif : faire virer les résultats des programmes de l’époque du rouge au noir.
La mise en place d’une méthodologie de gestion de projets (planning, ressources, PPS), basée sur l’utilisation du logiciel Artemis, est alors instaurée progressivement malgré les réticences de certains chefs de projet, obligés ainsi à plus de transparence et de cohérence.
Le temps passant, les aspects économiques des projets étant clairement indiqués sur les tableaux de bord, Jean-Claude Husson recentrera le débat sur les aspects commerciaux et techniques, les questions financières n’étant traitées qu’en cas de crise.
Avec l’augmentation du nombre de projets, ces comités qui se tiennent en moyenne tous les deux mois deviennent de vrais marathons, la journée y suffisant parfois à peine. Des précomités sont organisés dans certains groupes de projet pour préparer leur passage en comité affaires (et pour définir à l’avance ce qu’il faut ne pas dire…).
Les comités commerciaux
Créés au sein de la Division DES, ces comités sont maintenus à ATES dans des formules variables.
Longtemps animés par Alain Roger et présidés par le DG, leur but est de faire des choix entre les diverses sollicitations commerciales (réponses aux appels d’offres, en particulier). La gestion du budget de propositions commerciales, toujours insuffisant et toujours dépassé, occupe souvent l’avant-scène. L’organisation des contacts commerciaux et des principales manifestations, ainsi que leur harmonisation entre les divers intervenants, est le souci constant de ces comités. Enfin, apparaît périodiquement à l’ordre du jour la préparation des prévisions commerciales destinées à l’échelon central (plan et budget).
Cette dernière fonction, parfois redondante avec les travaux réalisés par les échelons centraux, est alors reprise par la Direction du Plan afin d’harmoniser les méthodes et les résultats.
Les comités planning
Ils sont créés par le DGA Michel Chaussedoux qui pèse de tout son poids pour mettre en place une procédure de planification unitaire dans la société : le système Artemis. Ce système en usage chez nos principaux concurrents a pour rôle d’informatiser une procédure PERT pour chaque programme spatial.
La première étape du projet, qui porte sur les plannings d’équipements, est couronnée de succès. La deuxième étape vise à étendre la procédure à la gestion des projets (cotraitants compris) : son succès est nuancé, certains groupes de projet trouvant la procédure contraignante ou permettant un «voyeurisme» peu apprécié de certains chefs de projet. Enfin, une troisième étape doit permettre d’effectuer des synthèses et des simulations de charges au niveau de la société ; le résultat est atteint, mais souvent par la mise en place d’outils de substitution aux PERT systèmes manquants.
Ces comités mensuels permettent d’établir ou de modifier les plans de charge par direction, service, catégorie professionnelle, programme. La vision de ces plannings est en principe de trois ans, dont une année précise et deux années estimées à partir de la connaissance plus ou moins bonne des prévisions commerciales par affaire.
Ces comités apporteront beaucoup à la gestion des effectifs, rendue très difficile par l’irrégularité des charges entraînées par l’arrivée toujours problématique de programmes spatiaux très importants dont ATES est le maître d’œuvre.
Les comités qualité
Placés sous la présidence du Directeur Général Jean-Claude Husson qui la déléguera le plus souvent au DGA Michel Chaussedoux, ces comités comprennent le DGA, le Directeur de la Qualité et ses principaux chefs de service, le Directeur Industriel, les chefs de service des lignes de produits et de la fabrication, et au coup par coup les spécialistes de tel ou tel sujet d’actualité critique.
Ces comités se déroulent tous les mois et établissent un bilan qualité (niveau de qualité, analyse des incidents, problèmes critiques en cours). Ils donnent lieu à l’établissement d’un compte-rendu diffusé à tous les directeurs.
Le «Risk Management» – Les «intéressements en orbite»
Sur le plan de la responsabilité contractuelle, l’espace est un cas particulier : si le satellite ne fonctionne pas, c’est le client qui en conserve la charge car nul ne peut faire la preuve de la faute du fournisseur (sauf à aller constater sur place !). De ce fait, le client va imaginer des systèmes de primes pour bon fonctionnement (les fameuses «primes de vol») ou de pénalités pour défaillance (les «warranty pay back»). C’est ainsi que le fournisseur principal (le maître d’œuvre du satellite) va devoir supporter le poids de ces «intéressements» ; très vite, il s’allégera de cette charge en rétrocédant sa quote-part à chacun des partenaires au contrat.
Les premières primes de vol remontent à l’époque de la Division MAS et du Département Espace-Satellites (ESA) de Thomson-CSF. Dans Intelsat IV et Intelsat IVA, le maître d’œuvre Hughes a accepté du client un système qui correspond en fait à des paiements différés d’un faible pourcentage (pas connu par ses sous-traitants) du montant du contrat principal. Lors de la négociation des sous-contrats successifs avec Thomson-CSF, Hughes fait miroiter la perspective de récompenses sous forme de primes qui seraient fonction du bon fonctionnement des matériels en orbite, sans que l’on puisse affirmer, car il s’agit en fait d’un «package deal» sur le montant global du contrat, s’il s’agit réellement d’une véritable récompense ou de paiements différés. Quoi qu’il en soit, ses matériels ayant parfaitement fonctionné en orbite, ESA percevra, jusqu’en 1979, l’intégralité des primes prévues au contrat mais dont les montants sont plutôt symboliques.
Le programme Symphonie voit également s’instaurer un système de paiements différés relativement modestes sur une période d’un an après les lancements. La panne d’un oscillateur local sur le premier modèle de vol, qui n’affecte nullement la mission du satellite puisque ce matériel est redondant, donne lieu à des discussions byzantines avec le client sur l’opportunité de payer ou non tout ou partie des primes de vol correspondant à ce modèle.
Le programme ISEE B, de l’ESRO, voit le maître d’œuvre Dornier gratifier ses sous-traitants de quelques primes de vol justifiées par l’excellent fonctionnement de tous les matériels de bord.
Un tel système est trop beau pour durer. Dès Telecom 1, comme il est relaté dans le chapitre consacré à ce programme, c’est un pourcentage voisin de dix pour cent du montant total du contrat qui est placé en paiements différés, payables par tranches un an après le lancement de chacun des modèles de vol et soumis au bon fonctionnement de chacun d’eux.
Très vite, le client resserre le dispositif et inclut les «intéressements» dans le prix de base du contrat. En cas de défaillance totale ou partielle du satellite, il ne verse pas de prime et demande, de surcroît, au fournisseur de lui rembourser la pénalité pour défaillance, prévue au contrat. Désormais, 20 à 30 % du contrat (soit la marge brute de l’affaire) va manquer dans les recettes en cas de difficulté technique imputable à l’un des membres du consortium ayant participé à la construction du satellite, et sans que la faute n’ait à être prouvée par le client. Seul le cas d’une défaillance du lanceur peut exonérer totalement ou partiellement le consortium.
Devant cette situation nouvelle qui peut mettre gravement en péril la situation financière de la société (voire sa vie), toute une réflexion visant à assurer ce revenu est entreprise et mise en œuvre dans tous les cas où le contrat avec le client ne l’interdit pas. Cette politique d’assurance repose sur divers principes :
– être certain de pouvoir disposer d’une couverture d’assurance quelle que soit la situation du marché (on a connu, en effet, des périodes durant lesquelles, à cause d’un nombre trop important de sinistres au niveau mondial, les assureurs avaient atteint leurs plafonds d’assurance et étaient contraints de renoncer à assurer certains programmes) ;
– pouvoir couvrir le risque de perte d’intéressement à cause d’une absence de lancement (ce qui a failli être le cas pour TDF 2) ;
– réduire les coûts d’assurance qui, sur toute la durée de vie du satellite, peuvent représenter près de 30 % de la somme en risque ;
– fixer définitivement le coût des assurances dès la proposition commerciale faite au client afin d’éviter de supporter un écart de tarification (on a connu des variations de 1 à 3 de ce poste, par exemple pour Telecom 1) ;
– bénéficier d’une assurance permanente au titre du programme. En effet, les clauses standard des contrats d’assurances spatiales n’assurent que les sinistres survenant dans l’année ; la police n’est reconductible d’un an que si le «bilan de santé» du satellite en orbite est satisfaisant. À la moindre alerte, le contrat ne sera pas reconduit ; on aura payé des primes quand tout allait bien, et lorsque le temps se gâte, il n’y a plus de couverture… on retrouve là la prudence traditionnelle des assureurs, et un marché de dupes qu’il faut savoir éviter.
Les risques «lanceurs»
La particularité soulignée précédemment s’applique également au lanceur. En effet, dans les contrats passés avec les sociétés de lanceurs (Arianespace par exemple), l’échec au lancement reste à la charge du client à qui il importe d’assurer le coût du relancement.
Au cours des premières années d’existence d’Alcatel Espace, la nature même des clients (administrations) fait que ceux-ci prennent le lancement à leur compte. Puis, peu à peu, au fur et à mesure que le client final se «privatise», la responsabilité du lancement passe progressivement au compte du fournisseur maître d’œuvre du satellite, à qui il incombe de souscrire toutes couvertures d’assurances adéquates. Cette décision n’est pas sans poser d’épineux problèmes selon le nombre de satellites que le client utilisateur accepte en orbite pendant une période donnée (par exemple, certain client n’accepte pas de n’avoir qu’un seul modèle de vol en orbite pendant une certaine période d’utilisation ; en cas de double échec au lancement on peut ainsi être conduit à lui rembourser le modèle tournant en orbite).
Assez vite, Alcatel Espace devra se familiariser avec ces difficultés auxquelles s’ajoutent – mutatis mutandis – celles citées précédemment pour les intéressements (problèmes de capacité en orbite, de fixation des prix, etc.). Le poste «assurances spatiales» est pourtant, dans une proposition commerciale, le poste ayant la plus forte valeur unitaire, et une affaire peut se gagner ou se perdre à cause de lui.
Le risque de change
D’une façon assez générale, le dollar est la monnaie de compte de tous les contrats de satellites à l’exportation. Or, le cycle évoqué précédemment peut atteindre près de vingt années entre le jour de la première dépense de proposition commerciale et celui de la dernière recette d’intéressement exprimée en dollars.
La maîtrise du risque de change est donc essentielle, car au cours d’une telle période l’expérience nous a appris que la valeur du dollar exprimée en francs pouvait varier du simple au double (depuis de nombreuses années, d’ailleurs, le dollar ne fait que baisser). Or, le jour de la proposition commerciale, un prix ferme et définitif exprimé en dollars est indiqué au client et c’est ce jour-là qu’il faut «spéculer» sur la valeur qu’aura le roi dollar cinq, dix, quinze ou vingt ans plus tard. S’il vaut, par exemple, 6,50 F le jour de la proposition et descend à 4,50 F quelques années plus tard, les recettes d’ATES se trouvent alors réduites de près d’un tiers… Les marges étant ce qu’elles sont à l’exportation, il ne reste plus qu’à fermer la société.
C’est la raison pour laquelle ATES acquiert une réelle expertise en matière de couverture de ce type de risque en mettant en place une équipe de spécialistes particulièrement «pointus» utilisant toutes les techniques possibles de couverture (opérations à terme, options, assurances Coface, compensation, etc.). Métier très «stressant» mais indispensable, car la vie de la société est en jeu.
Les risques clients et politiques
On a beaucoup vanté les mérites (réels) de la Coface auprès de laquelle les exportateurs assurent leurs risques clients (défaillance de paiement, interruption de contrat laissant au fournisseur ses travaux «en cours» sur les bras) et leurs risques politiques (conflit armé, décision de non-transfert de paiements).
Dans la pratique des grands contrats, les choses sont beaucoup plus subtiles et les garanties moins certaines. C’est le cas dans certains contrats auxquels ATES doit renoncer. En effet, la Coface, pour indemniser l’assuré, veut s’assurer de l’absence de faute de celui-ci. Si le client ne paye pas par suite d’un défaut des fournitures, le litige est d’ordre commercial et non politique, et dans ce cas la Coface exige du fournisseur qu’il mette de l’ordre dans ses fournitures. Cela semble logique.
Ce qui l’est moins peut provenir du client qui ne veut plus donner suite à un contrat parce que entre-temps il a changé d’idée ou a reçu de meilleures offres. Ainsi va-t-il invoquer toutes sortes d’arguments, tous plus «byzantins» les uns que les autres, pour mettre soi-disant en cause la responsabilité du fournisseur. Il va sans dire que dans un métier comme l’espace, où rien n’est standard, il est toujours possible d’argumenter sur certains choix techniques du fournisseur.
Ce n’est que grâce au métier des experts et des conseillers d’ATES que de tels risques peuvent être déminés au préalable, quitte (et c’est un moindre mal) à renoncer au contrat. Cette maîtrise progressive des risques devient peu à peu l’un des facteurs déterminants de l’amélioration des résultats nets de la société.
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4.2 – La prospective et le plan
Les débuts
Jusqu’en 1970, année à partir de laquelle les activités spatiales seront confiées à un département spécialisé, chacune des unités dont un ou plusieurs services participent à de telles activités intègre la planification correspondante dans sa planification d’ensemble.
Par exemple, chaque division de Thomson établit chaque année un plan à cinq ans baptisé « Plan à Moyen Terme» (PMT), et parfois appelé improprement « plan produits».
À partir des prévisions de prises de commandes établies par le Service Commercial, et compte tenu des affaires déjà en cours, les différents services de la division, chacun dans son domaine de responsabilités, établissent les prévisions concernant :
– les charges industrielles ;
– les effectifs ;
– les chiffres d’affaires annuels ;
– les investissements ;
– les études autofinancées ;
– les résultats.
Une synthèse de ces données est faite au niveau de la Direction de la division et c’est à cette occasion que sont introduites les mises à jour qui peuvent apparaître nécessaires à la politique de produits.
Au cours du dernier trimestre de chaque année, durant une réunion « solennelle» à laquelle assistent les représentants de toutes les directions centrales du siège de la compagnie, le PMT de la division est présenté à la Direction Générale puis abondamment discuté, éventuellement amendé, et finalement approuvé.
Le programme d’études autofinancées n’y est examiné que très superficiellement. Seul son montant global retient l’attention à ce niveau. Ses détails sont discutés lors d’une réunion ultérieure avec la Direction Technique Générale.
À partir de 1968, après que les activités du domaine des satellites ont été confiées à la Division MRA (devenue ensuite MAS), le PMT de cette Division inclut un chapitre « spatial».
Le plan à ESA et DSP
En juillet 1970, la responsabilité de ces activités est confiée à un département spécialisé, le Département Espace-Satellites (ESA, puis DSP à partir de 1975), au sein de la Division AVS.
Ce département est entièrement responsable de l’établissement et de l’exécution de son PMT, qui fait l’objet d’un chapitre distinct dans celui de la Division. Ses modestes moyens ne lui permettent évidemment pas de disposer d’une organisation spécifique pour l’établir et en suivre le déroulement. Les éléments en sont rassemblés par le chef du Service Commercial, Pierre Gautier, et par le chef des Services Techniques et Industriels, Guy Leconte. La synthèse est effectuée par le Directeur du Département lui-même, Jacques Chaumeron.
Comme il a déjà été dit par ailleurs dans cet ouvrage, le premier PMT, présenté à la Direction Générale en novembre 1970, alors que l’organisation du département est encore en cours de mise en place et que certains de ses dirigeants n’ont pas encore rejoint leur poste, prend l’allure d’une petite « épopée», et deux présentations à la Direction Générale, au lieu d’une seule habituellement, sont nécessaires pour obtenir son approbation
À partir de 1975, le Département ESA, devenu alors DSP, quitte la Division AVS pour être rattaché à la Division Faisceaux Hertziens (DFH). Les règles et les méthodes de planification restent à peu près les mêmes et le fonctionnement interne du Département DSP dans ce domaine reste inchangé jusqu’au début de 1978, date à laquelle André Lepeigneux est remplacé à la tête de la Division par Christian Loeffler. Ce dernier crée une Direction des Programmes et Produits Spatiaux (DPPS), qui devient un passage obligé entre DSP et tous les niveaux supérieurs, à la fois de la Direction et de la clientèle. La DPPS est confiée à Michel Lasalle qui est chargé, entre autres, de la présentation à la Direction Générale du PMT de DSP. L’existence d’un tel rouage supplémentaire crée quelques frictions.
Le plan à DES et à Alcatel Espace
Au début de 1982, la Division Espace (DES) est créée autour du Département DSP et de l’équipe chargée du programme SYRACUSE. Les services qui doivent participer à la planification se trouvent peu à peu renforcés au niveau de ce qui est une division et non plus un département. En particulier, l’aspect prévisionnel des travaux est amélioré par la création, au sein de la Direction Commerciale, d’un Service Marketing confié à Claude Roche.
C’est en 1985 qu’est créé un organisme chargé spécialement des tâches liées à la planification : la Direction du Plan, qui évoluera par la suite en Direction du Plan et de la Politique Produit.
Le premier travail de la Direction du Plan
En 1985 le programme Telecom 1, qui a représenté une activité considérable pour Alcatel Espace, se termine ; un programme expérimental de télécommunications, Athos, est annulé par le client, et enfin la décision de lancer le programme Telecom 2, successeur de Telecom 1, n’est pas prise. Après la période de croissance rapide qu’a connue la société, apparaît un risque important de sous-charge pour les années à venir. Afin d’évaluer la durée et l’amplitude probables de cette sous-charge, une planification suffisamment détaillée de l’activité de la société s’avère nécessaire. La Direction du Plan est alors confiée à Claude Michaud.
Son premier travail en 1985 est donc de déterminer, en liaison avec les services concernés, les différents scénarios possibles de prises de commandes, de chiffre d’affaires et d’activité pour les cinq années à venir en tenant compte de :
– la planification des programmes spatiaux envisagée par les donneurs d’ordre ;
– le succès ou l’échec possible rencontré par la société lors des appels d’offres prévus pour la maîtrise d’œuvre ou la fourniture d’équipements de ces programmes ;
– la politique industrielle des administrations et agences nationales ou européennes.
Afin d’obtenir une simulation aussi complète que possible du fonctionnement de la société, on distingue l’activité propre de l’activité totale ; l’activité propre, qui correspond à l’activité totale moins les prestations confiées aux tiers, donne en effet une meilleure idée de la charge réelle et des besoins en personnel. Pour les mêmes raisons on distingue les différents métiers exercés par la société : systèmes, intégration, antennes, hyperfréquences, traitement du signal…
La politique de produits
Durant l’année 1986, les perspectives d’accroissement des prises de commandes se confirment ; en particulier, le lancement dans un délai relativement court du programme Telecom 2 apparaît probable, lequel doit, comme son prédécesseur, entraîner un accroissement très important de l’activité.
Dans ce contexte, la mise en place d’une politique de sous-traitance est décidée afin de lisser les charges et de limiter en particulier l’accroissement excessif de l’activité propre de la société pendant la surcharge attendue. Cette politique de sous-traitance doit être complétée par une politique de produits dont l’objet sera de déterminer les équipements que la société souhaite continuer de réaliser elle-même, et ceux qu’elle souhaite sous-traiter. Cette question est également liée à la politique d’études, l’effort d’études et de développement pouvant être moindre dans les domaines sous-traités que dans les autres.
La Direction du Plan est donc chargée en 1986 d’élaborer une politique produits en liaison avec tous les services concernés. Après une étude menée avec l’aide d’un cabinet de consultants, il est décidé de classer les équipements produits par la société en trois segments :
– les segments stratégiques, comme par exemple les antennes ;
– les segments de base, comme par exemple les récepteurs ;
– les segments de compétence, comme par exemple les filtres.
Les segments stratégiques, généralement de haute technicité, permettent de remporter dans une compétition internationale difficile les appels d’offres relatifs à des maîtrises d’œuvre de satellites ou de systèmes (l’exemple typique est celui des antennes dans les systèmes ou satellites de télécommunications).
Un segment stratégique nécessite un effort d’études particulièrement important qui doit s’apprécier en tenant compte du chiffre d’affaires et des marges correspondant non seulement au segment considéré, mais également aux maîtrises d’œuvre qu’il permet d’obtenir.
Les équipements de base doivent être produits en nombre le plus élevé possible pour les différents programmes spatiaux afin d’aboutir à des performances optimales et à des coûts de production les plus faibles possibles. Le financement des études doit être apprécié en tenant compte du chiffre d’affaires et des marges dégagés par le segment.
Les segments de compétence correspondent aux équipements que la société est prête à sous-traiter. L’effort d’études peut être moindre mais un maintien de compétences reste cependant nécessaire pour pouvoir s’assurer de la qualité du travail effectué par les sous-traitants et redresser la situation le cas échéant. Un maître d’œuvre ne peut pas, en effet, prendre le risque de voir l’ensemble de son contrat menacé par la défaillance d’un sous-traitant.
Cette politique produits est effectivement adoptée, en particulier en 1988 pour l’important programme Telecom 2. Les contrats de sous-traitance établis à cette occasion prévoient en outre par réciprocité qu’Alcatel Espace puisse obtenir des contreparties en cas de sous-charge.
Le plan stratégique et la méthode de travail adoptée pour son établissement
À partir de 1988, et en partant de l’expérience acquise au cours des années précédentes, la Direction du Plan et de la Politique Produit prépare le plan stratégique qui fixe les orientations à moyen et long terme de la société : objectifs déterminés sur une période de cinq ans de prises de commandes, de chiffre d’affaires, d’activité…, en cohérence avec les politiques de produits, de sous-traitance, d’études et de personnel.
Ce plan stratégique est élaboré chaque année à partir de données obtenues pour l’essentiel par discussion interne. Elles sont ensuite confrontées, lorsque cela est possible, avec des données extérieures. L’expérience a montré qu’un nombre considérable d’informations utiles existent à l’intérieur de la société. Pour cette raison, la préparation du plan est organisée chaque année en prévoyant des réunions aux différents niveaux hiérarchiques dans les différents domaines d’activité de la société.
Cette méthodologie de travail permet d’obtenir le maximum d’éléments d’information, de les soumettre à la critique et d’en faire la synthèse. Les données recueillies sont ensuite traitées, consolidées à l’aide de programmes informatiques, puis reprises avec la participation de la Direction Administrative et Financière pour ajouter le volet financier. Les grandes options du plan sont discutées au cours d’une réunion d’une journée avec les principaux responsables de la société, avant d’être soumises finalement pour approbation à la Direction Générale.
Cette méthode de travail a aussi pour but que chacun considère le plan stratégique comme son engagement personnel (revu et corrigé le cas échéant par la hiérarchie pour fixer des objectifs plus ou moins ambitieux) et non comme un document établi dans le secret d’un état-major éloigné des réalités du terrain.
Compte tenu du caractère extrêmement diversifié de l’activité de la société (systèmes de télécommunications, radars, systèmes optiques, équipements de natures très diverses…), le plan est relativement long à préparer, mais il est un outil permettant la mise en cohérence des actions dans les différents domaines. Le plan stratégique est également transmis à Alcatel en tenant compte des demandes qui lui sont spécifiques.
L’équipe
L’équipe de la Direction du Plan et de la Politique Produit est composée à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix d’Alain Bailly, Annie Chauvet, Claude Michaud et Marie-Thérèse Petit. Il n’est pas possible dans une aussi petite équipe d’assurer une répartition stricte du travail, d’autant plus qu’Alain Bailly se trouve à Toulouse et que le reste de l’équipe est à Courbevoie. Cependant, Alain Bailly est chargé plus particulièrement de la politique de produits ainsi que de la politique de brevets qui est aussi de la responsabilité de cette Direction, Annie Chauvet s’occupant plus spécifiquement des aspects de marché. Marie-Thérèse Petit assure le secrétariat, et Claude Michaud la direction.
4.3 – Le commercial
Les premières armes
Avant que le premier Service Commercial affecté à l’espace ne soit constitué à partir de 1970 à Vélizy, un certain nombre de «commerçants», au sein de services à vocation plus large, se sont spécialisés dans les relations avec les clients spatiaux.
À la CSF Corbeville, Guy Muzard et Yves Farbos ont été chargés des relations avec le CNES et l’ESRO. À Thomson Gennevilliers, Pierre Gautier, ancien officier de marine nouvellement embauché, a fait ses premières armes en prenant les premiers contacts de la Division RTT avec le CNES et l’ESRO. À Thomson Bagneux, puis au Plessis-Robinson, Michel Ducros a vendu au CNES les antennes du satellite Asterix mises en orbite par le premier lanceur Diamant.
Lors de la réunion, en 1968, des différentes activités spatiales de Thomson et de CSF au sein de la Division MAS, Guy Muzard et Yves Farbos prennent en charge le domaine spatial au sein de la Direction Commerciale d’Yves Laurens. C’est l’époque de la négociation du contrat Symphonie et du premier contrat d’Intelsat IV dont le travail de proposition a été mené à Gennevilliers par Pierre Gautier.
Le Département Espace-Satellites
En juillet 1970, lorsque les activités de satellites sont confiées à un département spécialisé, le Département ESA, un Service Commercial y est créé. Dans une première phase, il est animé par Guy Muzard et Yves Farbos, placés sous l’autorité directe du Directeur du Département, Jacques Chaumeron. Pierre Gautier, venant de Gennevilliers, rejoint l’équipe en 1971 pour prendre la direction du Service et mettre en place une organisation divisée en deux secteurs de clientèle que se partagent Guy Muzard et Yves Farbos.
Le secteur numéro 1 comprend les affaires CNES, les affaires militaires (DRME, DTE, SCTI, CELAR), les affaires internationales, les affaires ELDO, et la vente des matériels de «catalogue», mot bien ambitieux pour l’époque et qui couvre, en pratique, les matériels de télémesure et de télécommande. Le secteur numéro 2 comprend les affaires ESRO et les affaires COMSAT.
En plus de ces deux secteurs en contact avec les clients, un Bureau de Traitement des Commandes est chargé de la gestion courante des marchés :
– contrôle de l’avancement des marchés dans le cadre contractuel ;
– information des responsables sur les actions à prendre ;
– déclenchement des opérations de facturation en re¬cueillant tous documents probatoires ;
– suivi des paiements et relance des clients en cas de retard ;
– information sur l’avancement financier des contrats et l’évolution du chiffre d’affaires ;
– liaison avec les sous-traitants au sujet de l’avancement financier des sous-contrats ;
– préparation des dossiers de discussion des pénalités.
Un Bureau d’Ordre est, de plus, chargé des missions suivantes :
– établir et suivre le budget du Service Commercial ;
– établir les prévisions commerciales et suivre les notifications ;
– établir les ordres de mission et contrôler les notes de frais ;
– organiser la promotion commerciale :
– accueil des clients,
– établissement des documents publicitaires,
– organisation des démonstrations et propositions ;
– veiller à l’application des règles de sécurité.
Cette organisation subsistera sans modification notable jusqu’à la fin des années soixante-dix.
Après la période d’activité importante due aux affaires Symphonie et Intelsat IV, le Service Commercial doit développer de gros efforts pour assurer au Département ESA, puis DSP, une activité industrielle suffisante malgré la rareté des programmes de satellites. La prospection commerciale, effectuée en grande partie par Pierre Gautier lui-même, ne peut être efficace que grâce à une coopération de tous les instants entre le Service Commercial et les différents services techniques. La plupart des démarches sont menées par des équipes constituées par un représentant du Service Commercial et un représentant du service technique concerné.
C’est ainsi que peuvent être obtenus, auprès de diverses administrations (CNES, ESRO, DRME, DTEN), un certain nombre de marchés d’études de faisabilité qui sont confiés au Service Systèmes. L’établissement de la proposition pour le programme Aerosat occupera le Service Commercial pendant près de cinq ans, de 1971 à 1976, si l’on tient compte de la phase préliminaire où il faudra étudier les chances relatives des associés américains potentiels.
Après la perte du programme Tiros N et le gain du programme Dialogue, interrompu à la fin de 1975 pour des raisons budgétaires, l’activité commerciale en direction du CNES est, par force, réduite, cette administration ayant considérablement diminué ses crédits affectés au domaine des satellites nationaux, afin de pouvoir financer le programme Ariane. Il faudra attendre 1978 et le programme SPOT pour que le CNES redevienne un client intéressant.
Heureusement, l’ESRO, qui devient ESA en 1975, offre des perspectives qui peuvent permettre au Département DSP de survivre en attendant des jours meilleurs.
Si la participation au programme Spacelab est obtenue sans grande difficulté grâce à l’originalité de la proposition technique, sa gestion commerciale s’avère particulièrement compliquée, et la formule contractuelle choisie (prix forfaitaire révisable) ne permet de récupérer qu’une faible proportion des dépenses supplémentaires, provoquées principalement par la lenteur des décisions que doit prendre une organisation cliente tricéphale.
Par contre, les programmes GEOS et ISEE B, gagnés par le consortium STAR après des compétitions où Pierre Gautier prend une part importante, se déroulent sans que le Service Commercial n’ait à effectuer d’intervention inhabituelle.
Le programme OTS (satellite expérimental de télécommunications de l’ESRO) donne lieu, en 1973, à une vive compétition où le Service Commercial ne ménage pas ses efforts. Si le Département ESA est déjà assuré de fournir les récepteurs en bande Ku sous la maîtrise d’œuvre d’AEG-Telefunken pour la charge utile, le gain éventuel de la maîtrise d’œuvre du satellite par British Aerospace et le consortium STAR peut assurer pour ESA la fourniture du sous-système télémesure-télécommande. Jusqu’au jour du choix du maître d’œuvre par le comité administratif et financier de l’ESRO (AFC), l’optimisme règne : le rapport d’évaluation établi par l’ESTEC (établissement technique de l’ESRO), recommande le choix de STAR. Malheu¬reu¬sement, le vote du délégué de la France à l’AFC fait, d’une manière tout à fait imprévue, pencher la balance en faveur du consortium MESH, dont le maître d’œuvre est MATRA. L’indignation exprimée par les auteurs du rapport d’évaluation est sans effet. Dans sa «campagne électorale», le consortium MESH a été plus efficace que le consortium STAR.
«L’épopée» du programme Intelsat V, qui est évoquée dans le chapitre consacré aux programmes d’Intelsat, voit la Direction du Département DSP participer, en 1975, aux efforts du Service Commercial dans la recherche d’une solution «de secours» pour remédier à l’élimination très probable de Lockheed, puis pour participer au soutien de la proposition de Hughes contre celle de Ford Aerospace où DSP n’a pu obtenir de participation.
Les contacts noués alors avec TRW permettent de poursuivre une action commerciale efficace, bien soutenue par Pierre de Bayser, chef du Service Technique, en vue de gagner en 1977 le contrat des soixante récepteurs de TDRSS.
Si l’obtention du contrat ISPM/Ulysses est presque une opération de routine pour le Service Commercial, les «grandes manoeuvres» préliminaires au programme Telecom 1 entreprises vers l’administration des PTT débordent très largement le cadre du Service Commercial de DSP pour être, en fait, prises en charge par la Direction de la Division DFH.
Entre-temps, le Service Commercial de DSP a commencé néanmoins à se renforcer. En septembre 1977, Francis Fraikin, récemment promu ingénieur au Service Technique HY (hyperfréquences) est, sur sa demande, transféré au Service Commercial.
En 1978, Martine Chaine, récemment embauchée, rejoint l’équipe. En 1980, Roger Garnier vient renforcer les compétences du Service Commercial en direction de l’administration des PTT et du programme Telecom 1.
À la fin de 1978, sur l’ordre de la nouvelle Direction de la Division DFH, la responsabilité commerciale des affaires SAMRO (Satellite d’Applications Militaires de la Reconnaissance Optique) et Telecom 1 est retirée au Service Commercial de DSP pour être confiée à celui de DFH. C’est la suite logique de la décision de transfert à DFH de la responsabilité des projets de systèmes spatiaux.
Pour les deux programmes en question, Pierre Gautier, Guy Muzard, Roger Garnier et Yves Farbos doivent se contenter de la gestion au jour le jour de la partie des contrats limitée au segment spatial qui reste attribuée à DSP.
Il n’en est heureusement pas de même en 1980 pour le programme TV-Sat-TDF 1 qui donne l’occasion à Francis Fraikin de faire ses premières armes dans un grand programme de satellites, d’abord dans la préparation de la proposition puis dans la gestion commerciale du contrat.
La rapide expansion du Département rend nécessaire l’embauche de nouveaux «commerçants». C’est ainsi qu’au milieu de 1981 on voit arriver deux jeunes officiers de marine : Jean-Benoît Nocaudie et François Witrand. Ces arrivées précèdent de peu le départ à la retraite de Pierre Gautier et de Guy Muzard à la fin de septembre 1981.
Pierre Gautier est remplacé, après dix ans de service à DSP, par Alain Roger qui est depuis plus d’un an chargé de missions auprès du Directeur adjoint de DFH, Gérard Coffinet, et anime à ce titre les actions internationales systèmes dans le domaine spatial. Alain Roger a auparavant mené une carrière internationale en Iran, puis comme Directeur Général de la filiale de Thomson-CSF en Australie.
Les activités militaires se sont développées avec deux programmes en gestation :
– SYRACUSE 1 pour lequel DFH a revendiqué la maîtrise d’œuvre système (satellite et stations terriennes) ;
– SAMRO, satellite d’observation optique (avec une meilleure précision que SPOT). Là, DFH a souhaité obtenir le sous-système transmission d’images depuis le traitement à bord jusqu’à la station de réception au sol.
Gérard Coffinet avait obtenu que Jean Remondin, ingénieur commercial confirmé de DRS, vienne début 1979 renforcer la Direction Commerciale de DFH en étant chargé de ces activités militaires.
La Division Espace
Lorsque, au 1er janvier 1982, la Division Espace est créée, Gérard Coffinet souhaite dès le départ constituer une seule entité commerciale ; à cet effet, il nomme Michel Lasalle Directeur Chargé de Missions (DCM), lequel est responsable du marketing de l’orientation technique, du plan moyen terme, de la communication, et a autorité sur les Services Commerciaux dirigés par Alain Roger.
Michel Lasalle a plus de dix ans de carrière dans le domaine spatial au sein de MATRA lorsqu’il rejoint début 1975 la Direction Commerciale de DFH que vient de prendre Gérard Coffinet. Il a été nommé sous-Directeur Marketing, poste nouvellement créé par André Lepeigneux, nouveau Directeur de DFH.
Cependant son activité ne concerne que les faisceaux hertziens et les stations terriennes de satellites. Le domaine satellites étant du ressort exclusif de DSP à l’exception de Telecom 1 et de SAMRO. En 1979, il est muté à la Direction des Affaires Militaires dirigée par Raymond Paul pour s’occuper des affaires spatiales qui viennent d’être attribuées à cette Direction. Ce poste sera supprimé début 1982, ses principales attributions étant reprises par la Division Espace.
Michel Lasalle a sous son autorité les services suivants :
– Marketing et Plan : Michel Lasalle assisté de Roger Durand, Daniel Mary et Jérôme Dufour ;
– Communication : René Bedoura (service commun à DFH), qui a délégué Guy Colin et Maryse Bataïni ;
– Gestion commerciale : Yves Louet ;
– Services Commerciaux dirigés par Alain Roger, qui se consacre principalement à l’action internationale avec Francis Fraikin, Martine Chaine, Jean-Benoît Nocaudie et Michel Coustère, ancien de DSP revenu dans la Division après un passage dans une autre société ;
– Militaire France : Jean Remondin ;
– Télécommunications France : Roger Garnier ;
– CNES et ESA : Yves Farbos assisté de François Witrand.
Jean Remondin, principalement chargé de SYRACUSE 1, a la confiance de ses clients de la DGA : ICA Dages, ICA du Chené, Directeur du Programme sous l’autorité de l’ICA Javelot, ainsi que pour la DCAN (Direction des Constructions et Armes Navales) l’ICA Gueldry.
Roger Garnier, outre des négociations ardues avec MATRA et la DAII (Jean Grenier et Pierre Godiniaux) pour la charge utile de Telecom 1, utilise toute son expérience pour obtenir chaque année un volume substantiel d’études de la DAII (Émile Julier) et du CNET (Pierre Ramat).
Roger Garnier et Jean Remondin ont une grande efficacité dans l’obtention en temps voulu (avant le 31 décembre de chaque année) de marchés bien négociés et du paiement des factures par les services concernés de l’Administration.
Pour le CNES qui digère sa croissance (intégration de nombreux sous-traitants après les élections de 1981), il y a surtout le programme SPOT, et pour l’ESA les débuts du satellite radar ERS. Yves Farbos est chargé de ce domaine avant de rejoindre la Division DRS en 1983.
Mais c’est dans les activités internationales que la croissance est la plus rapide. Les satellites de télédiffusion sont en cours de réalisation et Francis Fraikin a beaucoup de travail avec l’Aérospatiale, Eurosatellite et les nombreux représentants des administrations clientes.
Les équipements pour Intelsat VI constituent la commande la plus importante (en part propre) de 1982. La négociation est pilotée par Pierre de Bayser lui-même avec l’appui de Jean-Benoît Nocaudie.
Mais surtout, les appels d’offres de satellites ou de systèmes fleurissent, et la Division, malgré sa surcharge, doit s’y intéresser sous la pression des administrations françaises et des maîtres d’œuvre (Aérospatiale et MATRA), alors que les chances de succès sont faibles face au quasi-monopole de Hughes, et que la réalisation d’un éventuel contrat serait impossible dans les délais très courts demandés.
Il y a l’Australie et un système complet avec un grand nombre de stations terriennes. Alain Roger assisté de Roger Durand y consacre beaucoup d’énergie, mais Hughes l’emporte.
Pour le Brésil (Brazilsat), où les chances paraissent plus élevées avec l’appui des administrations françaises et les positions des industriels français (Aérospatiale et Thomson-CSF), la situation est compliquée par la lutte acharnée entre les deux maîtres d’œuvre français (Aérospatiale et MATRA). En mars 1982, un accord est mis sur pied entre Aérospatiale, Ford Aerospace et Thomson-CSF pour bâtir une proposition intéressante, mais là encore c’est Hughes qui l’emporte.
Alain Roger suit aussi des programmes pour la Colombie, l’Iran et l’Afrique.
Si, heureusement pour l’équilibre de la toute nouvelle Division Espace, aucun contrat n’est obtenu, cette période est extrêmement utile pour apprendre à jouer dans la cour des grands du spatial en obtenant des données essentielles sur les prix (en particulier des équipements de charges utiles) et sur les solutions proposées par les leaders du domaine : Hughes, Ford et RCA.
DES peut aussi s’affirmer vis-à-vis des maîtres d’œuvre français qui évaluent mal les habitudes et les réactions des administrations des télécommunications qui sont pour eux de nouveaux clients, alors que Thomson-CSF, et en particulier DFH, les connaissent de longue date.
En 1982, Claude Roche, ingénieur de l’armement, chargé du programme SAMRO à la DGA, est embauché pour prendre le Service Marketing qui comprend Roger Durand, Daniel Mary et Jérôme Dufour, sous l’autorité de Michel Lasalle. Il est également chargé de préparer la partie commerciale du PMT.
Fin 1982, Patrick Mollat du Jourdin, officier de marine, ancien officier de marque de SYRACUSE à l’État-Major des armées, vient renforcer Jean Remondin pour les affaires militaires.
Michel Lasalle est appelé par Jacques Imbert à la fin de 1983 pour étoffer son état-major ; malheureusement il décède accidentellement en 1984 au retour d’une mission en Grande-Bretagne. Jacques Chaumeron assume alors les fonctions de Directeur Commercial.
L’organisation mise en place début 1982 a l’avantage de rassembler sous une même autorité le marketing, la communication et les ventes, permettant ainsi de bâtir et d’appliquer une stratégie unique. Cependant, elle éloigne les ingénieurs commerciaux des services techniques, ce qui génère des conflits préjudiciables à l’efficacité de l’ensemble.
Dès le début de 1984, afin de renforcer le contrôle financier, Gérard Coffinet a rattaché l’administration des ventes et la gestion commerciale à la Direction Administrative et Financière de Georges Malgoire. Ce dernier, en faisant venir Monique Blanc et Arlette Lefeuvre, a amélioré la capacité de négociation des contrats avec les clients (et aussi avec les fournisseurs).
Au cours de l’année 1984, qui n’apporte pas de nouvelle commande importante, une grande réflexion est menée sur l’organisation de la société qui va, dans le groupe CGE, prendre la suite de la Division Espace. Il faut, alors que la productivité technique et industrielle s’améliore rapidement, développer une capacité technico-commerciale apte à conquérir de nouveaux marchés dans le domaine international qui devient de plus en plus concurrentiel.
En janvier 1985, une nouvelle organisation de la société est mise en place ; elle bouleverse le commercial, puisqu’il n’y a plus de Direction Commerciale, le marketing et les services de vente étant répartis entre deux Divisions Systèmes.
La Division Télécommunications Civiles, dirigée par Alain Roger, dispose de l’essentiel des moyens commerciaux et est entièrement basée à Toulouse.
La Division Militaire et Aérospatiale, dirigée par Jean-Louis de Montlivault, comprend un service commercial militaire mené par Jean Remondin. L’action commerciale vers le CNES et l’ESA est du ressort d’un Département Aérospatial dirigé par Claude Roche.
Une troisième Division, la Division Équipements, qui comprend l’essentiel des moyens techniques et tous les moyens industriels, n’a pas de service commercial et cède ses équipements aux deux autres divisions. C’est excellent pour la vente de charges utiles complètes ou de sous-systèmes, mais cela pose des problèmes pour la vente directe d’équipements, aussi la question de doter cette Division d’un service commercial se pose-t-elle périodiquement.
La Division Télécommunications Civiles consacre l’essentiel de ses efforts au nouveau programme Eutelsat, qu’elle remporte brillamment avec l’Aérospatiale, et dont le contrat est notifié en avril 1986, ainsi qu’à Telecom 2, dont la phase B est commandée en 1987.
La Division Militaire et Aérospatiale oriente son action sur SYRACUSE 2 qui débouche, après des espoirs de satellites purement militaires, lorsque la décision est prise de lancer le programme Telecom 2 avec une charge utile militaire importante qui intègre toutes les études effectuées par Alcatel Espace. Dans le domaine de l’observation de la Terre, la société pousse le développement de SPOT 3. Malheureusement, la grande longévité de SPOT 1 ruine cette espérance au profit d’un modèle récurrent ; elle vise aussi le satellite militaire d’observation Helios (qui a pris, après une période de latence, la suite de SAMRO) en essayant de trouver un positionnement satisfaisant entre l’Aérospatiale, maître d’œuvre du système et réalisateur de l’instrument optique, et MATRA, maître d’œuvre du satellite.
Après la période de rodage nécessaire, l’organisation mise en place montre son efficacité, aussi ne paraît-il pas nécessaire d’isoler la fonction commerciale au niveau de la société à partir de 1988.
En raison de l’imbrication très étroite entre les activités commerciales et celles des systèmes et des projets, et afin de limiter les redites, l’évolution de l’ensemble de ces deux activités au-delà de 1988 est relatée dans le chapitre consacré aux systèmes et aux projets.
4.4 – Les Services Techniques et Industriels
Introduction
Les disciplines mises en œuvre dans l’activité des Services Techniques et Industriels sont les suivantes :
– les Études dont le rôle est de définir et de valider les schémas fonctionnels des équipements, ainsi que les composants et les technologies à mettre en œuvre ;
– le Développement qui consiste à réaliser les dossiers de définition et de fabrication ;
– la Fabrication qui, à partir des dossiers de définition, met au point des «gammes» décrivant dans le détail les opérations à effectuer dans les ateliers, réalise des éléments (circuits et leurs supports, cartes, structures, boîtiers, pièces mécaniques…) et les assemble en sous-ensembles ou équipements complets en satisfaisant aux critères de qualité requis ;
– le Contrôle qui s’assure en permanence du respect des procédures et garantit le niveau de qualité de la production ;
– les Essais pendant lesquels le matériel issu de la Fabrication est réglé et soumis à des épreuves qui permettent de s’assurer de son aptitude à remplir sa mission ;
– la Recette, séquence de tests multiples devant conclure à la conformité du matériel avec ses spécifications.
Dans chacune de ces rubriques sont impliqués des personnels de qualifications variées. Au cours du temps, leurs compétences professionnelles, tout en se resserrant sur des créneaux de plus en plus étroits, se sont approfondies avec l’expérience. Les moyens matériels utilisés, tant au niveau de la conception et du développement qu’à celui de la fabrication ou des tests, sont passés, en s’automatisant, de l’état artisanal des débuts à un stade industriel qui, seul, permet des gains de productivité.
Au-delà de la partie événementielle relatant les programmes et les organisations, l’histoire d’Alcatel Espace fait apparaître cette évolution qui a conditionné les réussites passées et qui garantit les succès à venir.
Les débuts
La naissance des premiers Services Techniques chargés d’étudier des matériels de satellites à Thomson-Houston et à CSF est relatée dans les chapitres consacrés aux débuts des activités spatiales dans chacune de ces deux compagnies.
Dans les deux cas, ce sont les programmes des satellites conçus par le CNES pour être mis en orbite par le lanceur Diamant et les appels d’offres pour la fourniture des matériels électroniques qui leur donnent l’occasion de tenter leurs débuts dans le domaine à partir de 1964.
Aussi bien pour les émetteurs de télémesure à CSF que pour les récepteurs de télécommande à Thomson, il n’est pas nécessaire de faire des études à partir de zéro. Des matériels portables de télécommunications militaires déjà fabriqués en série utilisent des technologies et des circuits voisins de ce qui est nécessaire pour satisfaire aux conditions des cahiers des charges du CNES.
À CSF une petite équipe du Centre de recherches de Corbeville est constituée autour de Willy Martini pour étudier les émetteurs et superviser leur réalisation. À Thomson, c’est au sein du Service chargé des études des émetteurs-récepteurs militaires, dirigé par Pierre Vivet, que Roland Gosmand organise la petite équipe qui étudie les récepteurs et en suit la fabrication.
Le décodeur de télécommande est étudié par Sylvain Fontanes, ingénieur dans un autre Service du centre de Gennevilliers qui s’occupe des problèmes de la spécialité naissante du traitement des données.
Le premier pas ayant été franchi, des études plus originales sont entreprises en vue du programme Eole, puis du programme Symphonie. Dans ce dernier, les premières études faites en vue de la proposition le sont par des équipes ad hoc constituées temporairement selon les compétences requises.
Il en a été de même pour divers travaux de propositions exécutés de 1963 à 1968.
Les premiers satellites scientifiques de l’ESRO donnent lieu à des études de perfectionnement par rapport aux matériels développés pour la série Diamant.
Les Services Techniques à Vélizy et à Meudon
Faisant suite à la fusion de Thomson-Houston et de CSF qui a abouti à la création de Thomson-CSF, le rassemblement des Services Techniques entièrement affectés au domaine des satellites commence en 1969 au sein de la Division MAS (Matériels Aérospatiaux) à Vélizy.
Cette Division possède déjà en propre un Service Technique «Hyperfréquences», dirigé par Marcel Palazo, qui, spécialisé dans l’électronique de missiles et les antennes, se prépare à aborder le domaine des satellites. Le Service de Willy Martini la rejoint en 1969, suivi, au début de 1970, par le Service de Roland Gosmand qui, à Gennevilliers, a succédé à Pierre Vivet.
Durant cette période, les principales activités d’études portent sur Eole et Symphonie. Le programme Intelsat IV, limité à une fabrication sur plans, n’a nécessité l’intervention des Services Techniques que pour les essais finals.
Willy Martini ayant quitté la société au début de 1971, le Département Espace-Satellites (ESA), créé en juillet 1970 à la suite de l’absorption de la Division MAS par la Division AVS, ne possède plus que deux Services Techniques chargés d’études de matériels : le Service «Hyperfréquences» (HY), dirigé par Marcel Palazo, et le Service «Électronique Spatiale» (ES), dirigé par Roland Gosmand.
Un troisième Service (SS) est créé en 1971 et confié à Claude Skenderoff pour effectuer les études de systèmes dont il sera question au chapitre suivant.
Ce dernier Service est placé directement sous l’autorité du Directeur du Département, Jacques Chaumeron, alors que les deux autres Services Techniques, ES et HY, en liaison plus étroite avec les Services de Production, dépendent de Guy Leconte, chef des Services Techniques et Industriels.
Pour chaque étude de matériel ou pour chaque programme de satellite, un chef de projet est désigné. Il assure le suivi de l’ensemble des études, de la fabrication et des essais pour le ou les matériels concernés.
Lorsque le programme en question ne comprend que des matériels étudiés par un seul Service, le chef de projet est choisi parmi les ingénieurs de ce Service. Dans le cas contraire, pour des programmes plus importants, le chef de projet est désigné, d’un commun accord, par le chef des Services Techniques et Industriels et par le Directeur du Département ESA auquel il rend compte.
Outre la supervision de toutes les phases du programme, le chef de projet est le correspondant du Service Commercial, qui peut utiliser son assistance dans des démarches auprès des clients.
Les noms des chefs de projet des programmes les plus importants sont cités dans les chapitres respectifs qui traitent de ces programmes.
Après l’étude des matériels et la transmission au Bureau d’Études des éléments nécessaires à l’établissement des dossiers, les Services Techniques ont la responsabilité des divers essais, y compris la présentation en recette et l’exécution des essais correspondants. Les essais d’environnement sont effectués dans un service spécialisé qui détient les moyens nécessaires, ou à l’extérieur lorsque ces moyens n’existent pas dans le Département.
Ce mode de fonctionnement sera en place de 1970 à 1982, date du transfert à Toulouse et de la création de la Division Espace.
Au cours de cette période, quelques modifications sont apportées à l’organisation pour tenir compte de l’évolution des besoins. En octobre 1979, la section antennes du Service HY, dirigée par Bruno Vidal Saint-André, est promue au rang de Service Technique à part entière.
À la même date, Pierre de Bayser succède à Marcel Palazo à la tête du Service HY avec, en même temps, le titre d’adjoint à Guy Leconte, chef des Services Techniques et Industriels, auquel il succédera en juin 1981. En octobre 1981, il est remplacé à la tête du Service HY par Pierre Fraise.
Peu à peu, la politique technique peut être précisée, compte tenu de l’évolution du marché. Dans l’ordre chronologique, la télémesure-télécommande, les répéteurs et les antennes de télécommunications, puis les radars apparaissent comme les principaux axes des développements futurs. Malgré les moyens financiers réduits dont dispose le Département, un programme d’études autofinancées est mis en œuvre chaque année en vue de compléter les financements apportés par les organismes clients. Parmi ces derniers, le principal soutien durant cette période vient de l’ESRO puis de l’ESA. Bien que leurs marchés d’études soient systématiquement mis en compétition, Thomson-CSF pourra en gagner quelques-uns qui lui permettront de s’assurer une bonne position initiale dans le domaine des matériels de télécommunications en bande Ku. Dans ce domaine, le soutien de l’administration des PTT n’arrive que relativement tard, en 1979, au début du programme Telecom 1.
Dans les autres domaines, le CNES apporte son soutien dans certains moments difficiles, en particulier dans le domaine de l’observation de la Terre.
Pour la télémesure-télécommande, le marché d’étude de l’ESA pour des transpondeurs en bande S ayant été perdu, le développement de la première version de ce matériel est entièrement autofinancé car la Direction de DSP la considère à l’époque comme un axe important de la politique de produits.
Étant donné l’étroitesse du marché avant l’arrivée du programme Telecom 1, il n’est évidemment pas possible au Département DSP d’entretenir en permanence des effectifs compétents dans toutes les disciplines techniques de l’électronique embarquée à bord de satellites. Il faut donc sous-traiter certaines études à d’autres unités de Thomson-CSF. Dès 1969, la Division DFH avait étudié les matériels de répéteurs de télécommunications destinés au satellite Symphonie. Le chapitre consacré au Département Espace-Satellites relate les péripéties des négociations entre ce Département et cette Division en vue de définir leurs prérogatives respectives dans ce domaine particulier des télécommunications. À partir de 1975, date du rattachement du Département DSP à DFH, et jusqu’à la création de la Division Espace, en 1982, les Services Techniques de DFH continuent d’exécuter certaines études dans ce même domaine, ce qui donne lieu parfois à quelques différences d’opinions entre ingénieurs des deux unités sur les solutions techniques à adopter pour résoudre les problèmes.
Les études des équipements de visualisation du Spacelab sont effectuées avec l’assistance technique d’un service spécialisé de la Division AVS.
Dans le domaine des radars, dès les premières études de faisabilité qui aboutiront au programme ERS de l’ESA, le Service Systèmes travaille en liaison étroite avec les services de la Division AVS spécialistes des radars à ouverture synthétique. En 1975, le Département ayant quitté cette Division, un accord est négocié en vue de poursuivre la collaboration.
Enfin, dans le domaine des antennes, un important appui est donné par la Division Radars de Surface (DRS) de Thomson-CSF, en particulier pour les logiciels de calcul.
Les premiers moyens techniques mis en place pendant les douze années d’existence du Département Espace-Satellites visent principalement une activité d’équipementier. Cependant il ne sera jamais perdu de vue que l’expansion future doit évoluer vers les maîtrises d’œuvre de sous-systèmes importants tels que des charges utiles et peut-être, plus tard, des satellites complets. La concurrence étant à l’époque très large et le marché très étroit, la plus grande prudence est de rigueur. C’est à l’occasion des programmes successifs de satellites que la Direction du Département ESA (puis DSP) s’efforce de faire acquérir progressivement aux différentes équipes les compétences qui pourraient leur permettre d’assumer, le moment venu, des responsabilités de maîtrise d’œuvre. L’évolution commence, très modestement, par la maîtrise d’œuvre du sous-système de TM-TC des satellites HEOS A1 et HEOS A2. Les membres du groupe de projet du programme Symphonie ont été, chacun dans sa spécialité, à bonne école pour s’exercer aux tâches de la maîtrise d’œuvre d’un satellite. Plus tard, SPOT 1 a permis à l’équipe de DSP chargée de cette affaire d’avoir la responsabilité complète du sous-système télémesure-charge utile (TMCU), y compris la structure et le contrôle thermique, l’initiant ainsi à des spécialités jusqu’alors, tout au moins en France, réservées aux «avionneurs».
Quand arrivent les affaires Telecom 1 et TDF 1, premières occasions d’exercer des responsabilités de maîtrise d’œuvre d’une charge utile, DSP dispose, grâce à l’expérience passée, d’un noyau minimal de personnel compétent, capable de former les nouveaux embauchés et d’être un interlocuteur valable vis-à-vis du maître d’œuvre du satellite.
La période du déménagement vers Toulouse
Sans affecter, au moins dans une première phase, les bases de l’organisation et du fonctionnement des Services Techniques, la préparation du transfert à Toulouse est à l’origine d’un certain nombre de perturbations.
La partie de l’effectif ayant choisi de rester en région parisienne est reclassée dans d’autres unités de la Compagnie et un gros effort doit être entrepris pour former l’effectif de remplacement aux contraintes particulières à l’activité spatiale. Quelques ingénieurs et techniciens sont affectés au nouveau centre de Courbevoie dans l’équipe de maîtrise d’œuvre du programme SYRACUSE.
Roland Gosmand, chef du Service ES, ayant choisi de rester en région parisienne, doit être remplacé. L’activité est alors en pleine expansion, le Service est divisé en deux et chacune des deux disciplines dont il était responsable est confiée à un nouveau Service.
Michel Hayard prend en charge le Service EN (Électronique Numérique) et Jacques d’Hollander se voit confier le Service TC (Télémesure, Télécommande, Localisation) avec la lourde tâche de mettre au point les transpondeurs en bande S dont l’émetteur connaît quelques difficultés techniques.
L’organisation reste inchangée en ce qui concerne les deux autres Services : Hyperfréquences avec Pierre Fraise et Antennes avec Bruno Vidal Saint-André.
Les Services Industriels à Vélizy et à Meudon
La réalisation des satellites a toujours été une aventure à haut risque à cause de la quasi-impossibilité d’intervention en cas de panne en orbite.
Pour éviter les défaillances et, le cas échéant, être en mesure d’en analyser les causes, il a fallu mettre en place des méthodes de fabrication appropriées, inspirées des principes suivants :
– utiliser des matières et des composants dont l’origine et les caractérisques sont connues et vérifiées ;
– choisir des technologies qui ont déjà fait la preuve de leur fiabilité ou, à défaut, apporter cette preuve par une série de tests de qualification ;
– décrire, dans leurs moindres détails, les procédés de fabrication, de contrôle, de réparation, etc. ;
– intervenir à chaque stade avec des personnes qualifiées et vérifier périodiquement leurs aptitudes ;
– conserver une trace écrite de toutes les interventions effectuées au cours de la réalisation des matériels («traçabilité»).
Tout en respectant l’esprit de ces règles, les premières réalisations d’équipements sont généralement effectuées au laboratoire, par l’équipe technique ayant conçu le matériel, et avec le concours de quelques agents de fabrication sélectionnés sur leurs aptitudes.
Le câblage a toujours fait l’objet d’une attention particulière en raison du risque de fragilisation des composants au cours de leurs manipulations et de mauvaises soudures. Au début, le CNES assure lui-même le contrôle visuel de tous les équipements, selon des critères que peu de câbleurs sont à même de satisfaire.
Le regroupement des activités spatiales à Vélizy en 1968, l’arrivée des grands programmes Symphonie et Intelsat IV et, peu après, la création, en 1970, du Département Espace-Satellites (ESA) conduisent progressivement à la mise en place de moyens de fabrication spécifiques.
Dans un premier temps, la Division MAS construit une salle «blanche», à la demande de Hughes Aircraft, maître d’œuvre d’Intelsat IV. On appelle salle blanche un local dont l’atmosphère est contrôlée en température, humidité et teneur en poussières. Les caractéristiques de la salle blanche de Vélizy sont excellentes et probablement en partie superflues. Elle est notamment équipée de sas individuels de dépoussiérage du personnel qui rendent son accès très lent.
Les technologies utilisées pour les programmes européens sont assez classiques : soudures à l’étain sur picots pour les émetteurs et récepteurs, sur circuits imprimés pour les équipements digitaux. Par contre, Hughes a développé, pour ses équipements digitaux, une technologie originale dans laquelle, jugés peu fiables surtout dans leur version multicouche, les circuits imprimés sont remplacés par des grilles de nickel isolées entre elles, les composants y étant connectés par soudure électrique.
Contrairement à la soudure à l’étain, dont la fiabilité n’est acquise qu’avec des câbleurs particulièrement doués et entraînés, la qualité d’une soudure électrique réside avant tout dans le réglage des machines et dépend peu de l’opérateur.
Après réglages et essais électriques, les équipements sont remplis de mousse de polyuréthane pour améliorer leur résistance aux vibrations.
À la Division MAS, les moyens affectés aux fabrications spatiales sont rattachés au Département Production de la Division qui éprouve quelques difficultés à s’adapter aux contraintes du domaine spatial.
Lors de la création du Département ESA, il est décidé de lui attribuer ses propres moyens d’études, de fabrication et d’essais. Ces moyens restent, dans une première phase, implantés à Vélizy. En février 1974, ils sont transférés dans un bâtiment nouvellement construit dans le centre de Meudon où ils occupent une surface de 8 000 mètres carrés.
Le Service Fabrication du nouveau Département est confié à Francis Violet qui a coordonné les travaux de fabrication des équipements d’Intelsat IV et de Symphonie. Il est assisté de Jean Angot pour la mécanique.
Le Service Fabrication comprend :
– une salle blanche suffisamment vaste pour recevoir la plupart des activités de fabrication que l’on peut considérer comme propres, ainsi que les réglages et essais électriques. Cela est nécessaire pour éviter de sortir et de réintroduire plusieurs fois les équipements en cours de réalisation et de risquer ainsi de les polluer et de contaminer la salle ;
– un atelier d’usinage équipé de machines traditionnelles suffisantes pour réaliser, en petites quantités, de la tôlerie fine, des châssis fraisés, etc., en aluminium, voire en magnésium lorsque le poids est très critique ;
– un atelier de «potting» pour enrober les composants dans les châssis, avant les essais d’environnement ;- un atelier de traitements électrolytiques réalisant surtout la dorure sur alliages légers qui nécessite des méthodes et un soin particuliers pour atteindre la qualité spatiale. L’histoire de cet atelier est traitée plus loin.
En salle blanche se trouve également un atelier de microélectronique hyperfréquence sérigraphiée sur céramique, rattaché au laboratoire hyperfréquences de Marcel Palazo. Cette technologie a été développée à la Division MAS pour des applications militaires et l’on espère bien pouvoir l’utiliser un jour en orbite. Sa qualification spatiale sera acquise plus tard à l’occasion de la réalisation de récepteurs en bande Ku pour la société américaine TRW dans le programme TDRSS.
Le Service Fabrication se consacre uniquement à la réalisation des modèles d’identification, de qualification et de vol fabriqués sur dossiers de plans. Il existe également au Département un Atelier maquettes dont le responsable, Pierre Coureau, est rattaché au Bureau d’Études. Cet Atelier est composé de «super techniciens» d’atelier ayant reçu, de la part de la Division MAS, une formation théorique polyvalente et la qualification professionnelle de «prototypistes».
En fait, l’organisation de la fabrication à ESA et DSP est assez classique, à l’exception des services de contrôle visuel et de contrôle dimensionnel qui sont rattachés au Service Qualité. Cette organisation est normale pour des activités spatiales mais elle engendre des difficultés et parfois de l’incompréhension entre les équipes. C’est pourquoi, lorsque le poste de chef du Service Qualité devient vacant en janvier 1975, il apparaît naturel de le confier à Francis Violet, en espérant que son expérience de la fabrication permettra d’atténuer ces problèmes. Jean Petrotchenko est alors nommé responsable de l’ensemble englobant la Fabrication, le Bureau d’Études et les Études Technologiques qui sont menées par Jacques Urien et Gilbert Hamard. L’Atelier de mécanique et l’Atelier maquettes, que beaucoup de prototypistes ont entre-temps quitté pour d’autres activités, sont rassemblés sous l’autorité de Pierre Coureau.
C’est dans cette nouvelle configuration que le Département DSP développe la technologie des filtres hyperfréquences en fibres de carbone. En bande Ku, à 12 ou 14 GHz, les filtres sont habituellement réalisés en Invar pour assurer leur stabilité dimensionnelle, l’emploi de feuilles minces permettant d’en limiter la masse à des valeurs acceptables. Par contre, en bande C, à 4 ou 6 GHz, les dimensions des filtres triplent et l’utilisation de l’Invar, avec les moyens disponibles à l’époque, conduirait à des masses généralement trop élevées.
La fibre de carbone, associée à une résine appropriée, possède à la fois une bonne stabilité dimensionnelle et une faible densité. Un filtre hyperfréquence étant constitué de cavités, il faut d’abord réaliser des mandrins en aluminium aux dimensions internes des cavités que l’on souhaite réaliser puis les dorer et les recouvrir de fibre de carbone imprégnée de résine. Cette dernière est ensuite polymérisée sous vide et le noyau d’aluminium dissous dans un bain adéquat. On obtient ainsi un filtre léger et stable où la paroi interne des cavités est recouverte de la pellicule d’or qui assure les performances radioélectriques.
Les filtres en bande C des satellites Telecom 1 ont été réalisés selon ce procédé.
Les traitements de surfaces
Le premier atelier de traitement de surfaces utilisé pour des fabrications spatiales est créé en 1969 à Vélizy dans le cadre de la Division MAS.
Les premiers moyens, originaires du centre de Bezons, sont peu adaptés au traitement des matériels spatiaux. En octobre 1969, pour assurer la conformité aux normes édictées par Hughes Aircraft dans le programme Intelsat IV, il est nécessaire d’acquérir des matériels de traitement nouveaux et de modifier ceux qui existent déjà.
Outre les matériels spatiaux, l’atelier exécute des travaux pour d’autres unités de la Compagnie. Après une période de rodage, il obtient la qualification spatiale.
D’une surface d’environ 400 mètres carrés, il possède :
– une chaîne de préparation des surfaces : dégraissage, décapage ;
– une chaîne de cadmiage ;
– une chaîne de nickelage ;
– un stand de nickelage chimique ;
– un stand d’argenture-dorure ;
– un stand d’oxydation anodique.
Une station de traitement permet de traiter les rejets. Un laboratoire d’analyses est utilisé pour la mise au point des divers procédés.
Lorsque le Département ESA déménage vers le centre de Meudon, la question se pose de l’installation d’un atelier de traitement de surfaces dans ce nouveau centre. L’alternative est de procéder uniquement par sous-traitances, mais les contraintes imposées aux matériels spatiaux sont, à l’époque, si différentes de celles prévues pour les autres matériels qu’il apparaît nécessaire de doter le nouveau centre de ses propres moyens.
Des équipements analogues à ceux de Vélizy sont installés dans une surface de 200 mètres carrés au sous-sol du bâtiment occupé par le Département.
L’atelier de Meudon sera opérationnel de 1974 à 1985. Son chef est Bernard Sagot, assisté de trois opérateurs.
Afin de maintenir une charge de travail suffisante, l’atelier continue, comme à Vélizy, d’effectuer des travaux que lui sous-traitent d’autres unités de la Compagnie.
En plus de ses spécialités habituelles, il développe, à partir de 1981, en collaboration avec le Service Technologie dirigé par Jacques Urien, un procédé de dépôts métalliques sur fibres de carbone destiné aux filtres hyperfréquences et aux sources d’alimentation d’antennes qui sont mis en orbite sur les satellites Telecom 1.
Entre 1981 et 1985, il met au point un procédé d’argenture des filtres hyperfréquences en Invar permettant l’utilisation du dépôt d’argent et de cuivre pour souder les pièces entre elles.
À partir de 1981, l’équipe de Meudon commence à préparer la future implantation à Toulouse en formant le personnel qui doit y être affecté et en mettant au point les cahiers des charges définissant les équipements à installer dans le nouvel atelier.
Après l’installation de ce dernier, et avant qu’il n’obtienne la qualification spatiale, l’atelier de Meudon continue d’exécuter les traitements de surfaces pour la Division Espace puis pour Alcatel Espace jusqu’en juin 1985, date à laquelle il cesse d’appartenir à la société.
Le nouvel atelier de Toulouse occupe une surface de 600 mètres carrés. Il est également de type modulaire et suivi d’une station de traitement des rejets de 400 mètres carrés ainsi que d’une tour de lavage des vapeurs avant rejet vers l’extérieur. La station de traitement est, au moment de sa création, l’une des plus modernes de la région Midi-Pyrénées. Elle est conforme à la norme ISO en vigueur. Le recyclage des eaux et la récupération des métaux lourds font largement appel à l’informatique pour mettre en œuvre l’automatisme de fonctionnement, la gestion (disquette au lieu de papier) et un accroissement de la sécurité par élimination de l’erreur humaine dans la manipulation des vannes et des pompes.
Quelques procédés nouveaux sont mis au point, tels que le nickel chimique à haute teneur en phosphore pour améliorer l’isolement électromagnétique des équipements destinés au satellite Giotto (1985), la métallisation du titane T 40 qui donne lieu au dépôt d’un brevet (1986) et la dorure chimique autocatalytique qui permet de réaliser de fortes épaisseurs jusqu’à 5 µ (1996).
Des moyens de dépôts électrolytiques sur alliages de magnésium seront ajoutés aux installations à partir de 1996.
Au moment du plan social de 1985, le plan de charge de l’atelier de traitements a diminué d’une manière importante au point que ce dernier n’est plus rentable. Pour les mêmes raisons que celui de Meudon dix ans plus tôt, il est décidé de le conserver avec un effectif minimal et de rechercher des sous-traitances pour maintenir une charge suffisante. Dans l’environnement toulousain, ces sous-traitances ne peuvent venir que de sociétés extérieures et non pas d’unités du groupe comme à Meudon. Le chef de l’atelier, Serge Temprano, prend son bâton de pèlerin et finit par trouver suffisamment de clients parmi les entreprises de la région. Ces dernières seront très satisfaites de la qualité du travail effectué pour elles au point que, lorsque la charge de travail originaire d’ATES redeviendra normale, il s’avérera nécessaire de freiner l’activité de sous-traitance malgré la demande des clients.
L’arrivée à Toulouse
Le transfert à Toulouse du Département DSP, qui fait dès lors partie de la Division Espace (DES), coïncide avec une période de forte expansion qui, à l’exception de l’année 1985, ne cessera de se poursuivre d’année en année.
Les pages qui suivent vont refléter l’évolution rendue nécessaire par le passage d’une activité de production de matériels à l’unité ou en faibles quantités, que l’on qualifie à l’époque d’»artisanat de luxe», à une activité de plus en plus industrielle, avec des séries de plus en plus importantes et des efforts constants de standardisation.
Au début de 1982, la sous-Direction «Équipements», confiée à Pierre de Bayser, assure l’ensemble de la production des équipements avec les moyens suivants :
– les Laboratoires d’Études :
– Électronique numérique : Michel Hayard,
– Hyperfréquences : Pierre Fraise,
– Transpondeurs : Jacques d´Hollander,
– Technologie : Jacques Urien,
– Antennes : Bruno Vidal Saint-André ;
– le Bureau d’Études (BE) : Raymond Pache ;
– la Fabrication : Jean Petrotchenko ;
– les Moyens d’essais et Appareils de mesure : Jean-Pierre Machu.
Dans ce schéma, les «labos» font les études, conduisent le développement, assurent les réglages, les essais et la recette des équipements.
Le transfert de ces moyens vers Toulouse commence au milieu de 1982 et s’étend sur un an environ. Les affaires qui ont démarré à Meudon doivent s’y terminer (tel sera le cas de Telecom 1). On démarre à Toulouse la production d’équipements destinés à de nouvelles affaires : il en est ainsi pour Intelsat VI et Giotto, pris en charge dès leur début sur le nouveau site. Intelsat VI appelle une organisation plus industrielle que jusqu’alors car ce programme comporte un volume d’équipements assez important : une quarantaine de récepteurs de télécommunications en bande C et en bande Ku et des OMUX en bande C.
De 1982 à 1984, la production se répartit entre Toulouse et Meudon. L’équipe de fabrication vient essentiellement de CITEC, filiale de Thomson-CSF qui a dû procéder à d’importantes compressions de personnel. Le responsable en est Roland Borchi, assisté de Jean-Claude Choury et de Michel Willson.
La Direction des Études Nouvelles
Dans les années 1984-86, il apparaît essentiel d’aller au-delà de la structuration technique des laboratoires d’études existants, répondant mal à la fois aux impératifs d’innovation et aux aspects opérationnels des affaires.
En mai 1984, la Division Espace fait place à la nouvelle société Alcatel Thomson Espace. Michel Chaussedoux se voit confier la direction de la Division Équipements, nouvellement créée. Une de ses premières décisions est de mettre en place une Direction des Études Nouvelles (DEN) qui est confiée à Jacques Joseph, assisté de :
– Bruno Vidal Saint-André pour les antennes ;
– Daniel Parise pour les hyperfréquences ;
– Michel Hayard pour le domaine numérique.
La DEN est chargée dans un premier temps :
– de définir les sujets d’études les plus importants pour satisfaire les objectifs de la société ;
– d’essayer de convaincre les organismes d’État (CNET, CNES et autres) de la pertinence de ces études et donc de les financer en conséquence ;
– de prévoir l’autofinancement des sujets pour lesquels il n’a pas été possible d’obtenir de financement extérieur, mais néanmoins jugés fondamentaux pour l’avenir ;
– de la même manière, d’assurer le complément de financement sur les sujets insuffisamment pris en charge par les organismes extérieurs en raison des aléas et risques liés à toute étude tant soit peu innovante.
Cela revient en fait à couvrir par autofinancement les dépassements inévitables sur certains marchés d’études, sans créer de conflits avec le client et en lui donnant entière satisfaction, dans l’intérêt bien compris de la société.
On peut considérer qu’au fil des années 1986 à 1992 cette politique sera payante en ce qui concerne l’amélioration de la confiance de France Télécom et du CNES vis-à-vis d’Alcatel Espace.
La création de la DEN, dotée au départ de quelques moyens propres de réalisation, permettra de transformer ensuite les laboratoires en «lignes de produits» (LDP), responsables des études et du développement, dotés de bureaux d’études spécifiques, de moyens conséquents de fabrication des maquettes, de moyens d’essais, la fabrication restant seule sous-traitée à un organisme commun.
Les lignes de produits
En 1984, les Services Techniques, communément appelés «Labos», sont les suivants :
– Télémesure-Télécommande : Henri-Paul Brochet ;
– Hyperfréquences : Pierre Fraise ;
– Alimentations : Jean-Pierre Desné ;
– Antennes : Jean-Noël Giraudbit.
Le nouveau Service Alimentations est plus particulièrement spécialisé dans les alimentations de tubes à ondes progressives (TOP). Il a été créé afin d’acquérir une certaine indépendance vis-à-vis des deux fournisseurs habituels de ce type de matériel : la Division Tubes Électroniques de Thomson-CSF et AEG-Telefunken.
Jean-Louis Maury est chargé de la coordination de l’ensemble formé par :
– les Services Techniques ;
– le Bureau d’Études ;
– la Fabrication ;
– les Approvisionnements de composants.
Les chefs de projet d’équipements de l’époque de DSP sont devenus en 1982-83 des «Ingénieurs Responsables d’Équipements» (IREQ) qui font l’étude, supervisent l’établissement du dossier, assurent, le cas échéant, l’interface avec le groupe de projet, déclenchent le lancement en fabrication et effectuent les réglages et essais ou les font exécuter.
En 1985 sont créées les «Lignes de Produits» (LDP) et nommés des «Ingénieurs Responsables de Produits» (IRP). Un IRP a pratiquement les mêmes fonctions qu’un IREQ mais, dans sa ligne de produit, il dispose fonctionnellement, en plus des moyens de sa ligne, de personnel détaché physiquement du Bureau d’Études (dessinateurs) et de la Fabrication (agents de lancement-ordonnancement, opérateurs, agents de méthodes) pour étudier, développer, lancer en fabrication, régler et faire recetter les équipements dont il est responsable.
On attend de cette façon d’améliorer les délais de production. Cet objectif sera atteint d’abord partiellement. L’organisation n’atteint sa pleine efficacité que lorsque, le volume d’affaires ayant augmenté, chaque LDP dépasse un seuil de charge critique et évite le sous-emploi intermittent des moyens qui lui sont détachés ou affectés.
En 1989, les opérations d’essais-recette effectuées jusqu’alors dans les LDP sont confiées à un Département créé dans ce but.
L’objectif recherché est l’uniformisation des méthodes, la polyvalence des bancs de tests et leur automatisation pour les essais des équipements de toutes les LDP. C’est aussi l’optimisation des charges des techniciens d’essais. On veut enfin créer un centre de compétences en matière de réglages.
Les IRP se trouvent de ce fait déchargés de la réalisation directe des essais-recette. Comme, par ailleurs, le volume des études et l’emploi, qui se généralise, de moyens automatiques éloignent les IRP des tâches quotidiennes d’études, on officialise cet état de fait en décidant que les IRP ne feront que du «management», sur plusieurs équipements si nécessaire. Les IRP ne sont plus rattachés à une LDP, mais réunis en un groupe, le GIRP, placé sous la responsabilité d’un Directeur.
Il s’avère enfin utile de rationaliser les liens entre les IRP et les centres de travail qui participent à la réalisation des équipements, c’est-à-dire de créer des «portes d’entrée» compétentes empruntées par les IRP vers les Services.
C’est ainsi que, dans l’organisation matricielle résultant de l’expérience de plusieurs années, un IRP a comme interlocuteurs pour un équipement donné :
– un Ingénieur d’Étude Produit (IEP) ;
– un Ingénieur de Développement (IDEV) ;
– un Ingénieur de Fabrication (IRF) ;
– un Ingénieur d’Essais (IES) ;
– un Ingénieur Technologue (ITEL).
L’évolution de l’organisation et des moyens
Les années 1985 et 1986 représentent une phase importante du développement d’Alcatel Espace. Outre les nouvelles fonctions décrites ci-dessus, on continue de rechercher l’efficacité des méthodes de travail ainsi que l’adéquation des hommes à leurs postes.
C’est de cette époque que date l’introduction dans la production de méthodes de gestion industrielle s’appuyant sur des progiciels spécialisés qui, entraînant un bouleversement des habitudes, nécessiteront une longue adaption des esprits.
Ainsi, sous la supervision de Jean-Louis Maury, on implante Artemis ; outil de planification et de gestion prévisionnelle des affaires (charges, délais, chiffres d’affaires, etc.) et MIMS, progiciel de gestion de production (approvisionnements, lancement, ordonnancement).
En 1985 également, après une mûre réflexion coordonnée par Raymond Pache, le choix d’un système de conception assistée par ordinateur (CAO) mécanique se fixe sur CADAM/CATIA. C’est à la fin de cette même année que sortiront les premiers avant-projets réalisés avec CATIA.
Les activités de télémesure-télécommande et d’hyperfréquences sont rassemblées dans une seule ligne de produits baptisée Radiofréquences et placée sous la direction d’Henri-Paul Brochet.
Simultanément, un «Service Propositions et Devis» (SPP) est créé et placé sous la responsabilité de Pierre Fraise à qui l’on confie la mission de mettre en forme les devis résultant des estimations faites par la Production et les propositions commerciales.
C’est encore en 1985 que Guy Bertaud est appelé à la tête de la Fabrication.
Paradoxalement, c’est durant cette année 1985, qui voit se mettre en place les premiers éléments de l’ossature vraiment industrielle de la Production, que la Direction Générale est amenée à lancer un plan social dont la cause première se trouve dans une baisse alarmante des charges de travail. On connaît par ailleurs les remous provoqués par le plan social qui arrive à son terme vers le milieu de 1986.
En mai 1986, sous l’autorité de Michel Chaussedoux, promu Directeur Général Adjoint (DGA), est créée la Direction Industrielle (DI) qui couvre :
– la Fabrication : Guy Bertaud ;
– le Bureau d’Études : Raymond Pache ;
– la Technologie : Francis Maynadier ;
– les Moyens d’essais : Patrick Zemlianoy ;
– les Achats généraux : Nicolas Camerani.
En raison de l’importance des composants dans l’activité équipements, un service d’achats spécialisé dans ce domaine est mis sur pied au début de 1987. C’est le CAC, confié à Jean Sogliuzzo.
En octobre 1986, la Direction Industrielle est confiée à Paul Fournier et Jean-Louis Maury prend la direction du Département Équipements (DEQ), grand département technique, dont dépendent dorénavant les Lignes de Produits et le Service SPP.
Jacques Joseph est nommé Directeur Technique (DT), avec un rôle d’animation et de coordination fonctionnelle des études, celles-ci revenant opérationnellement à DEQ.
DEQ (Jean-Louis Maury), DT (Jacques Joseph) et DI (Paul Fournier) dépendent du DGA (Michel Chaussedoux).
Au milieu de 1988, Henri-Paul Brochet devient Directeur de DEQ en remplacement de Jean-Louis Maury qui part à Madrid avec le titre de Directeur Général Adjoint d’Alcatel Espacio, filiale d’Alcatel Standard Electrica. Claude Argagnon devient l’adjoint d’Henri-Paul Brochet, chargé notamment de superviser les IRP. Pierre Fraise est remplacé par Gérard Floury à la tête de SPP.
En 1989, dans le but de mieux maîtriser les interfaces entre plates-formes, charges utiles et équipements, on crée, au sein de la Direction Industrielle, un Service Architecture Mécanique et Thermique (AMT), doté d’importants moyens de simulation et confié à Jean-Noël Giraudbit.
Depuis 1985, les moyens de CAO se sont largement développés. En simulation mécanique et thermique, plusieurs logiciels ont été adjoints autour de CATIA. On a acquis MENTOR pour réaliser les schémas et l’implantation des circuits électroniques et l’on met en route des outils de simulation en hyperfréquences.
Ainsi, en 1989, à la suite de l’introduction de NASTRAN en informatique interne, le Service AMT est en mesure de modéliser des charges utiles complètes de satellites.
Depuis lors le progrès n’a pas cessé dans le domaine de la CAO. Des moyens de plus en plus performants se sont ajoutés, rendant possibles des simulations de tous ordres (rayonnements, compatibilité électromagnétique, conception des puces de MMIC ou microélectronique hyperfréquences intégrée monolithique…) et automatisant des travaux naguère manuels (routage de cartes, dossiers de définition, passage direct de la CAO au CFAO, y compris pour le contrôle des pièces…).
Les modifications d’organisation de 1988 et de 1989 conduisent à une nouvelle répartition des postes de responsables des Lignes de Produits dans le Département DEQ :
– Antennes : Serge Bertrand ;
– Radiofréquences : Gérard Floury ;
– Télécommande-télémesure-alimentations : Philippe Cabanne.
Le Service SPP est placé sous la responsabilité de Patrick Oudart.
Mis à part les changements de titulaires à divers postes, cette organisation de DI et de DEQ est conservée jusqu’en février 1991. À cette date, on fusionne ces deux Directions en une Direction Technique et de Production (DTP) qu’Henri-Paul Brochet est appelé à diriger. Simultanément est créée une Direction Centrale des Achats, confiée à Paul Fournier pour réunir les différentes cellules qui pratiquent les achats dans la société.
Depuis février 1991, DTP est le seul pôle industriel d’Alcatel Espace. Rebaptisée DI depuis 1994, elle fonctionne de la façon suivante : Henri-Paul Brochet est assisté de deux adjoints :
– Jean-Marc Pratx supervise la Fabrication (Michel Willson) avec notamment le Service Hybrides/MMIC (Pierre-Georges Maréchal), la Technologie (Augustin Coello Vera), le Service Configuration et Approvision¬nements (Jean Sogliuzzo), le Groupe des IRP (environ douze) ;
– Claude Argagnon est Directeur de l’Ingénierie et assure la coordination fonctionnelle des études de la Direction Industrielle.
Le Directeur Industriel s’est rattaché :
– les Lignes de Produits dirigées respectivement par Gilles Duret, Gérard Floury et Patrick Oudart ;
– le Département Développement Industriel dirigé par Jean-Noël Giraudbit avec :
– les Bureaux de Développement,
– l’Architecture mécanique et thermique,
– le Bureau de Calcul ;
– le Département Intégration (DIN) de Philippe Cabanne ;
– le Département Essais, également de Philippe Cabanne.
Le rapprochement des moyens humains de ces deux derniers Départements a entraîné, par effet de synergie, une remarquable amélioration de leurs performances industrielles.
À la fin de 1993, à la suite du départ en retraite de Paul Fournier, la Direction des Achats a été confiée à Jean-Louis Maury.
Les investissements de production
L’évolution des techniques et des technologies mises en œuvre durant près de trente ans est relatée plus loin dans deux chapitres qui leur sont spécialement consacrés. La mise en œuvre de technologies de plus en plus performantes nécessite des moyens matériels de complexité croissante, notamment dans le domaine des précisions d’usinage, de revêtement, de positionnement qui, souvent, sont obtenues grâce à l’automatisation au moins partielle des machines.
Les principaux investissements de production réalisés dans ce but à Toulouse sont énumérés ci-dessous :
• 1983
– création des salles blanches de classe 100 000 pour le câblage et 10 000 pour la gravure ;
– mise en service de l’atelier de galvanoplastie, l’un des plus modernes de Midi-Pyrénées en matière de traitement des effluents ;
– machines d’électroérosion (fil et enfonçage) ;
– machine de découpe des substrats d’alumine (scie diamantée).
• 1986
– brasure en phase vapeur des composants passifs CMS.
• 1987
– usinage à grande vitesse (fraiseuse) employé initialement pour la réalisation de certains guides d’ondes des sources d’alimentation des antennes d’Eutelsat II ;
– tour de précision pour l’usinage des filtres ;
– machine de contrôle mécanique tridimensionnel IOTA (précision de 5 à 10 µ) ;
– laser d’ajustage de résistances ;
– création de l’atelier des hybrides.
En deux ans, ont été mis en place :
– des machines ultrasoniques de connexion des fils d’aluminium de 25 µ et 125 µ,
– des machines de «parallel gap» pour la connexion des rubans d’or,
– des machines de thermocompression pour les fils d’or de 17 µ et de 38 µ,
– des machines thermosoniques pour la connexion des rubans d’or 50 µ x 20 µ.
• 1988
– Centre d’Usinage Flexible (CUF) multipalette avec un magasin automatique qui améliore notamment la flexibilité de la fabrication des structures. Ce centre tourne en moyenne 21 heures par jour avec la présence d’un opérateur pendant 16 heures environ ;
– placement automatique des CMS ;
– STRIM 100 : progiciel d’optimisation des trajectoires des outils d’usinage ;
– acquisition d’une deuxième machine de découpe des substrats.
• 1989
– laser utilisé surtout pour la découpe des alumines et des métaux en réduisant de moitié le temps passé. Ce laser pourra servir dans l’avenir à souder l’aluminium, en particulier pour la fermeture d’hybrides multicavités ;
– bâti de pulvérisation sous vide permettant des dépôts de métallisation de 4 µ dans des trous d’un diamètre de 300 µ sur des substrats hyperfréquences. C’est maintenant la source unique de substrats métallisés vierges, après la défaillance du seul fournisseur qualifié ;
– microradioscopie télévisée, employée dans le contrôle des soudures et des brasures, ainsi que dans l’analyse de défaillances de certains types de composants (relais, fusibles, etc.) ;
– construction d’un second radôme sur la base d’essais d’antennes afin d’en augmenter la capacité.
• 1990
– machine autoprogrammable en mécanique par enregistrement des trajets d’outils sur un premier modèle ;
– machine de tribofinition (ébavurage).
• 1991
– deuxième machine autoprogrammable ;
– baie de mesures en champ proche pour les antennes ;
– dans le cadre de la technologie des MMIC :
– four de brasage des MMIC, sous atmosphère contrôlée, pour le report des puces,
– laboratoire de métrologie et de déverminage des puces (tests sous pointes, caractérisation dynamique des paramètres et «burn-in») ;
– remise à niveau de la commande numérique de la machine de contrôle IOTA pour permettre sa liaison directe avec la CAO.
• 1993
– opération de suppression des CFC (chlorofluorocarbones) : remplacement des machines de nettoyage en phase vapeur ;
– technologie «fine pitch» sur circuits imprimés : on adopte le pas de 0,3 mm.
• 1994
– investissements pour la production de série du programme Globalstar ;
– machine automatique thermosonique à reconnaissance de formes pour les soudages de rubans d’or sur les hybrides (temps divisé par deux) ;
– machine automatique de placement des CMS (environ 3 000 composants par heure).
4.5 – Les systèmes et les projets
Définitions
Avant d’aborder l’histoire des études et réalisations de «systèmes» et de leur mise en œuvre sous la forme de «projets», il semble important d’en donner les définitions.
On entend par «système» un ensemble d’équipements ou de matériels, ces deux termes étant pratiquement synonymes, destinés à remplir une mission.
Un système utilisant des satellites est généralement décomposé en deux segments : un segment spatial et un segment terrien. Par exemple, dans un système de télécommunications par satellites, le segment spatial comprend un ou plusieurs satellites utilisés comme relais, et une ou plusieurs stations terrestres chargées du contrôle de ce satellite. Le segment terrien est formé d’un nombre plus ou moins grand de stations terriennes assurant le trafic et l’interconnexion avec un réseau de télécommunications terrestre public ou privé, et également, dans certains cas, de matériels mobiles d’une complexité très variable selon les besoins de leurs utilisateurs.
Comme autre exemple, un système d’observation par satellites comprend également un segment spatial, constitué d’un ou plusieurs satellites équipés de capteurs appropriés à leur mission et d’une ou plusieurs stations de contrôle, et un segment terrien formé des stations destinées à collecter les informations fournies par les capteurs.
Chacun des «segments» décrits ci-dessus est fréquemment considéré comme un «système» à lui seul.
On entend par «projet» tout ou partie des opérations destinées à définir et étudier un système et ses différents constituants, réaliser ces derniers, les tester, les assembler, puis tester et mettre l’ensemble en service. Dans sa partie industrielle, un projet peut ne comprendre qu’un sous-système, c’est-à-dire une partie du système : par exemple une charge utile de télécommunications (répéteurs et antennes). Certaines agences, en particulier le CNES, l’ESRO puis l’ESA, ont codifié les différentes phases d’un projet.
Avant même de décider de l’existence du projet, on effectue une étude de «faisabilité», souvent désignée comme phase zéro, qui consiste à vérifier que la mission assignée pourra bien être remplie en utilisant les moyens techniques et technologiques disponibles et à en définir les limites, quitte à lancer quelques actions de recherche et développement pour lever d’éventuelles incertitudes. Le plus fréquemment, l’ESRO et l’ESA, ainsi que les divers services d’études français du domaine militaire, ont passé et continuent de passer des marchés à l’industrie pour effectuer ce genre d’études. Par contre, le CNES, à quelques exceptions près, les confie plus fréquemment à ses propres services.
Quand la faisabilité a été démontrée et sous réserve de l’approbation du projet par les autorités compétentes, et plus particulièrement de celles chargées des budgets, il est possible de lancer la «phase A». Cette phase consiste à définir les spécifications générales du système et de ses différents sous-systèmes, par exemple, pour un satellite de télécommunications, sa masse, sa consommation électrique et les performances exigées de chacun des sous-systèmes qui le composent. Plusieurs marchés de phase A peuvent être passés en parallèle à deux ou trois industriels concurrents. Au titre de la phase A, il arrive que le client demande aux industriels titulaires des marchés de fournir des évaluations budgétaires de la suite du programme, jusqu’à la livraison des satellites.
Après la phase A, et toujours sous réserve des disponibilités budgétaires, on passe à la «phase B», dans laquelle, sur la base des spécifications des sous-systèmes établies durant la phase précédente, on établit les spécifications détaillées de tous les équipements. Ces spécifications doivent pouvoir être introduites dans les cahiers des charges d’éventuelles consultations pour l’achat de ces équipements. Comme pour les phases A, il arrive que deux marchés de phase B soient passés en parallèle à deux industriels concurrents.
Sur la base des spécifications établies au titre de la phase B et éventuellement remaniées par le client, un appel d’offres est alors émis en vue de désigner un maître d’œuvre pour l’exécution des phases finales du programme habituellement réunies sous la dénomination de «phase C/D». Après avoir été choisi, ce dernier finalise la conception du système, réalise ou fait réaliser par des sous-traitants les divers sous-systèmes ou les divers matériels, procède à leur intégration puis aux essais d’ensemble du système. Depuis le milieu des années quatre-vingt, une nouvelle catégorie de clientèle désire qu’un maître d’œuvre unique lui livre son système «clés en main» avec les satellites en orbite. Enfin, après la conclusion des essais d’ensemble, la phase E consacrée à l’exploitation opérationnelle du système peut commencer.
Pour gérer chaque projet, l’unité concernée constitue un groupe de projet dirigé par un chef de projet. Les tâches de ces groupes multidisciplinaires, plus ou moins nombreux selon l’importance du projet, et celles de leurs chefs ont très peu varié au cours des temps. En commençant par la définition précise des éléments du système et l’établissement de leurs spécifications, ainsi que celui des plannings prévisionnels et des objectifs de prix, elles se poursuivent par la consultation des fournisseurs potentiels des équipements, à l’intérieur ou à l’extérieur de la société, leur sélection, la négociation des marchés correspondants, le suivi technique des travaux, le suivi des plannings, celui des dépenses et des facturations aux clients, les recettes des équipements, leur intégration dans le système ou le sous-système, les essais et la recette d’ensemble, suivie, dans certains cas, d’une assistance au client durant la campagne de lancement du satellite. Elles se poursuivent même par la supervision du fournisseur du lanceur et du lancement en cas de fourniture d’un système clés en main.
Certains programmes tels que Symphonie et TV Sat-TDF 1 ont donné lieu à la constitution d’un groupe de projet interentreprises dans lequel DSP ou DES ont détaché des personnels pour y assurer diverses fonctions.
L’histoire de chacun des projets auxquels les unités successives ont participé est relatée dans des chapitres particuliers où sont rappelés, entre autres, les noms des principaux participants. On se bornera dans ce qui suit à décrire l’évolution de l’organisation.
Les premières études de systèmes
Durant les années soixante, divers services de Thomson et de CSF effectuent, soit pour leur propre compte, soit pour le compte d’administrations nationales, quelques études de faisabilité de systèmes utilisant des satellites. Par exemple, l’étude du satellite SARAH, destiné à l’écoute des émissions radioélectriques, a été mentionnée dans un chapitre précédent.
Au début des années soixante-dix, la tendance se précise et certains organismes clients commencent à émettre assez régulièrement des appels d’offres pour des études de faisabilité de satellites et même de systèmes utilisant des satellites. C’est en particulier le cas de l’ESRO, de certains organismes militaires et, à un degré moindre, du CNES, qui confie le plus souvent ce genre d’études à ses propres services. Dès la mise en place du Département ESA, son Directeur Jacques Chaumeron décide, pour répondre à cette demande, de créer un service spécialement chargé de ces études. C’est le Service «Systèmes» (SS), confié à Claude Skenderoff. À la différence des deux autres services techniques, il est placé directement sous l’autorité du Directeur du Département.
Durant plusieurs années le Service Systèmes est convenablement alimenté en marchés d’études par diverses administrations civiles ou militaires. Quelques exemples en sont donnés au chapitre consacré au Département Espace-Satellites. L’effectif du Service atteint une dizaine d’ingénieurs.
Dans la seconde moitié des années soixante-dix, les spécialités se précisent. En plus des télécommunications, l’observation de la Terre à partir de satellites, aussi bien civile que militaire, semble devoir se développer. En juin 1977, dans le but d’obtenir une meilleure spécialisation, le Service SS est divisé en deux nouveaux Services : SS1 et SS2. Claude Skenderoff ayant été affecté dans une autre Division, le Service SS1, qui doit traiter du domaine des télécommunications, est confié à Maurice Dumas, et le Service SS2, chargé de celui de l’observation de la Terre, à Jean-Claude Héraud.
Outre les tâches d’études, les services «systèmes» sont supposés constituer une «pépinière» de chefs de projet. C’est ainsi que Maurice Dumas est le premier chef de projet de la charge utile de Telecom 1 et que Jean-Claude Anne est le premier chef de projet de SPOT.
En décembre 1978, par ordre de la nouvelle Direction de la Division Faisceaux Hertziens (DFH), le champ d’action des deux Services Systèmes du Département DSP est limité aux seuls satellites. C’est la Direction de l’Exploitation des Projets et des Affaires (DEPA), spécialisée dans l’installation des faisceaux hertziens, qui, au sein de DFH, se voit attribuer la responsabilité des études d’ensemble des systèmes utilisant des satellites. Cette division des tâches et l’insuffisante prise en compte des contraintes particulières au segment spatial qui en résulte sont à l’origine d’un certain nombre de difficultés.
Ces difficultés ne cesseront qu’en 1982 lorsque la création de la Division Espace (DES) permettra de rassembler à nouveau et progressivement les études de systèmes spatiaux vers des services spécialisés dans ce domaine.
Les systèmes et les projets à la Division Espace
Au moment de la création de la Division Espace, les programmes Telecom 1 et SYRACUSE et la rapide expansion qui en résulte rendent nécessaire une nouvelle organisation dans le domaine des systèmes.
Déjà en juin 1981, les deux Services Systèmes de DSP, qui dépendaient jusqu’alors directement du Directeur du Département, ont été placés sous la responsabilité de son adjoint Philippe Blanchet.
Dans la Division DES, en 1982, le pilotage des projets de systèmes spatiaux est confié à Jean Lailheugue, chargé également de la coordination avec le Département Stations Terriennes qu’il dirige au sein de la Division DFH. Sous son autorité, un service «Projets et Systèmes Spatiaux» est confié à Pierre Luginbuhl.
Au sein de DSP, Jean-Claude Héraud devient responsable des «Projets et Systèmes Satellites».
En janvier 1983, la séparation entre DES et DFH devient effective dans le domaine des systèmes. À partir de ce moment, les activités d’études de systèmes et de réalisation de projets fusionnent dans le cadre d’unités spécialisées. Les chefs de projet, qui, à DSP, avaient été placés sous l’autorité directe du Directeur du Département, puis de son adjoint, dépendront par la suite du Directeur d’une unité affectée au domaine des systèmes et projets.
Un Département Systèmes Spatiaux est créé dans DES et sa direction est confiée à Jean-Louis de Montlivault, assisté de Claude Michaud. Ce Département comprend :
– un groupe de services «Projets de systèmes» (Pierre Luginbuhl) ;
– un chef de programme SYRACUSE (Alain Poquet) ;
– un Service Stations de Contrôle (Roland Gosmand) ;
– un responsable des programmes de télédiffusion (François Dachert) ;
– un responsable des programmes «export» de télécommunications (Maurice Dumas) ;
– un Service Gestion et Planning.
Au sein du Département DSP, le Service de Jean-Claude Héraud est élevé au niveau d’une sous-Direction «Systèmes électroniques de satellites». De cette sous-Direction dépendent les divers groupes de projet chargés des programmes de satellites en cours.
Les systèmes et les projets à Alcatel Espace
• 1985
En janvier 1985, l’expansion se poursuivant, la première note d’organisation d’Alcatel Thomson Espace annonce la création de deux Divisions chargées des études de systèmes et des réalisations de projets. Chacune d’elles, qui est définie comme un centre de profit disposant d’un compte d’exploitation, s’adresse à une clientèle particulière.
La Division Militaire et Aérospatiale (DMA), basée à Courbevoie, commercialise ses activités vers les clients suivants :
– les administrations militaires françaises et étrangères ;
– le Centre National d’Études Spatiales ;
– l’Agence Spatiale Européenne ;
– les agences spatiales du secteur aérospatial (NASA, NASDA, etc.) ;
– les industriels maîtres d’œuvre de satellites ou de systèmes spatiaux destinés aux clients ci-dessus.
Ses activités sont les suivantes :
– études de systèmes et sous-systèmes impliquant ou non l’association d’un satellite avec un segment sol ;
– architecture industrielle de systèmes spatiaux ;
– maîtrise d’œuvre de systèmes spatiaux ou de sous-systèmes embarqués à bord de satellites ou de véhicules satellisables ;
– intégration de ces systèmes ou sous-systèmes ;
– réalisation de stations de télémesures, télécommande, localisation et surveillance.
La Division Télécommunications Civiles (DTC), basée à Toulouse, commercialise ses activités vers les clients suivants :
– Direction Générale des Télécommunications ;
– administrations ou organismes civils étrangers de télécommunications ou de télévision ;
– Télévision de France ;
– agences spatiales de télécommunications (Intelsat, Eutelsat, Inmarsat, etc.) ;
– industriels maîtres d’œuvre de satellites ou de systèmes spatiaux destinés aux clients ci-dessus ;
– autres agences (CNES, ESA, NASA, etc.) à travers la Division DMA.
Dans le domaine défini ci-dessus, ses activités sont les mêmes que celles énumérées pour DMA, à l’exception des stations de télémesure, télécommande, localisation et surveillance qu’elle doit sous-traiter à cette dernière.
Pour accomplir sa mission, chaque Division dispose des moyens suivants :
– marketing ;
– action commerciale ;
– études de systèmes et de sous-systèmes ;
– maîtrise d’œuvre de programmes spatiaux ;
– exploitation.
Les moyens d’intégration de charges utiles ou de sous-systèmes de satellites ainsi que ceux assurant la gestion des contrats avec les fournisseurs sont rassemblés au sein de DTC qui effectue les travaux correspondants pour l’ensemble des deux Divisions.
La direction de la Division DMA est confiée à Jean-Louis de Montlivault, assisté de Claude Roche, chargé du Département Aérospatial, c’est-à-dire des activités autres que celles des télécommunications, et de Pierre Luginbuhl, chargé des systèmes de télécommunications militaires et en particulier de SYRACUSE.
La direction de la Division DTC est confiée à Alain Roger, assisté de Jean-Claude Héraud.
En mai 1986, la nouvelle note d’organisation de la société, qui porte désormais le nom d’Alcatel Espace, n’apporte que peu de modifications à la précédente en ce qui concerne les deux Divisions. Elle précise simplement que chacune d’elles est chargée de commercialiser vers son domaine de clientèle les équipements produits par le Département Équipements.
• 1987
En novembre 1987, Jean-Louis de Montlivault ayant été appelé à d’autres fonctions, l’ensemble des deux Divisions est placé sous l’autorité d’Alain Roger, assisté par Pierre de Bayser, sous le nom de Direction Programmes et Commerciale (DPC). Cette Direction est responsable de l’étude, la commercialisation, la réalisation, l’intégration et l’exploitation des systèmes et sous-systèmes civils ou militaires impliquant des satellites ou des véhicules spatiaux.
L’évolution des programmes, de leur contenu technique, et la nécessité de s’y adapter conduisent à des modifications de l’organisation.
À Toulouse, l’ancienne Division DTC est divisée en deux Départements :
– le Département Commercial et Systèmes Bord (DCSB), dirigé par Pierre de Bayser, assisté de René Tisseyre, et chargé de la commercialisation des activités de la Division pour le bord ainsi que des études des phases zéro, A et B. Il est constitué des services correspondant aux différentes familles de satellites, des groupes de projet de phase B ainsi que des services de marketing et d’études ;
– le Département Programmes Bord (DPB), dirigé par Jacques Susplugas, sous l’autorité de qui sont placés les groupes de projet chargés de la réalisation des systèmes et des sous-systèmes embarqués à bord de satellites ou de véhicules spatiaux, ainsi que le Service Intégration.
À Courbevoie, l’ancienne Division DMA est divisée en deux nouvelles unités :
– le Département Commercial et Systèmes Sol (DCSS), dirigé par Pierre Luginbuhl, responsable de la commercialisation et de la maîtrise d’œuvre de programmes de segment sol dans toutes leurs phases de zéro à E. Il est en particulier chargé de la maîtrise d’œuvre du système SYRACUSE II sol, pour lequel il reçoit du client un marché provisoire en 1987, puis le marché définitif en 1989 ;
Le personnel du Département Commercial et Systèmes Sol (DCSS) devant le centre de Courbevoie en 1987.- le Département Maîtrise d’Œuvre Systèmes (DMOS), responsable de la maîtrise d’œuvre de programmes prenant en compte les aspects sol et bord ainsi que de l’étude des systèmes spatiaux militaires, dirigé jusqu’à la fin de 1992 par Pierre Houzelot et ensuite par Louis Le Gall.
Le personnel du Département Maîtrise d’Œuvre Systèmes (DMOS) à Courbevoie en 1987Ce dernier Département donnera naissance, en 1991, à Alcatel Systèmes de Défense (ASD), structure mise en place pour assurer la coordination entre les différentes unités du groupe Alcatel dans le domaine des systèmes de défense et dans laquelle les maîtrises d’œuvre des systèmes militaires seront intégrées à partir de 1993.
•1991-1993
En 1991, Alain Roger est appelé à d’autres fonctions. C’est l’occasion de revoir l’organisation des activités systèmes et projets afin de tenir compte à nouveau des dernières évolutions du marché. À partir de juin 1991, les anciens Départements indiqués ci-dessus prennent le nom de Directions avec quelques modifications dans leurs missions et leur organisation.
Les responsabilités de Pierre Luginbuhl, à la tête de DCSS, restent inchangées. La Direction DMOS, avec Pierre Houzelot, se voit attribuer nommément la responsabilité des études d’ensemble du système supposé devoir succéder à SYRACUSE II. Pour cette raison, son sigle devient DMOSS.
Une Direction Commerciale Sol Civil est créée avec à sa tête Gérard Tarel.
La Direction des Programmes Bord (DPB) reste inchangée. Jacques Susplugas en sera titulaire jusqu’en 1992 et sera ensuite remplacé par Bernard Gunst. Elle comprend trois départements chargés d’encadrer les groupes de projet responsables de la conduite des phases C et D dans chacune des spécialités suivantes :
– télécommunications avec Guy Schang ;
– observation et sciences avec Jacques Beaucher ;
– station sol des Kerguelen avec Johann van Vrecken.
Le Département Intégration en fait également partie.
La Direction Commerciale Télécommunications (DCTC) est confiée à Francis Fraikin. En plus de l’action commerciale, elle est chargée de réaliser les actions de prospective et de définition technique allant des systèmes complets de télécommunications par satellites aux sous-systèmes et équipements qui en composent le segment spatial.
La Direction Observation et Science (DOBS), confiée à Norbert Lannelongue, est chargée de conduire toutes les actions techniques et commerciales conduisant à la réalisation des programmes tant civils que militaires dans les domaines de l’observation de la Terre ou de l’univers et de la science.
Ces deux dernières Directions sont supervisées par Bernard Deloffre, Directeur Général adjoint faisant fonction de Directeur Commercial et Systèmes Bord.
Le Département d’Ingénierie Bord (DIB) est créé au sein de la Direction Technique et Production (DTP) d’Henri-Paul Brochet. Confié à Serge Bertrand, sa mission est de mettre à la disposition d’Alcatel Espace un ensemble d’outils et de compétences dans le domaine des systèmes et sous-systèmes embarqués, faisant le lien entre les besoins des clients et les compétences industrielles. Il conduit les activités suivantes :
– management des propositions techniques au sein de DTP ;
– établissement de programmes d’études avancées et conduite de leur réalisation ;
– support aux équipes techniques de la Direction Commerciale ;
– traduction des spécifications de besoins en spécifications fonctionnelles et réalisation des études d’architecture qui en résultent.
Ces diverses activités sont développées au sein de deux Services :
– Service d’Architecture Mécanique et Thermique (AMT), dirigé par Jean-Noël Giraudbit ;
– Service Études Systèmes et Propositions (SES), dirigé par François Panzani.
En 1993, les responsabilités de Serge Bertrand sont étendues à la tête de la Direction de l’Ingénierie Systèmes, nouvellement créée, qui couvre désormais l’ensemble des activités bord et sol.
De même, la nouvelle Direction des Programmes confiée à Bernard Gunst voit ses responsabilités étendues à l’ensemble des programmes bord et sol.
Les modifications à l’organisation qui viennent d’être relatées peuvent paraître trop fréquentes au goût de certains. En fait, elles ont toujours été dictées par l’évolution particulièrement rapide des besoins de la clientèle et des conditions du marché. Il n’y a apparemment aucune raison pour que leur cadence ralentisse dans les quelques années à venir.
4.6 – L’intégration et les essais
La télémesure-télécommande
Les activités d’intégration dans le domaine des satellites commencent à Thomson-CSF lorsque le Service NF, à Gennevilliers, se voit confier par l’ESRO la maîtrise d’œuvre du sous-système télémesure-télécommande du satellite HEOS A1. À l’exception du codeur de télémesure qui a été sous-traité à la SAT, tous les autres équipements du sous-système sont réalisés à Gennevilliers.
L’intégration du sous-système et ses essais d’ensemble sont effectués par le Service NF, dirigé par Roland Gosmand, sous la responsabilité du chef de projet Jean-Paul Sigwald. C’est la même équipe qui, transférée à Vélizy dans la Division MAS, effectuera l’intégration d’un sous-système identique destiné au satellite HEOS A2.
Ces travaux, réalisés sur un petit sous-système, ne nécessitent que des moyens de mesure conventionnels sans qu’il soit nécessaire à cette époque de rechercher l’automatisation.
Par la suite, le même type de travaux d’intégration sera effectué pour les sous-systèmes TMTC de Symphonie A et B en 1972-73, GEOS 1 et 2 en 1974, ISEE B en 1976, ISPM/Ulysses en 1982-83 et Giotto en 1984.
Dialogue
En 1975, le programme Dialogue, malheureusement interrompu pour des raisons budgétaires, va jusqu’à l’intégration du modèle d’identification de la charge utile, dont la mission doit consister à localiser avec précision des balises placées au sol. Cette intégration de matériels entièrement nouveaux a un aspect «mise au point» plus marqué que dans les autres programmes. Elle renforce l’attention que l’on doit porter aux interfaces entre les équipements.
Les charges utiles et les satellites de télécommunications et d’observation
La participation du Département ESA à des intégrations commence dans ce domaine à l’occasion des programmes Intelsat IV et Symphonie.
Pour Intelsat IV, dont le déroulement est décrit dans un chapitre particulier, quatre ingénieurs sont détachés pendant plusieurs mois chez Hughes Aircraft à El Segundo (Californie) pour participer à la mise au point des bancs d’essais, ainsi qu’à l’intégration et aux essais des premiers satellites du programme. Ces ingénieurs sont Georges Blondin, Jean-Marie Fourquet, Gilles Griffon du Bellay et Jean-Claude Héraud.
Pour Symphonie, la participation du Département à l’intégration se situe à deux niveaux :
– l’intégration et les essais des sous-systèmes répéteurs de télécommunications, auxquels participent également des représentants de la Division Faisceaux Hertziens ;
– l’intégration et les essais des satellites.
Cette activité dure de 1969 à 1975 et porte sur quatre modèles de satellites : le MI (modèle d’identification), le MQ (modèle de qualification) et les deux modèles de vol (MV1 et MV2).
La charge utile est placée sous la responsabilité de Siemens. Les répéteurs sont préintégrés sur de fausses structures. Ces opérations sont effectuées par Siemens pour le MI et le MV1, et par Thomson-CSF pour le MQ et le MV2. Les matériels d’essais correspondants ont été conçus et réalisés par Siemens.
Les satellites complets sont intégrés par une équipe formée de représentants de chacune des sociétés membres du CIFAS : Aérospatiale, SAT, Thomson-CSF, AEG-Telefunken, MBB et Siemens.
Ces travaux sont effectués par la même équipe, successivement aux Mureaux, établissement de l’Aérospatiale, pour les MI, MQ et MV1, puis à Ottobrunn, établissement de MBB, pour le MV2.
Les représentants du Département ESA de Thomson-CSF dans cette équipe, parmi lesquels se trouve Philippe Gsell, futur chef du Service Intégration d’Alcatel Espace, y ont une part importante :
– responsabilité de toute l’intégration électrique et des essais de compatibilité électrique au niveau du satellite ;
– participation aux essais d’environnement du satellite.
Ils participent ensuite aux campagnes de lancement au centre spatial Kennedy (quatre mois par satellite) et aux travaux de mise à poste.
Avant l’intégration proprement dite des satellites, la Division Travaux Extérieurs de Thomson-CSF a effectué l’intégration et les essais des moyens de contrôle et de mesure de tous les sous-systèmes des satellites. Ces moyens sont rassemblés dans deux remorques de tests qui suivent les satellites au cours de leurs essais dans divers centres : Les Mureaux, Intespace à Toulouse, Ottobrunn, IABG à Münich, et le centre spatial Kennedy aux États-Unis.
Le programme Aerosat, bien qu’il n’ait finalement pas lieu, fournit au Département DSP, en 1975 et 1976, une excellente occasion de s’initier à la maîtrise d’œuvre de la charge utile complète d’un satellite de télécommunications et à son intégration. La proposition Aerosat donne l’occasion, par exemple, à Jean-Claude Héraud, formé dans Intelsat IV, et à Philippe Gsell, formé dans Symphonie, de tirer profit de l’expérience acquise dans ces deux programmes. Cette affaire est une amorce de ce qui se passera par la suite, cinq ans plus tard. Si elle se concrétisait, elle donnerait lieu à la mise en place de gros moyens en locaux et en bancs de tests. Pour la première fois, la proposition porte sur le développement de moyens de tests volumineux, sophistiqués et automatisés, dont la conception est effectuée sous l’impulsion et avec l’aide du maître d’œuvre du satellite : RCA-Astro Electronics. La définition de ces moyens servira de base pour les projets suivants en télécommunications.
Le programme TDRSS, bien que ne comportant pas de travaux d’intégration, marque une date importante dans l’évolution des moyens de tests au Département DSP.
La commande passée en 1977 par le client TRW porte sur soixante récepteurs en bande Ku, à livrer entre septembre 1978 et septembre 1980. Pour tenir ces délais, il est hors de question d’en rester aux réglages et essais effectués manuellement en utilisant des appareils de mesure conventionnels. Une série de mesures de recette effectuée manuellement sur l’un des premiers récepteurs dure un mois, alors que, par la suite, l’utilisation d’un banc de tests automatique permettra d’abaisser cette durée à une semaine. De plus, sur chaque récepteur, une recette comporte plusieurs séries de mesures complètes : les mesures initiales et finales entre lesquelles s’insèrent des essais en environnement (vibrations, température), pendant lesquels les paramètres fonctionnels doivent être vérifiés.
Outre le gain de temps, l’utilisation de bancs de tests automatiques amène un certain nombre d’autres avantages, par exemple :
– des instruments inamovibles interconnectés définitivement garantissent une bonne fidélité des mesures ;
– un montage fixe assure une tenue dans le temps plus longue des calibrages ;
– un calculateur permet des mesures répétitives et la détection des points de mesure aberrants ;
– la commande à la vitesse électronique des réglages et des opérations effectués par les instruments permet une grande rapidité d’exécution et évite aussi d’être «piégé» par des phénomènes de dérives aléatoires ;
– branchements et connexions guidés et imposés conduisent à moins d’erreurs humaines ;
– la rapidité des mesures et des traitements de données pour aboutir à une présentation très nette des résultats ne peut se faire que grâce aux calculateurs qui assurent aussi un archivage, tant des données que des configurations de mesures matérielles et logicielles.
Un jeune ingénieur, déjà formé en informatique, Jean-Claude Lestriez, est chargé de la conception, de la mise au point, et ensuite de l’exploitation de ces premiers bancs de tests automatiques, qui sont les précurseurs d’une longue lignée de plus en plus complexe, et dont il restera le responsable pendant de nombreuses années.
L’apparition sur le marché d’appareils de mesure programmables et de systèmes informatiques pour en réaliser la programmation de façon simple permettra à cette entreprise d’aboutir dans de bonnes conditions.
Contrôlé par un modeste calculateur dont la mémoire centrale est de 16 kilooctets (on est en 1977), chacun des deux bancs identiques fonctionne jour et nuit (en particulier pendant les essais thermiques) pendant deux ans pour les réglages et les mesures de performances des équipements. Le fait qu’ils permettent de tenir les délais contractuels avec un mois d’avance contribuera sans aucun doute à l’attribution à DSP, par le client TRW, du prix du meilleur fournisseur (best supplier award) en 1980.
Telecom I et la suite
Quelques années plus tard arrivent des affaires comme Telecom 1, SPOT 1 et TDF 1 où DSP, puis Alcatel Espace, a des responsabilités de sous-ensembles importants de satellites, de leur intégration et de leurs tests. Il devient nécessaire pour DSP de :
– se doter de moyens en locaux adéquats pour des activités de cette dimension ;
– se structurer et se former dans ce type d’activité pour être capable d’effectuer les tâches suivantes :
– assemblage et manutention de grosses structures (modules de communications, simulations de plates-formes, conteneurs…),
– définition et réalisation de moyens de mesures (bancs de tests, simulation des interfaces plate-forme),
– mesures sur la charge utile isolée,
– mesures sur la charge utile intégrée à la plate-forme,
– mesures en essais d’environnement satellite,
– suivi de qualité spécifique et contrôles,
– stockage de matériels,
– mesures en campagne de lancement,
– transports particuliers.
Un Service «Intégration» est créé en 1982 sous la direction de Philippe Gsell. Ce Service réunit les équipes d’intégration de Telecom 1 (Jean-Claude Lestriez), TDF 1 (Marcel Barré), et SPOT 1 (Jean-Yves Legal).
Dans un premier temps, le problème des locaux donne lieu à des solutions de dépannage. Les MI de la charge utile de Telecom 1 et de l’ensemble TMCU (télémesure charge utile) de SPOT 1 sont intégrés aux Mureaux dans l’ancien local d’intégration de Symphonie, qui appartient à l’Aérospatiale et qui est loué pendant environ un an. Ensuite, le BIS (Bâtiment d’Intégration Satellite) du CNES, à Toulouse, est loué pendant environ dix-huit mois. On y intègre le MI de la charge utile de TDF 1 et on y commence l’intégration des modèles de vol de Telecom 1 et de SPOT.
À partir du début de 1984, les nouveaux locaux d’intégration construits à Toulouse-Candie dans le bâtiment D sont mis en service. Ils seront aménagés progressivement et comprennent :
– une salle blanche d’intégration (propreté de classe 100 000) de 800 mètres carrés avec un sas de décontamination de 200 mètres carrés et des ponts roulants de 5 tonnes (température stabilisée à 21 °C, humidité relative de 50 à 60 %, pression relative de 0,1 à 0,3 millibar) ;
– cinq salles de contrôle pour les moyens d’essais (bancs, magasins de stockage des équipements de vol, salle informatique…) ;
– une chambre anéchoïque pour les essais de compatibilité électromagnétique ;
– une chambre thermique de 50 mètres cubes permettant des essais de – 15 °C à + 60 °C en pression ambiante ;
– un atelier d’intégration de baies de tests (montage mécanique, câblage) ;
– un atelier de réalisations mécaniques légères ;
– un atelier de plasturgie.
À l’extrémité du bâtiment se trouve le monte-charge d’accès au radôme de la base d’essais d’antennes, sous lequel les charges utiles peuvent être testées en rayonnement, dans des conditions de propreté identiques à celles de la salle d’intégration.
Les grandes dimensions, en particulier la hauteur, que les responsables de DSP ont spécifiées pour la salle d’intégration et son sas d’entrée donnent lieu à des critiques de la part de quelques profanes, y compris à certains échelons directoriaux. Les critères qui ont conduit à ce choix sont simplement la possibilité de manipuler des structures de satellites de la taille d’Intelsat VI (référence de l’époque), de les introduire dans leurs conteneurs ou de les en extraire, le tout en atmosphère propre. Il faut se souvenir qu’au moment où le projet de salle d’intégration est établi, en 1981, la proposition pour Intelsat VI est en cours de préparation avec Hughes Aircraft, et l’une des hypothèses envisagées pour accroître la probabilité d’un vote français en faveur de la proposition de Hughes est analogue à celle déjà envisagée pour Intelsat IV, c’est-à-dire l’intégration par DSP, à Toulouse, d’au moins un des modèles de vol du programme. Pour Intelsat IV, ce «privilège» avait été finalement attribué à British Aircraft.
La nouvelle salle voit se terminer les intégrations des charges utiles de Telecom 1 et de SPOT 1. Suivent celles de TDF 1 et TDF 2.
De 1984 à 1987, une importante baisse des charges industrielles, accompagnée d’un plan social, voit se réduire l’activité de la salle d’intégration. On y intégrera cependant les TMCU de SPOT 2 et de SPOT 3, l’ensemble expérimental d’IOC et les répéteurs de Tele X.
La reprise d’activité se fait vers la fin de 1987 avec Telecom 2 et Topex-Poséidon. On en arrive alors à une équipe composée d’un ingénieur et d’un agent technique par console informatique de commande d’un banc s’adressant à une charge utile.
À partir d’Intelsat VII, dont le maître d’œuvre est Ford Aerospace (devenu par la suite Space Systems/LORAL), une nouvelle ère débute à Alcatel Espace. Là aussi, le Service Intégration participe à la proposition à Palo Alto (Jean-Claude Lestriez et Michel Fournier) et effectue à Toulouse, de 1988 à 1994, l’intégration des dix-huit panneaux de 2,40 mètres de côté constituant la partie essentielle des neuf modèles de vol de la charge utile. On sent poindre un effet de série mais il s’agit de la fin de l’époque de l’artisanat d’art. Chaque panneau possède ses caractéristiques propres, mais mesures, prédictions et moyens de tests, outillages et procédures ont été conçus pour toute la série.
C’est à partir de 1995 que le programme Globalstar (cinquante-six modèles de vol) voit se réaliser des intégrations en série.
Le tableau ci-après résume les travaux d’intégration effectués à partir de 1970 :
Programme | Période approximative | Responsabilités Alcatel Espace |
Symphonie A et B Satellite germano-français de télécommunications | 1970 à 1974 | Pré-intégration des charges utiles ; participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Intelsat IV A Satellite international de télécommunications | 1972 | Participation à l’intégration satellite |
Telecom 1 A, B et C Satellite français de télécommunications | 1981 à 1985 | Intégration des charges utiles ; participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
SPOT 1 et 2 Satellite français d’observation de la Terre | 1981 à 1986 | Intégration de l’électronique de la charge utile ; support à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
TDF 1 et 2 Satellite français de télévision directe | 1981 à 1985 | Intégration de la charge utile |
Tele X Satellite suédois de télécommunications et de télévision directe | 1985 à 1988 | Intégration de la charge utile participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
ISPM/Ulysses Satellite scientifique | 1977 à 1979 | Intégration du sous-système de télémesure et télécommande |
Giotto Sonde d’observation de la comète de Halley | 1984 | Intégration du sous-système de télémesure et télécommande ; participation à la campagne de lancement |
SPOT 3Satellite français d’observation de la Terre | 1989 à 1991 | Intégration de l’électronique de la charge utile ; support à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Viking Satellite suédois | 1981 | Participation à l’intégration du sous-système de télémesure et télécommande |
IOC Expérience européenne de communications interorbites | 1987 à 1992 | Intégration de l’électronique de la charge utile support à l’intégration satellite et aux mesures en orbite, mesures après récupération de l’expérience |
ERS 1Satellite européen d’observation de la Terre | 1987 | Intégration des sous-systèmes charge utile |
Poséidon Expérience française d’océanographie | 1987 à 1989 | Intégration de l’instrument altimètre-radar |
Telecom 2 (4 modèles de vol) Satellite français de télécommunications | 1987 à 1996 | Intégration des charges utiles ; participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Intelsat VII et VII A (9 modèles de vol) Satellite international de télécommunications | 1988 à 1994 | Intégration des charges utiles participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Turksat (3 modèles de vol) Satellite international de télécommunications | 1994 à 1996 | Intégration des charges utiles participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
SPOT 4Satellite français d’observation de la Terre | 1988 à 1995 | Intégration de l’électronique de la charge utile ; support à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Helios 1 (2 modèles de vol) Satellite français d’observation de la Terre | 1988 à 1995 | Intégration de l’électronique de télémesure |
Orion Satellite international de télécommunications | 1995 | Mesures sur base d’antennes des performances satellites |
Cerise Microsatellite français d’observation de la Terre | 1994 à 1996 | Intégration du satellite ; participation à la campagne de lancement, à l’exploitation en orbite |
Arabsat II (2 modèles de vol) Satellite international de télécommunications | 1996 | Intégration des charges utiles participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
ArtemiSatellite européen de communications interorbites | 1995 à 1997 | Intégration d’une charge utile |
Mabuhay(2 modèles de vol) Satellite international de télécommunications | 1996 | Intégration des charges utiles ; participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
Asar (Envisat)Satellite européen d’observation de la Terre | 1994 à 1997 | Intégration des éléments de l’antenne à ouverture synthétique |
Globalstar(56 modèles de vol) Satellite de télécommunications avec les mobiles | 1995 à 1997 | Intégration des charges utiles participation à l’intégration satellite et à la campagne de lancement |
L’évolution des bancs d’essais Telecom 1
Après l’utilisation, pour TDRSS, du premier banc de tests piloté par calculateur, mais destiné à un seul récepteur, et le projet «papier», écrit pour Aerosat, des bancs de tests destinés à une charge utile complète, la mise en œuvre concrète de l’expérience acquise se fait dans le programme Telecom 1.
Aux aspects de puissance près, les diverses caractéristiques à mesurer dans une charge utile se rapprochent beaucoup de celles d’un récepteur. Pour passer de TDRSS à Telecom 1, l’analyse des moyens de mesure nécessaires ne demande qu’une extrapolation relativement évidente.
Cependant, la charge utile ne fonctionnant qu’assemblée avec le module de service, il faut réaliser un simulateur de cette partie du satellite qui vient s’adjoindre à l’ensemble de mesures des caractéristiques de la charge utile. Ce simulateur doit également fournir des renseignements sur l’état des équipements qui composent la charge utile. Un synoptique animé par les télémesures fournies par la charge utile vient donc compléter les bancs.
La charge utile de Telecom 1 comprenant trois ensembles de répéteurs fonctionnant dans trois bandes de fréquences différentes, on pourrait utiliser simultanément et en parallèle trois bancs d’essais, mais pour limiter le coût des investissements, il est décidé de tester les ensembles de répéteurs en série avec un seul banc.
La cohérence des données entre les mesures au niveau équipement et au niveau charge utile suggère de déduire les bancs de recette des équipements fabriqués par Alcatel Espace de la base «charge utile», par simplification ou suppression de certains instruments. Les logiciels restent basés sur les mêmes principes.
La génération logicielle suivante : Telecom 2 (1987)
Pour Telecom 2, les besoins augmentent nettement : trois charges utiles par satellite, charges utiles plus importantes, quatre modèles de vol à livrer. Il faut donc passer aux mesures en parallèle avec plusieurs bancs fonctionnant ensemble, mais avec un seul simulateur de module de service.
L’avancée générale dans le domaine logiciel invitera à développer un ensemble de logiciels avec bases de données, écrans graphiques interactifs (synoptiques), structure d’accueil et IHM (interface homme-machine), dont les systèmes de micro-ordinateurs donnent une idée à l’époque actuelle. Salomé, tel est le nom donné à cette Structure d’accueil pour logiciel de mesure.
L’écran interactif permet à l’opérateur de contrôler les charges utiles en cours d’essais, sans encombrer sa mémoire de la liste des commandes et télémesures (qui fournissent l’état des équipements) : la station de travail s’en charge à partir des informations dont elle dispose et de la localisation des «clics» de la souris sur l’écran.
Les programmes de mesure ne sont plus qu’une partie du système informatique qui gère les bancs. La taille et la complexité des logiciels supportant l’interface homme-machine conviviale exigent un matériel informatique performant.
Cette génération de bancs de mesures hyperfréquences de télécommunications est celle qui est utilisée actuellement pour toutes les charges utiles transparentes depuis Telecom 2, Intelsat 7, Turksat, jusqu’à Arabsat II. De plus, le logiciel, dont la première version est baptisée ISYS : structure d’accueil (IHM), est réutilisable pour des programmes scientifiques (SPOT 4).
La génération «mesures rapides» (1992) : Intelsat VII/VII A
Les satellites devenant de plus en plus complexes et comportant de plus en plus de canaux (trente-six canaux pour Intelsat VII, cinquante-quatre canaux pour Mabuhay), les techniques de mesure dites «classiques» ou «pas à pas» ne sont plus adaptées aux délais de livraison imposés par les clients. Il faut dont mettre en œuvre des techniques de mesure dites «rapides» ou «balayées» qui permettent de diviser par dix le temps d’essai.
En même temps que la réduction du temps d’intégration et d’essais, il est nécessaire de mettre en place des outils d’analyse des résultats de mesures pour accélérer le passage d’une phase de test à la suivante. C’est chose faite grâce à l’apparition des réseaux (locaux et internationaux) et de produits de bureautique conviviaux. Par conséquent, il devient possible de présenter en temps réel ces résultats de test aux différents acteurs de l’entreprise et aux clients.
La dernière génération (1995) : Globalstar
Cette fois, l’avancée vient d’un nouveau type d’instruments de mesure qui simulent de beaucoup plus près les fonctionnements nouveaux des charges utiles (nombreux canaux de faible largeur…), grâce à l’inclusion des microprocesseurs dans les instruments de mesure. Ceux-ci deviennent des calculateurs de construction ou de synthèse des données, d’un signal, ou à l’inverse d’analyse des signaux, auxquels, à l’interface avec l’extérieur, on adjoint une «tête» analogique adaptée aux fréquences auxquelles on travaille. Tout se numérise, la technologie étant celle des micro-ordinateurs.
Au lieu d’utiliser des mesures rapides «balayées», on met au point des mesures «multitons» qui chargent la charge utile de la même façon que le feraient les utilisateurs avec leur téléphone cellulaire. Ces techniques permettent de réduire encore davantage le temps de mesure et un facteur 10 supplémentaire est gagné.
Cette diminution substantielle du temps de mesure est particulièrement bienvenue sur ces satellites défilants (ou en orbite basse), car la quantité de modèles à assembler et tester est sans commune mesure avec les satellites de communications classiques. Dans le cas de Globalstar, on doit fabriquer cinquante-huit satellites avec un rythme de production de trois par mois (à comparer aux trois modèles produits auparavant avec un rythme de un satellite tous les trois mois). Les logiciels ne sont adaptés que dans leur aspect «mesure» et «traitement des résultats».
Les programmes de mesure évoluent ainsi : ils ne traduisent plus, dans leur trame, la procédure de mesure qui aurait été suivie si cette dernière avait été «manuelle». Grosso modo, ils consistent à fournir un fichier de données à l’instrument construisant les signaux envoyés à la charge utile, et le traitement des résultats analyse le fichier de données rendu par l’instrument branché en sortie.
Pour conclure, on remarque que chaque génération de banc naît avec une avancée technique :
– apparition des calculateurs en 1977 ; ils permettent de programmer des instruments de mesure classiques ;
– les instruments sont équipés de cartes qui les rendent intrinsèquement programmables en 1982, et les calculateurs disposent du système et d’un langage Basic d’une simplicité irremplaçable qui donne au technicien les moyens de programmer sa mesure ;
– en 1987, les systèmes logiciels informatiques s’équipent d’outils graphiques, d’interfaces conviviales, etc. L’informatique est le domaine ayant fait le plus grand bond en avant ; elle offre beaucoup de possibilités mais complique son utilisation ;
– en 1995 se produit l’insertion de microprocesseurs dans les instruments. Le règne du tout-numérique commence ; charge utile et bancs ne sont plus transparents, la mesure se circonscrit autour du contrôle du taux d’erreur des équipements.
Quelle que soit la durée d’un projet (en 1982, un planning de réalisation dure trente-six mois, en 1996, une charge utile de télécommunications récurrente est livrée en quatorze mois), les pénalités sur le report d’une date de lancement sont tellement fortes que cette dernière reste intangible. Par contre, tout au long du développement et de la réalisation du satellite, de l’étude, des équipements à l’intégration de la charge utile, les occasions ne manquent pas d’accumuler les retards. C’est ainsi que, la date du lancement n’étant pas modifiée, et la durée de l’AIT satellite par le maître d’œuvre restant intouchable, les équipes du Département Intégration d’Alcatel Espace sont régulièrement mises à contribution pour rattraper le retard pris en amont.
Parce qu’ils sont appelés, en catastrophe, sur le pas de tir, pour changer un équipement défaillant au dernier moment, parce qu’ils sont appelés à travailler en double voire triple équipe lors des essais en vide thermique du satellite chez son maître d’œuvre, parce que, par conséquent, ils ne peuvent, dans ces conditions, respecter un horaire de travail classique, enfin parce que leur travail a une densité variable, les hommes qui font ces succès d’intégration ont une vie particulièrement agitée.
De telles prouesses techniques ne sont possibles que grâce à une très profonde motivation. Il est vrai que participer à l’intégration de la charge utile puis du satellite, pendant plusieurs mois, est peut-être plus enthousiasmant que de s’arrêter à une carte électronique sans en chercher la finalité. Au dernier instant, un point culminant presque sacré se ressent lors du décompte final, lors du «largage crochets», lors de l’»éjection satellite», et enfin, mais bien plus tard, lorsque le satellite est déclaré opérationnel.
4.7 – Les essais d’environnement
Pendant leur lancement, les satellites sont soumis à un certain nombre de contraintes qui sont susceptibles d’endommager leurs équipements. Les poussées des moteurs engendrent des accélérations, la mise à feu des moteurs et la séparation des étages provoquent des chocs. Pendant toute la phase propulsée l’ensemble est soumis à d’importantes vibrations. À l’arrivée en orbite, le dégazage des matériaux associé à des champs électriques peut donner lieu à des phénomènes d’ionisation qui provoquent des courts-circuits. Durant tout leur séjour en orbite, les équipements sont soumis à des cycles thermiques et le contrôle de leur température dans le vide obéit à des règles particulières à cause de l’absence de convexion.
Pour toutes ces raisons, et afin de s’assurer que les équipements d’un satellite sont aptes à fonctionner correctement au cours d’un séjour de plusieurs années en orbite, il est nécessaire d’effectuer au sol, avant leur lancement, un certain nombre d’essais reproduisant les diverses ambiances dans lesquelles ils se trouveront.
De plus, un satellite constitue un espace de dimensions relativement petites, dans lequel cohabitent divers matériels électriques et électroniques générateurs de rayonnements électromagnétiques qui peuvent provoquer des interférences mutuelles. D’où la nécessité d’effectuer au sol les essais de compatibilité électromagnétique qui permettront de vérifier que la sensibilité des matériels aux rayonnements et les niveaux des rayonnements parasites qu’ils émettent se trouvent dans des limites acceptables.
Certaines des conditions de fonctionnement énumérées ci-dessus ne sont pas très différentes de celles que l’on rencontre dans un avion ou dans un missile. C’est pourquoi la Division MAS a déjà mis en place à Vélizy divers moyens d’essais d’environnement dans le cadre de son activité aéronautique.
Vélizy et Meudon
À la création du Département Espace-Satellites en 1970, Vartan Hantcherian, chef du Service Essais d’Environne¬ment, assisté de Bernard Monnerie, définit et met en place les moyens dont disposera le Département.
Les moyens d’essais mécaniques comprennent :
– deux excitateurs de vibrations de 27 kN et 36 kN avec table horizontale qui permettent de faire des vibrations dans les trois axes ;
– une centrifugeuse de 120 kg/120 g ;
– un système de pilotage avec de nombreux accéléromètres ;
– une machine à chocs (0,5 à 10 m/s, 0 à 5 000 g, demi-sinusoïde).Pour les essais thermiques effectués à la pression ambiante ou dans le vide, les moyens suivants sont mis en œuvre :
– deux simulateurs de vide thermique de 1 m3 et 0,25 m3 permettant d’obtenir un vide de 10-6 mmHg dans une gamme de températures de – 60 à + 100 °C ;
– un système de pilotage par calculateur dont ce sont les débuts ;
– deux enceintes thermiques de 1 m3 et 0,6 m3 couvrant une gamme de – 50 à + 100 °C ;
– une enceinte de 0,5 m3 pour les essais en chaleur humide ;
– une enceinte de 1 m3 pour les essais en brouillard salin.Pour l’environnement radioélectrique, le service dispose :
– d’une chambre anéchoïque permettant d’effectuer des mesures sur des éléments d’antennes dans des conditions proches de celles de l’espace libre ;
– d’une cage de Faraday dans laquelle sont effectués les essais de compatibilité électromagnétique.
Le Service Essais possède également un laboratoire de physico-chimie et une installation de radiographie permettant d’effectuer toutes sortes de contrôles et d’analyses en cours de fabrication ou à l’occasion de défaillances des équipements pendant les essais.
Tous les moyens ci-dessus sont transférés à Meudon en 1974.
Les programmes spatiaux de l’époque apportent une charge insuffisante à ces différents moyens et il s’avère nécessaire, pour la compléter, de rechercher des travaux auprès d’autres unités du groupe Thomson et même de sociétés extérieures au groupe.
Toulouse
Ni Vartan Hantcherian ni Bernard Monnerie n’ayant suivi le Département DSP dans son transfert à Toulouse, le Service Essais d’Environnement y est placé sous la responsabilité de Jean-Pierre Machu, auquel Gérard Ségui succédera en 1986. À partir de 1983, les moyens mécaniques et thermiques de Meudon sont réinstallés à Candie.
Au cours des années suivantes, ils sont considérablement augmentés, et les acquisitions suivantes sont faites progressivement :
• Pour les vibrations
– un excitateur de 88 kN avec 16 voies de pilotage et une table permettant les essais selon les trois axes ;
– deux excitateurs de 90 kN avec système complet de pilotage (30 voies), d’analyse et d’enregistrement.
• Pour les chocs
– deux machines à chocs pilotées par PC (0,5 m/sec, 3 000 g).
• Pour les accélérations
– une centrifugeuse 120 kg/120 g ;
– une centrifugeuse 120 grammes/12 000 g.
• Pour le vide thermique
– douze simulateurs de vide thermique de capacités allant de 80 litres à 2 m3, opérant dans une gamme de températures de – 60 °C à + 100 °C dans un vide de 10-6 mmHg avec pilotage par ordinateur rendant les essais entièrement automatiques.
• Pour les essais thermiques
– deux enceintes de 1 m3 et 400 litres ;
– cent enceintes réparties dans différents laboratoires, salles blanches et salles d’intégration ;
– une enceinte de chaleur humide.
• Pour les essais de compatibilité électromagnétique
– deux cages de Faraday de 600 m3 et 36 m3 avec leurs appareils de contrôle.
La chambre anéchoïque est décrite dans le chapitre consacré aux antennes.
Tous ces moyens d’essais d’environnement permettent de tester les équipements fabriqués ou sous-traités par Alcatel Espace en conformité avec les normes les plus sévères en vigueur dans le domaine spatial.
4.8 – La qualité
Les débuts
C’est à partir de 1968, alors que les différents services issus de Thomson et de CSF ont été rassemblés au sein de la Division MAS, qu’apparaît le besoin d’une organisation structurée chargée de veiller à la mise en application des exigences de qualité spatiale.
Marcel Putz est chargé par Louis Julien-Binard, Directeur de la Division, de mettre sur pied une organisation «qualité» et d’en définir les règles de fonctionnement.
Après un long travail solitaire, il publiera, en février 1970, le premier manuel de qualité applicable aux matériels spatiaux. C’est au cours de cette période que se manifestent les premières douleurs de «l’enfantement» de la qualité espace.
En 1969, avec la participation du Service «Technologie-Méthodes» de la Division, dirigé par Charles Nicolaus, et sous la direction de Francis Violet, alors chargé de superviser les fabrications spatiales, des échantillons technologiques représentatifs des matériels en cours de réalisation pour le programme Eole sont fabriqués et livrés au client, le CNES, pour approbation. Ils portent sur la réalisation de quelques configurations de soudure et de bobinages.
Ces échantillons sont assez brutalement refusés par les technologues et par le Service Qualité du CNES.
Comme il est d’usage à l’époque pour le moindre incident, quelle que soit son importance, la réaction remonte d’abord jusqu’aux niveaux hiérarchiques les plus élevés du CNES qui la transmettent à leurs homologues de Thomson-CSF, et le tout redescend, inévitablement amplifié, vers Francis Violet et ses collaborateurs.
Une cellule de crise est créée au Service Fabrication, et sa direction est confiée à Jacques Urien, qui doit annuler à la dernière minute une mission de deux mois qu’il devait effectuer chez Hughes Aircraft dans le cadre du programme Intelsat IV.
Lorsque l’aspect émotionnel de l’affaire est calmé, une collaboration très positive s’ensuit entre les équipes de Francis Violet et Jacques Urien et les technologues du CNES, lesquels leur font découvrir les premières procédures et exigences de réalisations fiables qui assurent un bon fonctionnement dans l’environnement spatial pour la durée de vie prévue.
En dehors des problèmes strictement technologiques, les équipes de la Division MAS sont initiées à certains aspects de la gestion de l’assurance qualité tels que :
– spécifications applicables écrites ;
– gestion de la configuration ;
– traçabilité ;
– etc.
Un autre aspect important est l’évolution des rapports entre personnel d’exécution et encadrement, car de telles procédures ne peuvent fonctionner correctement qu’avec un certain niveau de confiance mutuelle.
Dans les mois qui suivent, le programme Intelsat IV et ses retombées constituent, à tous les niveaux, une excellente formation aux méthodes de travail caractéristiques du domaine spatial.
Le client Hughes Aircraft, qui a bien entendu intérêt à ce que le travail de ses sous-traitants assure un niveau suffisant de qualité, ne néglige aucun effort, dans un excellent esprit de coopération, pour faire profiter de son expérience les différents échelons de la Division MAS.
Le Département Espace-Satellites
1970 voit la création du Département Espace-Satellites (ESA puis DSP), uniquement consacré aux activités spatiales.
Dans ce Département, un Service «Qualité» est créé, dont la direction est confiée à Charles Nicolaus. Il est constitué d’une trentaine de personnes réparties en quatre sections :
– composants, avec Dominique Bouclier ;
– technologie, avec Jacques Urien ;
– inspection, avec Denis Bussy ;
– assurance de qualité, avec Guy Couregelongue.Les faits marquants de cette époque, outre la création du Service avec ses moyens propres, sont principalement :
– l’apparition, dans les spécifications des appels d’offres, des clauses de fiabilité et d’analyse de défaillances ;
– les procédures de qualification du personnel par types d’opération ;
– les procédures de qualification de technologies particulières.En janvier 1975, Francis Violet succède à Charles Nicolaus à la tête du Service Qualité et restera à ce poste jusqu’en 1982, date du transfert du Département DSP vers Toulouse.
En janvier 1975 également, la section Technologie de Jacques Urien est, plus logiquement, rattachée au Service Fabrication de Jean Petrotchenko. Durant cette période de 1975 à 1982, les faits marquants sont les suivants :
– rédaction, par Denis Bussy, de nombreuses procédures concernant la qualité : inspection, gestion de la configuration, suivi des produits à durée de vie limitée, qualification du personnel, conduite d’audits, gestion des archives «qualité», conduite des analyses de défaillances, etc. ;
– rédaction de procédures concernant la fiabilité des composants, leur qualification et le suivi de leur qualification par l’équipe «Qualité» ;
– rédaction d’un plan «Assurance Qualité» décrivant les moyens et méthodes de travail du Service, en s’appuyant sur la collection de procédures évoquées ci-dessus.En plus du fait que ce plan place le Département en bonne position pour obtenir la qualification «Espace», son existence permet de simplifier la rédaction des plans spécifiques à chaque contrat.
À l’époque, on ne dispose pas de traitement de texte. Jusque-là, chaque plan a été assemblé à coups de ciseaux et de collage à partir des plans précédents. Par la suite, chaque plan spécifique se réduira à la rédaction de quelques pages de référence au plan d’assurance qualité du Service.
Durant la même période, le Service Qualité du Département, représenté par Francis Violet, participe aux travaux du groupement d’industriels européens Eurospace, en vue de la définition d’un niveau de qualité espace, pour tous les produits destinés aux satellites fabriqués dans les pays européens.
À partir de 1980, l’arrivée du programme Telecom 1, où le Département DSP assure la maîtrise d’œuvre de la charge utile, accroît considérablement les tâches dévolues au Service Qualité. Il faut assurer le contrôle des sous-traitants et, en particulier, du plus important d’entre eux, l’Américain Ford Aerospace, chez qui un représentant permanent du Service Qualité, Jacques Haydont, est détaché pour la durée du programme.
On organise un suivi statistique des défaillances éventuelles en orbite des équipements fournis par DSP. À fin 1982, on en est à environ un milliard de composants x heures en orbite avec une seule défaillance sur l’oscillateur local des répéteurs du satellite Symphonie A.Cette défaillance n’aura aucune conséquence sur la mission du satellite, l’oscillateur étant redondant.
La Division Espace
Créée au début de 1982, la Division Espace est divisée en deux départements, ce qui entraîne un remaniement de l’organisation des Services Qualité qui seront pendant quelque temps dispersés sur quatre sites : Courbevoie, Meudon, Le Mirail et bientôt Candie.
Dans un premier temps, Francis Violet, qui reste basé à Meudon et ne souhaite pas être transféré à Toulouse, continue de diriger le Service Qualité du Département Satellites avec comme principal adjoint Denis Bussy.
À partir du milieu de 1982, une partie de la fabrication commence à s’installer au Mirail et Michel Burgan, désigné pour succéder à Denis Bussy qui va partir en retraite, y assure la fonction qualité. Ce changement de responsable signifie, à lui seul, un changement de culture, du «cousu main» pour la satisfaction du client à l’approche du juste besoin au moindre coût. La fusion de ces approches sera finalement profitable à l’entreprise.
Le recrutement des équipes qualité s’effectue entre 1982 et 1983, dans la plupart des cas par approche directe pour ce qui concerne le personnel venant de CITEC. Il est rapidement convenu avec Jacques Urien, responsable de la technologie, de mettre en place une équipe qualité «matériaux et procédés» afin de qualifier les procédés et de sécuriser les études technologiques.
Au début de 1983 un nouveau plan qualité est établi au niveau de la Division.
Le Bureau de Gestion de la Qualité, dirigé par Francis Violet, est placé directement sous l’autorité du Directeur de la Division. Il est notamment chargé de définir la politique qualité de la Division, de mettre en place l’organisation et les différentes équipes sur lesquelles il a une autorité fonctionnelle, d’approuver les instructions et les manuels de qualité et d’assurer les relations avec les organismes extérieurs à la Division dans le domaine de la qualité. Il garantit l’aptitude de la Division à satisfaire les exigences des clients au cours des différentes phases des projets : proposition, études et développement, réalisation, maintenance. Son objectif est d’obtenir le respect au niveau RAQ-1 du «Règlement sur les obligations des fournisseurs de l’armement» du SIAR (Service de la surveillance industrielle de l’armement).
Au Département Systèmes Spatiaux, à Courbevoie, il est prévu qu’une équipe qualité sera constituée pour chaque projet et chargée des tâches qualité inhérentes au projet concerné (rédaction du plan de qualité du projet, exécution des tâches qu’il prescrit, approbation des plans de qualité des sous-contractants, contrôle de la bonne exécution de leurs tâches qualité, liaison avec le client dans le domaine de la qualité). Elle dépend opérationnellement du chef de projet.
Au Département Satellites, une organisation plus complexe est mise en place et cela pour deux raisons principales : la mission assurance qualité pour le matériel embarqué est d’un niveau sensiblement plus élevé que pour le matériel sol, ce qui conduit à la mise en œuvre de procédures très spécifiques, et l’implantation du Département Satellites à Toulouse implique une certaine autonomie de gestion.
Placé sous l’autorité opérationnelle de Philippe Blanchet, Directeur du Département Satellites, S. Siva, chef du groupe des Services Qualité, supervise quatre services responsables de la fonction qualité dans les différents domaines d’activité du Département :
– la qualité études sous les ordres de Robert Lainé, avec Brigitte Jarousse pour la fiabilité et Albert Le Hénaff pour la qualité de conception ;
– la qualité projets où Jean-Louis Peysson encadre les responsables de la qualité dans les groupes de projet ;
– la qualité de fabrication où Michel Burgan dirige les équipes responsables de la qualité et des contrôles dans les différents services de fabrication : mécanique, câblage, réception, technologie, configuration, méthodes ;
– la qualité composants avec Maryse Sauvagnac.
Un échelon qualité subsiste à Meudon où un atelier de fabrication continuera de fonctionner jusqu’à la fin de 1984.
Dans le domaine de la qualité, le Département Satellites acquiert rapidement une certaine indépendance et met en place ses propres documents et procédures.
Dès le début des fabrications au Mirail, des difficultés apparaissent en raison des exigences de clients qui ont chacun leurs standards de qualité. Pour Intelsat VI, Hughes exige les normes MIL qui ne sont pas les mêmes que les normes de l’ESA ou du CNES selon lesquelles le Département a l’habitude de travailler. Par exemple, les soudures indium/plomb, utilisées couramment en Europe, sont refusées par Hughes. Des difficultés analogues sont à gérer avec les normes du maître d’œuvre Dornier.
À Candie, tout est à faire, depuis la certification des installations (salles à ambiance contrôlée, machines sophistiquées…), jusqu’à la formation et la certification du personnel et la mise sous contrôle de l’ensemble. L’inquiétude des clients est grandissante, ils imaginent mal que la qualité des équipements puisse être assurée dans un tel contexte de recrutement et de délocalisation. Les non-conformités sont nombreuses, les demandes de dérogation galopantes et les audits se précipitent.
Alcatel Espace
En 1984, la mise en ordre se poursuit à Toulouse, ainsi que les efforts pour rétablir la confiance des clients. Une centrale d’approvisionnement des composants haute fiabilité est créée. Quelques incidents surviennent encore. Par exemple, un audit effectué par Dornier révèle que certains appareils de mesure ne sont pas calibrés conformément aux règles établies.
En janvier 1985, l’activité industrielle est répartie entre trois Divisions, chacune d’elles possédant son propre Service Qualité qui est placé sous l’autorité opérationnelle du Directeur de la Division concernée. Francis Violet est parti en retraite. Un Directeur de la Qualité, Jean-Claude Héraud, placé sous les ordres de la Direction Générale, coordonne les actions des différents Services Qualité.
La Division Militaire et Aérospatiale succède au Département Systèmes Spatiaux et son organisation qualité, placée sous l’autorité de Maryse Sauvagnac, n’est pas sensiblement modifiée.
La Division Télécommunications Civiles reprend ce qui était auparavant la qualité projets, sous l’autorité de Jacques Haydont, et la Division Équipements reprend la qualité de fabrication, dirigée par Michel Burgan, le tout avec quelques aménagements de détail. Les responsables de la qualité organisent régulièrement une journée de réflexion sur l’organisation et les conditions de fonctionnement des différentes entités concernées. C’est ainsi qu’au milieu de 1985 certains aspects essentiels de l’action qualité sont soulignés et parfois redécouverts. Les principaux points critiques suivants sont notés :
– insuffisance de la qualité de conception qui doit intervenir dès le début des études (fiabilité prévisionnelle, effets des radiations ionisantes, filières technologiques nouvelles, logiciels) ;
– ambiguïté des tâches de qualité confiées à des unités de fabrication (technologie, contrôle) ou de contrôle d’entrée ;
– mauvaise utilisation des compétences des personnels des services en raison du cloisonnement entre les différentes lignes de produits et de la répartition des activités entre lignes de produits et groupes de projet (assurance qualité et assurance produit) ;
– sensibilité insuffisante de certains personnels de production au concept de qualité ;
– insuffisance de la formation complémentaire des personnels des Services Qualité ;
– insuffisance des actions vers l’extérieur (entretien des relations avec le CNES, l’ESA, le SIAR, effort de qualification RAQ-1) ;
– mauvaise estimation financière des conséquences de la «non-qualité».On voit néanmoins apparaître le concept d’autocontrôle de la part d’opérateurs sur les machines mettant en œuvre les nouvelles technologies très intégrées.
Malgré ces efforts de coordination, la multiplicité des dépendances hiérarchiques des Services Qualité – dépendance fonctionnelle du Directeur de la Qualité et dépendance opérationnelle des Directeurs des Divisions – reste une source de problèmes.
Jean-Claude Héraud ayant quitté la société au cours de l’année 1985, Jacques Urien assure l’intérim de la Direction de la Qualité, tout en conservant ses fonctions d’adjoint à Claude Michaud, Directeur du Plan et de l’Orientation Technique.
C’est en mai 1986 qu’une solution est apportée au problème des dépendances hiérarchiques. La nouvelle note d’organisation d’Alcatel Espace place les différents Services Qualité sous l’autorité opérationnelle d’un Directeur de la Qualité, Bernard Gunst, qui est directement rattaché au Directeur Général adjoint Michel Chaussedoux.
Le Directeur de la Qualité encadre directement Maryse Sauvagnac, Jacques Haydont et Michel Burgan qui conservent leurs fonctions respectives.
Les dispositions générales définissant «assurance qualité» et «assurance produit» font l’objet de quatre documents de base : Manuel qualité, Plan qualité standard systèmes, Plan qualité standard bord, Plan qualité standard sol. La Direction de la Qualité édite trimestriellement un tableau de bord qualité. Elle réunit quatre fois par an un comité directeur de la qualité présidé par un membre de la Direction Générale. Plus tard, ce comité se réunira chaque mois.
La démarche «qualité totale» fait ses premiers pas. À l’initiative de Michel Burgan, les premiers groupes de travail appelés GOT (groupes d’optimisation technologique) sont créés. Le premier est constitué pour l’amélioration des transpondeurs en bande S. Le but est de réunir sur un même sujet, devenu affectif à cause de dysfonctionnements profonds, des ingénieurs, techniciens, ouvriers de différentes disciplines afin d’analyser les causes d’anomalies et de trouver ensemble des solutions innovantes pour l’avenir. C’est un rapide succès. Le deuxième GOT a pour mission de régler les problèmes de fissuration des câbles coaxiaux de la charge utile de Telecom 1. Le troisième est chargé d’améliorer la gestion du parc d’appareils de mesures qui représente alors six mille appareils d’une valeur totale de 150 millions de francs et dont seulement la moitié est répertoriée en maintenance.
À partir de 1987, l’action de «qualité totale», devenue «qualité globale» dans le manuel qualité de 1989, se généralise sous le nom de projet «Efficience». Le premier animateur, sous l’égide du vice-Président Jean Valent, en est Michel Burgan, assisté d’André Belaroui. Rapidement, il est décidé de créer un poste de Directeur délégué à la qualité globale, adjoint au Directeur de la Qualité, poste qui sera confié à Bernard Deutz d’Arragon.
De 1989 à 1992, date à laquelle Jacques Susplugas remplace Bernard Gunst, l’organisation de la qualité se développe et quelques nouveaux responsables sont mis en place. Elle comprend :
– deux Services Centraux (Toulouse) : les audits avec Maryse Sauvagnac, et les méthodes et la gestion de la qualité avec Paul Bernard ;
– trois Services Experts (Toulouse) : la qualité études avec Albert Le Hénaff, la qualité composants EEE avec Jean-Pierre Daubonne, et la qualité matériaux et procédés avec Didier Dandurand ;
– le Service Qualité du Département DMOSS (Courbevoie) avec André Lever ;
– le Service Qualité du Département DCSS (Courbevoie) avec Michel Quere ;
– le Département Assurance Produit avec Joseph Bermejo ;
– le Département Assurance Qualité Équipements avec Pierre Loussier.
Le Département Assurance Produit est chargé, au niveau des projets, des activités qualité pour les systèmes de télécommunications civils, les satellites, les charges utiles et les systèmes sol civils. Il comprend trois Services :
– Assurance Produit Devis et Propositions avec Michel Arnal ;
– Assurance Produit Projets Bord et Sol Civils avec Joseph Bermejo ;
– Assurance Produit Équipements avec Jean-Pierre Hemmen. Le Département Assurance Qualité Équipements est chargé des activités et secteurs suivants :
– qualité des équipements et prestations de la Direction Technique et de Production ;
– qualité des équipements (y compris les logiciels produits par DIRR et par les sous-contractants de DMOSS/DIRR ;
– contrôles délégués.
Il comprend quatre Services :
– Assurance Qualité Production avec Jean-Pierre Roy ;
– Assurance Qualité Développement avec Jacques Haydont ;
– Assurance Qualité Intégration, également avec Jacques Haydont ;
– Assurance Qualité Équipements-DIRR avec Pierre Loussier.
La mise en conformité avec les normes internationales se poursuit. Avant de rejoindre, en 1992, la Direction du Personnel, Michel Burgan est responsable du management de la qualité dans le cadre du projet ISO 9000. Alcatel est la première société du domaine spatial à obtenir la certification ISO 9001.
Au-delà de 1992, l’organisation et les principaux responsables restent stables. La démarche «qualité globale» se poursuit. Après «Efficience», le projet «To + 12» est lancé pour réduire la durée des cycles de fabrication, puis le projet «Optima» pour réduire les coûts dans tous les domaines. La démarche qualité se développe également pour la gestion du personnel avec le projet «Emploi Compétences» (la bonne personne au bon endroit, au bon moment), et pour le développement de la mobilité.
Les actions de la Direction de la Qualité contribuent à positionner la société au meilleur niveau (coûts, délais, performances) sur le marché international. Elle crée des liens avec les responsables qualité des sociétés du groupement industriel Alliance et ceux des huit sociétés européennes de la Space Division. Elle maintient et fait évoluer le système qualité afin de satisfaire aux exigences RAQ-1, ISO 9001 et AQAP-13. Elle fait prendre en compte les aspects «qualité» très en amont, dès le stade des études préliminaires et de l’établissement des propositions et des devis associés. Elle décentralise et délègue dans les unités opérationnelles la majorité des actions courantes, définissant les objectifs, la méthodologie, la formation nécessaire, et traitant les écarts. Elle maintient l’existence d’une forte technicité dans les différentes composantes de la qualité.
4.9 – Les Achats
Le domaine des Achats
Dans une entreprise du type d’Alcatel Espace, les Achats sont chargés d’acquérir auprès de fournisseurs extérieurs les équipements, matières, produits et services nécessaires au fonctionnement de la société et à la réalisation de ses objectifs de production et de vente.
Les Achats sont seuls habilités à négocier avec les fournisseurs les prix, les délais, et plus généralement toutes les conditions de l’achat en coopération étroite avec les demandeurs et, si besoin est, avec le Service Juridique.
Les Achats ont seuls le pouvoir d’engager la société vis-à-vis des fournisseurs après avoir fait approuver par la Direction Générale ou l’autorité délégataire les conditions des contrats ou commandes.
Les Achats assurent la gestion des commandes et des contrats d’achat jusqu’à leur complet achèvement. Respon¬sables des intérêts de l’entreprise face aux fournisseurs, les Achats doivent s’attacher à diminuer les coûts dans les conditions techniques et de qualité requises par les demandeurs.
Depuis les origines, la structure Achats de l’Espace, embryonnaire au départ, a beaucoup évolué, s’affirmant dans la société pour prendre peu à peu sa responsabilité pleine et entière telle que définie ci-dessus.
C’est l’histoire de cette évolution que nous allons suivre de 1970 à 1994. Une constante au cours des âges, c’est la gamme des produits et services dont l’Espace a besoin et que l’entité Achats aura à acquérir :
– les composants : il s’agit de composants électriques, électroniques et électromécaniques. Souvent, on les appelle composants 3E. Ils font l’objet de spécifications techniques précises et de contrôles rigoureux tant pendant la fabrication qu’à son stade final (contrôles à la source). S’ils sont destinés à des modèles de vol, le fournisseur les livre accompagnés de documents élaborés au cours de la fabrication (traçabilité), qui sont eux-mêmes vérifiés avant l’entrée en magasin (contrôle d’entrée) ;
– les biens industriels : machines de production, ordinateurs gros et petits et logiciels associés, appareils de mesure, bancs de test, mobilier de bureau, de laboratoire, d’atelier, biens d’équipements divers ;
– les fournitures : marchandises, articles, denrées généralement consommables ;
– certaines prestations intellectuelles : études, recherches, développement de logiciels ;
– la sous-traitance industrielle majeure non assimilée à une PECT ;
– la sous-traitance sur site, l’assistance technique, la maintenance ;
– les prestations de services généraux : restaurant, gardiennage, nettoyage, entretien d’espaces verts… ;
– les transports nationaux et internationaux ;
– les PECT : Prestations Entièrement Confiées à des Tiers. C’est là un poste important puisqu’il s’agit d’acheter des équipements complets, qui seront intégrés en l’état aux charges utiles réalisées par la société.Les achats de composants, qui nécessitent des compétences techniques particulières, sont effectués par des spécialistes. Il en est de même pour les PECT. Les autres achats sont souvent regroupés sous le vocable «achats généraux ou industriels».
Les achats avant 1982
Au début de l’activité spatiale, les services chargés des achats appartiennent à des unités dont la principale activité est autre que spatiale. Il n’existe donc pas de fonction Achats spécifique du spatial.
L’approvisionnement des composants haute fiabilité est le seul qui nécessite un suivi particulier sur le plan technique et sur le plan de la qualité. À Gennevilliers, par exemple, pour les premiers matériels de télémesure et de télécommande, ce suivi est assuré par le Service Technique lui-même.
Plus tard, à la Division MAS, lorsque les activités spatiales prennent de l’ampleur, une partie du personnel du Service Achats commence à être orientée vers les approvisionnements spécifiques au spatial en liaison avec le Service Qualité.
À cette époque, une grande partie de ces approvisionnements revêt une forme particulière :
– dans Intelsat IV, tous les composants sont fournis par le maître d’œuvre Hughes Aircraft. Leurs coûts ne sont donc pas compris dans les prix de vente et leur gestion administrative se trouve de ce fait simplifiée ;
– dans Symphonie, l’approvisionnement d’une partie des composants est centralisé au niveau du groupe de projet assurant la maîtrise d’œuvre qui se trouve en fait être le fournisseur vis-à-vis du Service Achats.
Pierre Boutillon est le premier employé du Service Commercial de la Division MAS à être chargé des approvisionnements spécifiques du spatial.
En 1970, lorsque le Département ESA est créé, il est tout naturellement chargé d’y assurer la fonction Achats. Louis Gadeau rejoint ensuite le Service dont il prend la direction.
Dans tous les programmes exécutés par le Département ESA puis DSP jusqu’en 1977-78, il n’y a que très peu de PECT importantes que peut gérer le Service Achats.
Lorsque, par exemple, le Département est maître d’œuvre d’un sous-système TM-TC pour l’Agence Spatiale Européenne, les matériels sous-traités, généralement hors de France, sont payés directement au fournisseur par l’Agence dans sa monnaie nationale. Afin de simplifier les procédures internes, le suivi administratif de ce genre de contrat, qui n’implique aucun paiement de la part du Département, est assuré directement par le Service Commercial, le suivi technique étant assuré par les services techniques. Seules les sous-traitances de pièces mécaniques au profit des services de fabrication sont prises en charge par le Service Achats.
En 1978, dans le cadre d’une action générale décidée par la nouvelle Direction de la Division DFH, à laquelle appartient le Département DSP, et qui vise à retirer à ce Département un certain nombre de ses fonctions, le Service Achats de DSP est, dans une première phase, supprimé, tous les achats devant être effectués par celui de la Division implanté à Levallois.
Il apparaît très rapidement que cette solution est impraticable pour l’achat et le suivi des commandes des composants haute fiabilité, et à la demande du Directeur de la Production de la Division lui-même, un échelon du Service Achats central est maintenu à DSP, avec le même effectif, pour ce type d’achat. L’opération n’aboutit, en fait, qu’à compliquer les circuits hiérarchiques et administratifs.
Louis Gadeau continue d’exercer ses fonctions pour les approvisionnements spécifiques du spatial, transmettant au service central les demandes d’approvisionnements «non spatiaux».
Cette situation cesse en janvier 1982 lorsque est créée la Division Espace qui peut remettre en place à DSP un Service Achats à part entière avec Louis Gadeau et Éric Goubet.
Le transfert à Toulouse et l’expansion rapide du Département DSP et de la Division Espace provoquent d’importantes modifications et l’apparition d’une organisation beaucoup plus étoffée.
Les achats à partir de 1982
Rapidement, un Service Achats (généraux et industriels) est créé à Toulouse, dans l’usine du Mirail, confié à Nicolas Camerani et rattaché d’abord à Roland Borchi, chef de la fabrication, puis à Jacques Rosmorduc, chef d’établissement.
Les PECT de Telecom 1 sont traitées à Meudon par un groupe de deux personnes (Jean-Louis Gautier et Michel Bauer) qui établissent les spécifications et négocient les conditions contractuelles. Les commandes sont émises et administrées par les Achats. C’est ce groupe qui aura à gérer techniquement les équipements sous-traités de Telecom 1 et de SPOT 1.
En 1983, l’activité PECT bord civil est transférée à Toulouse. Les PECT des matériels sol militaires sont placées sous la responsabilité de Claude Delaneau de 1986 à 1988 (essentiellement pour SYRACUSE 1). En 1988, à Courbevoie, Jérôme Dufour prendra la relève pour s’occuper de SYRACUSE 2 et aura à négocier des achats relatifs à l’édification des stations de contrôle (génie civil, gros œuvre, RF, antennes). Il conduira ces achats à leur terme alors que ceux qui concernent les équipements du système seront transférés à Toulouse en 1990 et confiés à Alfred Poli (sous la responsabilité de Bernard Kelhetter).
Ayant reçu le renfort de Pierre Duny, Jérôme Dufour prendra en charge les stations de contrôle sol de Kerguelen, puis de Turksat en 1991 et de Suparco (Pakistan) en 1992.
Nous sommes loin, en 1982, d’une structure Achats forte. Le chemin à parcourir pour y arriver va être long, et les variations d’organisation nombreuses.
La Centrale d’Achats Composants
Devant l’augmentation du plan de charges et en raison des exigences de qualité, il apparaît que les composants 3E montés sur les modèles de vol doivent faire l’objet d’un traitement particulier à tous les niveaux : négociation, spécifications, qualification, contrôle à la source, contrôle réception, magasinage.
Le 31 janvier 1984, on crée la Centrale d’Achats Composants EEE, la CAC, détachée du Service des Achats.
La CAC a en charge :
– l’activité «Engineering Composants» : évaluation, qualification, spécifications ;
– la définition des besoins de chaque projet (quantité et délais), résultat de l’analyse «à la main» des nomenclatures papier du Bureau d’Études ;
– les achats proprement dits : négociation, gestion, commandes ;
– le contrôle à la source et le contrôle d’entrée.Le responsable de la CAC est Pierre René. Il faut souligner l’importance de l’Engineering Composants, confié à un groupe d’ingénieurs dont chacun suit un projet déterminé et possède une spécialisation technique ou technologique mise au service de tous les autres.
Ainsi :
– ERS et SPOT 2 sont suivis par Jean Sogliuzzo, également responsable des contrôles ;
– Athos est suivi par Robert Van Hove, également responsable des composants passifs ;
– TV-Sat et TDF sont suivis par André Gil ;
– TELE X est suivi par Daniel Roques, également responsable des actifs non hyper et de la microélectronique ;
– Intelsat VI est suivi par Michel Sirven, également responsable des hyper actifs.
La Direction Industrielle
Le 1er octobre 1986 est créée la Direction Industrielle (DI), confiée à Paul Fournier. À l’exception des PECT, les Approvisionnements et les Achats lui sont rattachés. La CAC disparaît, ses fonctions sont éclatées entre :
– la Direction Qualité pour l’activité «Engineering Composants» ;
– un Service Approvisionnements (SAP) confié à Jean Sogliuzzo pour la définition des besoins, le contrôle à la source, le contrôle d’entrée et le magasinage des composants EEE ;
– le Service Achats (SAC), sous la responsabilité de Nicolas Camerani qui négocie commercialement, commande et gère les actes d’achat.Le rôle du SAP est d’une importance vitale pour atteindre l’objectif principal fixé à la DI dès sa création : tenir les délais de sortie des équipements. Il faut identifier correctement les vrais besoins en composants de façon à les commander assez tôt en regard des délais des fournisseurs.
La réussite est liée à l’emploi de moyens informatiques adaptés : c’est la mise en service de MIMS, progiciel de GPAO qui exige de la part des cadres un effort pédagogique de tous les instants et une force de conviction à la mesure de l’enjeu. MIMS permet aussi de planifier avec précision les préparations de composants issus du magasin en direction des ateliers de fabrication.
SAP constitue donc un pivot de la production au même titre que le Bureau d’Études, les labos ou les ateliers.
Les efforts fournis seront couronnés de succès, dont le premier en date est la disponibilité à temps des composants destinés aux équipements d’Eutelsat 2, au début de 1987.
La sous-traitance
En 1987, Alcatel Espace voit se profiler un accroissement important et rapide des charges de travail qui, sur les graphiques, se traduit par une grosse bosse à l’horizon de quelques mois !
Il faut impérativement se préparer à sous-traiter une part non négligeable des tâches en matière de câblage, mécanique, développement, logiciels, manutentions, etc.
S’ajoutant à la sous-traitance structurelle déjà largement pratiquée en matière de services généraux (restaurant, gardiennage, espaces verts…), cette sous-traitance «productive» va gonfler le volume des commandes de prestations de main-d’œuvre.
À l’intérieur de la société, les «clients» sont nombreux car chaque service peut éventuellement avoir à faire appel à de l’aide extérieure. Il convient de maîtriser le flux des ordres de ce type, notamment en limitant le nombre des fournisseurs potentiels que l’on «qualifie» préalablement et en mettant en place un dispositif de contrôle qui permet de s’assurer du caractère indispensable de la sous-traitance sollicitée, de sa conformité au budget et de sa régularité vis-à-vis de la législation.
Pour ce faire, on crée au sein de DI un service d’achats spécialisé, nommé Service Gestion de la Sous-Traitance (GST), confié au printemps 1987 à Jacques Rosmorduc.
De nombreuses entreprises de la région toulousaine coopèrent avec Alcatel Espace. Pour certaines d’entre elles, il convient d’abandonner le qualificatif de sous-traitant, pris quelquefois à tort dans un sens un peu péjoratif, pour celui de partenaire. Tel est le cas, entre autres, de la société Latécoère à qui l’on confie le dossier de fabrication, la réalisation, l’assemblage et certains tests des sources d’antenne pour quatre modèles de vol Eutelsat 2 étudiés préalablement par Alcatel Espace.
Pour donner un ordre de grandeur des volumes traités par GST, en 1989 la sous-traitance de DTI (Direction Technique et Industrielle) s’élève à 170 millions de francs, le montant des achats généraux étant de 234 millions de francs.
Transports et opérations en douane
L’industrie spatiale mettant en œuvre de nombreux échanges mondiaux, Alcatel Espace doit maîtriser parfaitement ses rapports avec les transporteurs internationaux, les transitaires, les services officiels des douanes de nombreux pays. On tente de sous-traiter cette activité mais c’est un échec, tant au plan des coûts qu’au plan des résultats. La DI met en place la structure qui permet d’assurer ces fonctions.
C’est, le 1er mars 1988, la création d’un «Bureau Logistique-Transport-Douane» (LTD), confié à Marie-Françoise Gaillard à qui l’on rattache également les tâches d’emballage, d’expédition et de réception.
Notons au passage qu’à cette époque LTD traite par an plus de dix mille opérations d’expédition-réception. En 1994, leur nombre s’élèvera à près de vingt-cinq mille !
Groupement des Services Achats et Approvisionnements
Après la création de LTD, les services qui s’occupent d’achats au sens large du terme ou qui y prêtent leur concours sont donc, au sein de DI :
– le Service des Achats Généraux (SAC) ;
– le Service des Approvisionnements de composants (SAP) ;
– le Service Gestion de Sous-Traitance (GST) ;
– le Bureau Logistique-Transport-Douane (LTD).
Le 1er janvier 1989, on modifie leurs attributions respectives de la façon suivante :
– les Achats Généraux et la Sous-Traitance sont réunis en un Service AGS (responsable Jacques Rosmorduc) ;
– les Approvisionnements, les achats de composants, le contrôle d’entrée et les magasins constituent le nouveau Service SAP (responsable Jean Sogliuzzo) ;
– les transports et les opérations en douane restent au bureau LTD (Marie-Françoise Gaillard).
L’ensemble est constitué en un groupement de services nommé Services Achats et Approvisionnements (S2A), placé sous la responsabilité de Xavier Loeffel, rattaché lui-même à DI.
Cette modification d’organisation tend à :
– rationaliser et optimiser le système des approvisionnements de composants ;
– profiter au maximum des synergies et similitudes entre la gestion de sous-traitance et les achats généraux.
La rationalisation des «appros» est encore améliorée en octobre 1989, lorsque 1’»Engineering Composants», qui avait été dévolu à la Direction Qualité en 1986 lors de l’éclatement de la CAC, est rattaché au Service des Approvisionnements (SAP). En même temps, les missions principales de ce groupe d’ingénieurs sont précisées. Elles sont les suivantes :
– créer et maintenir à jour le fichier des composants MIMS ;
– écrire et mettre à jour les spécifications d’approvisionnements satisfaisant aux exigences du Plan Qualité concerné et gérer la bibliothèque de ces spécifications ;
– participer à l’évaluation et à la qualification des couples composant-fabricant (phase B) ;
– négocier techniquement les spécifications d’approvisionnements avec les fabricants ;
– effectuer le suivi technique des approvisionnements chez les fournisseurs ainsi que l’initialisation et le traitement des non-conformités ou des demandes de dérogation, en accord avec les procédures qualité ;
– documenter l’aspect «technique composants» des Demandes d’Autorisation d’Emploi (DAE) dans le contexte de la nouvelle procédure de traitement des DAE.
Organigramme des Services Achats et Approvisionnements en 1989
Direction Industrielle | P. Fournier | |
S2A – Services Achats et Approvisionnements | X. Loeffel | |
AGS – Achats généraux et sous‑traitance | J. Rosmorduc | |
Achats généraux | ||
Sous‑traitance | ||
SAP – Service Approvisionnements | J. Sogliuzzo | |
Achats composants | ||
Approvisionnements | ||
Magasin ‑ contrôle ‑ entrée | ||
LTD – Bureau Logistique‑Transport‑Douane | M.‑F. Gaillard | |
Douanes | ||
Expédition à réception |
Les achats de PECT à Toulouse
Quel est le sort des achats de PECT bord civil après le transfert de Meudon à Toulouse ? C’est Gabriel Frayssinet qui les prend en charge en 1983 en créant un groupe Gestion Contrats Fournisseurs (GCF) où sont affectés Guy Cornillon, Gilbert Blanchet, Hervé Sorre et Pierre Couderc pour s’occuper des sous-contrats de TELE X, TDF 1 et TV-Sat 1.
En 1985, GCF est dissous. Michel Bauer est affecté au Département Technique (Jean-Louis Maury) où il continue de spécifier et négocier certaines PECT, notamment les isolateurs (avec Thomson-CSF Montreuil), des duplexeurs en bande Ku (avec EMS-USA), des calculateurs de bord (avec Crouzet)… En 1987, ce type d’achat est rattaché à S2A/AGS, ainsi d’ailleurs que Michel Bauer.
Mais l’essentiel de l’achat des PECT est alors entre les mains des Services Commerciaux que rejoignent Guy Cornillon et Gilbert Blanchet, dans un Bureau Sous-Traitance (BST) dont Bernard Kelhetter prendra la tête en juin 1987, sous l’autorité de Francis Fraikin. Ce BST s’étoffera en recrutant plusieurs personnes dont Christian Combe, Christian Bruggemann et Michel Langella.
En effet, le programme Telecom 2 arrive et comporte beaucoup d’achats d’équipements ; de même, Intelsat VII, puis SYRACUSE 2.
Incorporés dans un département commercial orienté vers la vente, les acheteurs sont vus comme des commerciaux un peu particuliers. Malgré tout, c’est durant les années 1988, 1989 et 1990 que se rode cette activité de PECT bord civil et que les acheteurs spécialisés, en se frottant au contexte international, acquièrent une certaine maîtrise de la négociation.
Par ailleurs, leur rattachement au département commercial a pour objectif de les motiver à faire porter par les cotraitants tout ou partie des risques généraux du contrat principal (risque de change, intéressements, plan de financement, etc.).
Rappelons que les PECT militaires et sol sont restées à Courbevoie, gérées par Jérôme Dufour.
La Direction Centrale des Achats d’Alcatel Espace
Nous avons suivi le cours sinueux de l’histoire des Achats depuis le début des années quatre-vingt. Dix ans plus tard, le tableau de la répartition des acheteurs dans l’entreprise relève du «pointillisme» ! En effet, à cette époque, les commandes qui engagent financièrement l’entreprise vis-à-vis des fournisseurs sont émises par :
– les Services Achats et Approvisionnements de la Direction Industrielle pour les achats généraux ou industriels et les composants ;
– un Bureau de Sous-Traitance de la Division Commerciale pour les PECT (bord civil) ;
– un Bureau d’Achats à Courbevoie pour les besoins de ce centre, rattaché aux Services Généraux ;
– un Service d’Achats à Courbevoie pour les PECT militaires et les stations de contrôle, dépendant de MOCOS.Le résultat de cet éparpillement est à coup sûr un gaspillage d’énergie. Pire : il n’est pas rare que le même fournisseur puisse être consulté par deux acheteurs et traite avec les deux (à des prix différents…) !
Or la fonction Achats prend de plus en plus d’importance en raison du développement de la société : il convient de la structurer plus fortement.
Jean-Claude Husson décide de créer le 1er février 1991 une Direction des Achats, confiée à Paul Fournier, regroupant toutes les forces de la société qui oeuvrent dans ce domaine. Le Directeur des Achats dépend de la Direction Générale.
L’intention est claire : faire en sorte qu’Alcatel Espace soit perçue par les fournisseurs extérieurs comme une société disposant d’interfaces organisées et de procédures respectées, donc efficaces, ce qui ne doit pas manquer d’être profitable au plan financier.
La Direction des Achats (DA) se structure en quatre Services :
– le Service Achats Équipements Bord (AEB) : Bernard Kelhetter ;
– le Service Achats Équipements Sol (AES) : Jérôme Dufour ;
– le Service Achats et Spécifications de Composants (ASC) : Jean Sogliuzzo ;
– le Service Achats Généraux et Sous-Traitance (AGS) : Jacques Rosmorduc.Les attributions de ces Services sont les suivantes :
– le Service AEB est chargé d’acquérir des équipements ou des sous-ensembles «bord», plus généralement des produits ou services que leur fort contenu technique, technologique ou intellectuel rend spécifiques et coûteux. Ils constituent généralement des PECT et répondent à un cahier des charges particulier ; leur acquisition nécessite fréquemment une procédure d’appel d’offres ;
– le Service AES a les mêmes attributions qu’AEB, pour les équipements «sol» et «militaire» ;
– le Service ASC rédige les spécifications techniques des composants 3E, négocie et achète ces produits. Il effectue les contrôles à la source et les contrôles d’entrée ;
– le Service AGS est chargé d’acquérir tous les autres biens, matières et services : biens d’équipement, marchandises, denrées, certaines prestations intellectuelles telles que des études, des développements de logiciels propres aux besoins internes, la sous-traitance industrielle majeure hors site non assimilée à une PECT, les prestations de services généraux, l’assistance technique, la maintenance, etc.
Organigramme de la Direction des Achats en 1991
Direction des Achats | P Fournier | |
Secrétariat‑assistance d’exploitation | F. Lapoutge | |
Service Achats Équipements Bord | B. Kelhetter | |
Service Achats Équipements Sol | J. Dufour | |
Service Achats et Spécifications Composants | J. Sogliuzzo | |
Service Achats Généraux et Sous-Traitance | J. Rosmorduc | |
Antenne Achats Généraux et Sous-Traitance (Courbevoie) | ||
Section Logistique‑Transport‑Douane | M.‑F. Gaillard |
La section LTD, responsable des opérations de transport, emballage, expédition, réception, déclarations en douane, dépend du Service AGS.
La Direction des Achats s’attache d’abord à mettre à jour ou rédiger des procédures d’achats claires qui doivent formaliser le circuit des signatures des demandes d’achat depuis l’expression du besoin jusqu’à l’émission des commandes.
De même, et surtout, sont concrétisées pour les PECT les procédures d’appel d’offres, d’évaluation de ces offres, d’établissement des «short-lists», de fixation des prix objectifs et de choix final des fournisseurs. Pour chaque programme est mis sur pied un système de réunions présidées par le Directeur Général, où, sur la base d’éléments préparés et présentés par la DA, se prennent toutes les décisions. Y participent les Services Commerciaux, la Direction des Programmes, la Qualité et la Direction Industrielle.
On traite de cette façon les achats de certains équipements destinés à Turksat 1, Arabsat, Amos, Artemis et Asar.
Jérôme Dufour (AES), qui a reçu le renfort de Pierre Duny, prend en charge les stations de contrôle sol de Kerguelen, de Turksat et, en 1992, de Suparco.
Le résultat de cette rationalisation est double : les décisions prises ou à prendre reposent dorénavant sur des éléments précis et clairs facilitant les arbitrages ; d’autre part les négociations avec les fournisseurs, alimentées par des arguments technico-économiques sûrs, conduisent à d’importantes économies financières.
C’est à partir du début de 1991 que l’organisation des Achats d’Alcatel Espace, charpentée solidement, est reconnue dans l’entreprise et respectée à l’extérieur. La DA, en effet, a atteint sa «majorité», contribuant à la définition de la politique des achats, contrôlant sa mise en œuvre et catalysant les efforts de tous en cette matière.
Le 1er novembre 1993, Paul Fournier, partant à la retraite, est remplacé par Jean-Louis Maury à la tête de la Direction des Achats. En 1994, Jean-Pierre Hemmen remplace Jean Sogliuzzo aux Achats de composants. Pierre Therby a succédé à Jacques Rosmorduc parti à la retraite en 1993.
La Direction des Achats est alors forte de cinquante-quatre personnes dont vingt et un acheteurs, des ingénieurs, techniciens, employés, ouvriers pour la partie spécifications, contrôle entrée, LTD, ingénieurs d’affaires composants, etc.
Pour les amateurs de données chiffrées, voici le montant des commandes d’achats sur trois années :
1992 : 618 MF
1993 : 711 MF
1994 : 970 MF
4.10 – L’informatique
Introduction
Pour interpréter correctement les lignes directrices du développement de l’informatique à Alcatel Espace, il convient de rappeler quelques données de base liées les unes à la situation initiale de l’activité, les autres à ses caractéristiques propres.
Au départ, il s’agit d’une petite unité intégrée dans Thomson-CSF et ne disposant que de très peu de moyens informatiques propres. L’isolement géographique qui va résulter de l’implantation en site propre à Toulouse va nécessiter la mise en place accélérée de moyens de traitement importants au fur et à mesure du développement des applications, car à cette époque (1983-1985) le télétraitement apporte trop de contraintes techniques et il n’existe pas d’occasions intéressantes de traitement externe.
Il apparaît très rapidement que le problème principal d’ATES, au-delà de la mise en place d’un système fiable de gestion de projets, est un problème de rapidité et de sûreté de la conception des équipements beaucoup plus qu’un problème de gestion de production, car les problèmes rencontrés en fabrication sont plus souvent dus à des insuffisances de conception qu’à des problèmes d’ordonnancement. Il en résulte que l’axe majeur des efforts porte sur la mise en œuvre de moyens de conception assistée par ordinateur complets, puissants et systématiquement utilisés.
Le classement des domaines applicatifs de l’informatique
Nous serons amenés à suivre l’évolution des domaines applicatifs suivants :
– gestion administrative et comptable ;
– communication, messagerie, traitement de textes ;
– CAO (calcul scientifique, simulation, systèmes d’ingénierie simultanée) ;
– gestion de production ;
– gestion de projets ;
– moyens matériels et logiciels d’exploitation associés.
L’évolution de ces domaines ne se fait pas de manière indépendante, car il existe des données communes à chacun d’eux.
Cependant, l’intégration du fonctionnement des différents applicatifs pour aboutir à un système intégré homogène de traitement de l’information au niveau d’Alcatel Espace sera progressive et sans doute l’objectif ambitieux le plus difficile à atteindre.
Pour la clarté de l’exposé, nous évoquerons l’historique du développement domaine par domaine, en signalant les points forts d’intégration interdomaines.
La gestion administrative et comptable
– Les origines
À la CSF-Levallois, en 1964, à l’initiative de Bernard Deshayes (Directeur Central des Comptabilités de CSF), naît de l’enthousiasme d’une équipe de comptables dirigée par Georges Malgoire (Roger Bonhommet, Serge Macon, Bernard Millard, A. Chabot, Michel Flacelière) et d’une équipe d’informaticiens animée par Germain Brajou (J. Colliboeuf, M. Grangeot, P. Pierre) un système de comptabilité et de contrôle de gestion intégrés dénommé «GCI», écrit pour fonctionner sous Gamma 30 de Bull. Ce système doit rapidement couvrir les besoins des unités constituant le Groupement TTR dirigé par Michel Barré ainsi que diverses unités de la CSF.
À la CII – Compagnie Internationale pour l’Informatique -, en 1972, Georges Malgoire (alors Directeur Central des Comptabilités) confie à Michel Flacelière et à la même équipe d’informaticiens, animée par Germain Brajou, le soin de rajeunir le système GCI et de le porter sur IRIS 50 afin de gérer l’ensemble des unités que constitue la CII.
Conjointement, Thomson-CSF met peu à peu au point son logiciel de comptabilité et de contrôle de gestion dénommé «PGCD». Il entre en «field test» dans diverses divisions de Thomson-CSF, dont DES (future Alcatel Espace) où il doit remplacer soit la version Thomson-CSF du GCI, soit l’ancienne application comptable du CCTI. Les tests effectués à DES s’avéreront décevants car le progiciel n’est pas «déverminé», la toute jeune Division non plus, ni ses équipes comptables.
C’est donc devant une absence de comptabilité fiable (voire de comptabilité tout court) que se trouve Georges Malgoire lorsqu’il prend la direction de la DAF d’Alcatel Thomson Espace au 1er janvier 1984. Dans l’urgence, la décision est prise d’arrêter les travaux comptables sur PGCD et d’utiliser le «vieux cheval de retour» qu’est la version CII du GCI car elle est parfaitement connue des responsables comptables d’ATES (Serge Macon, Bernard Millard, Jean Gaich, Charles Vidal). C’est un pis aller car le produit est vieux et «tourne» encore sur IRIS 50, matériel destiné à la casse ; mais il est immédiatement opérationnel à un moment où les comptes revêtent une importance majeure du fait des opérations et audits d’apports.
L’évolution des produits comptables et de gestion
Du fait de l’arrêt programmé de l’IRIS 50 de l’ex-CITEC sur lequel étaient effectués les travaux comptables d’ATES et de l’absence de produits de substitution (Thomson-CSF a finalement arrêté le PGCD et les progiciels présents sur la place sont de vieilles versions moins efficaces que le GCI et inadaptés à la gestion de projets), il est décidé début 1986 de se doter d’un outil interactif écrit spécifiquement pour ATES.
Michel Flacelière est chargé de faire migrer la comptabilité et le contrôle de gestion sur une application à écrire, devant être exploitée sous UNIX sur des équipements «Microméga» produits par une unité du groupe Alcatel. Pour la petite histoire, on peut rappeler ici que ces équipements provenaient d’une «start-up» californienne dénommée Fortune, rachetée par la SEMS à ses dirigeants fondateurs. Sous le couvert de François de Villepin et de Jacques Lescault (alors respectivement Président et Directeur Général), une équipe comprenant Arlette Lefeuvre, Gérard Lévy, Georges Malgoire et Philippe Westercamp avait négocié ce rachat.
Le pari est ambitieux et il sera tenu. En 1987, le système GCI est abandonné au bénéfice du système IGC !!! Ce dernier, transactionnel, permet une mise à jour des comptes en temps quasi réel. Dès 1988, ATES a la fierté d’être la seule unité importante du groupe à publier son bilan et ses résultats le premier jour ouvré du mois suivant. La comptabilité est en ordre, les documents de gestion sont publiés «en batch» huit jours après la fin de chaque mois.
Mais toute médaille a son revers, et la SSCI qui a écrit les logiciels est fragile, et l’application manque vite de support, qu’il s’agisse de la documentation ou du soutien technique. De plus, Alcatel doit arrêter la production des micro-ordinateurs sur lesquels «tourne» l’application. Par ailleurs, ATES a grandi et les spécifications d’IGC adaptées à la grosse PME qu’était la société à sa création deviennent insuffisantes dans une ATES forte de programmes tels que Telecom 2. Enfin, les ambitions comptables et de gestion ne sont plus les mêmes en 1991 avec le développement foudroyant que les systèmes temps réel connaissent alors.
C’est ainsi qu’au milieu de 1991 il est décidé de lancer une étude pour le remplacement d’IGC. Après de longues discussions internes et la consultation malheureuse d’une importante SSII incapable de gérer son projet, on choisit le progiciel TOLAS, déjà utilisé dans d’autres unités du groupe Alcatel. Claude Argagnon, nouveau Directeur des Services Économiques venu seconder Georges Malgoire, Marie Drousie et Jacques Serville en seront les principaux animateurs.
Dans un domaine adjacent, il faut mentionner, à partir de 1985, la mise en place progressive de produits de gestion administrative sous CICS IBM, qu’il s’agisse de la gestion commerciale utilisant la base de données Artemis (de la prise de commande jusqu’à l’émission de la facture, en passant par la gestion des dossiers et statistiques commerciales), placée sous la responsabilité de Jean Gaich, ou de documents administratifs tels que ordres de mission, courrier, documentation configurée, affectations de temps, présence… La paye du personnel, pour sa part, continue d’être établie sur d’anciens programmes CCTI, régulièrement mis à jour.
Communication, messagerie, traitement de textes
En 1982, la communication se limite au téléphone, au Télex et aux notes écrites avec quelques machines à traitement de textes Philips P5002. Il n’existe pas de plan de développement dans ce domaine, sinon la généralisation de l’équipement en machines Philips au fur et à mesure des possibilités budgétaires.
En 1984, la mise en place de moyens centraux IBM fonctionnant sous le système d’exploitation MVS permet de définir une politique de messagerie électronique ayant recours au logiciel IBM PROFS mondialement utilisé. L’ouverture à PROFS nécessite un niveau préalable d’équipement suffisant des secrétariats, puis des services, en consoles informatiques.
En juillet 1985, lancement d’une phase pilote avec quarante abonnés qui auront à coopter progressivement d’autres abonnés. Une politique volontariste amène à une croissance très rapide du taux d’utilisation, comme le montrent les chiffres suivants :
Croissance du nombre d’abonnés actifs à PROFS
01/06/86 | 40 |
1er trimestre 1987 | 100 |
3eme trimestre 1987 | 200 |
01/06/88 | 400 |
01/06/89 | 800 |
3 eme trimestre 1990 | 1000 |
La totalité du personnel à partir de 1991 |
La mise à disposition d’informations générales dans le cadre de PROFS aboutit à SIA début 1989.
On peut affirmer qu’associée aux autres produits qui seront mis en place (voir chapitres suivants), la réussite de l’implantation de PROFS et la pleine adhésion des utilisateurs constituent un atout déterminant dans la rapidité de circulation de l’information et par là même apportent une contribution notable à la réduction des cycles d’études et de production.
Parallèlement, la mise en place d’un service central de PAO pour la production des documents est effectuée avec le produit DCF d’IBM, implanté sur le site central début 1986.
Compte tenu des progrès considérables effectués par les systèmes de traitement de textes implantés sur les PC, l’utilisation de DCF est vite limitée à la production des dossiers lourds (propositions par exemple). La mise en place de PC, d’abord progressive puis massive à partir de 1985, généralise l’utilisation des systèmes à traitement de textes, d’abord Visiotexte en juin 1986, puis Manuscript début 1988, lui-même remplacé par Winword au milieu de 1992 ; de même l’utilisation du tableur Multiplan à la fin de 1984, remplacé par Lotus au milieu de 1992, offre à chaque utilisateur des moyens de gestion personnalisés, en connexion avec le système central.
La CAO
À ce niveau, il est nécessaire de rappeler qu’Alcatel Espace exerce deux types de métier fondamentalement différents :
– une activité systèmes et projets qui relève du domaine et des techniques de l’ingénierie ;
– une activité d’équipementier qui relève des techniques de l’industrie électronique où l’on retrouve des tâches d’étude, de conception, de production, de mise au point et d’essais.Nous avons traité précédemment d’activités informatiques s’appliquant à l’ensemble des activités d’Alcatel Espace et contribuant à leur synergie mutuelle. À partir de maintenant, les applications informatiques dont nous parlerons sont essentiellement spécifiques de l’un, puis de l’autre des métiers fondamentaux d’Alcatel Espace, à quelques exceptions près.
Cette distinction n’est pas évidente au départ, les métiers de la société n’étant pas encore bien affirmés. C’est en tout cas à travers la mise en place des applicatifs traités plus loin qu’Alcatel Espace pourra faire les progrès de compétitivité qui non seulement lui permettront de rattraper son retard et de se rendre crédible, mais aussi de figurer en tête au niveau mondial pour l’efficacité de ses méthodes de travail.
Nous traiterons tout d’abord de l’activité équipements. En 1982, l’activité équipements se limite essentiellement à des équipements hyperfréquences et à quelques circuits électroniques associés.
En matière d’informatique, on trouve quelques HP 9845 dans les labos, utilisant des PROM de fonctions mathématiques, et déroulant des programmes écrits en BASIC par les ingénieurs. Le Service Antennes utilise des programmes issus de Thomson Bagneux tournant sur un vieux (déjà) HP 1000.
Simultanément, il apparaît qu’il faut gérer la production des équipements (gestion de production) et qu’il faut améliorer l’efficacité de la conception tant au niveau électrique qu’au niveau mécanique. C’est ainsi que commence en janvier 1984 une évaluation des produits de CAO mécanique CADAM CATIA sur IBM, ainsi que de STRIM de la CISI sur VAX 780.
Cette évaluation conduit au choix de CADAM CATIA en avril 1984. Les premiers travaux opérationnels commencent en septembre 1984 (six postes de travail en noir et blanc).
CATIA est toujours utilisé aujourd’hui. C’est un outil dont l’utilisation a été rapidement généralisée de manière exclusive, y compris en dehors de l’activité équipements, pour couvrir l’activité systèmes, telle que l’implantation de charges utiles par exemple.
Des efforts d’investissements importants en consoles graphiques couleur, en augmentations successives de puissance de traitement central, en formation et… persuasion des personnels sont consentis de manière ininterrompue depuis 1984.
On peut affirmer que de ce fait le potentiel de compétitivité d’Alcatel Espace dans le domaine de la CAO mécanique est au tout premier rang des constructeurs, d’autant que, parallèlement, les outils de simulation thermique appliqués aux modèles géométriques de CATIA ont permis de traiter simultanément les aspects mécaniques et thermiques.
Si le développement de la CAO en matière mécanique et thermique a commencé dès le début de 1984, sous l’impulsion de Raymond Pache, avec une préparation des esprits satisfaisante, on ne peut en dire autant de la CAO électrique avec laquelle il est impossible au départ de trouver des solutions fédératrices crédibles. Trois domaines sont à traiter :
– les antennes ;
– les conceptions hyperfréquences ;
– plus tard, l’électronique numérique rapide.• Les antennes
En 1982, la conception des antennes ne pose pas de problèmes très critiques, à la fois en raison de la masse d’expérience et d’expertise d’origine Thomson, en particulier en la personne de Bruno Vidal Saint-André, et parce que Alcatel Espace peut continuer de se servir des logiciels initialement développés à Thomson-CSF (Profil par exemple).
Ce n’est pas à cette époque le problème le plus urgent à résoudre. Ce n’est qu’avec les problèmes posés par les sources complexes d’Eutelsat, puis avec les antennes actives, que la CAO CADAM CATIA est introduite aux antennes, ainsi qu’un certain nombre de produits nouveaux (Sargasses, acheté à Thomson-CSF en 1990, passage de Profil sur IBM en 1986).
• La CAO hyperfréquences
L’aide à la conception des circuits hyperfréquences commence en décembre 1984 par l’utilisation de Touchstone, d’origine américaine. Contrairement à CATIA, la généralisation de l’utilisation de ce type de produit dans les laboratoires hyperfréquences est difficile, en raison de l’individualisme bien connu des «hypermen» mais aussi en raison des faibles performances du produit et de son caractère fermé.
La synergie créée entre la CAO hyperfréquences et la CAO mécanique aide à une systématisation d’utilisation des produits, et les évolutions des logiciels dans le cadre d’un environnement informatique sous UNIX permettent finalement à partir de fin 1990 (migration des logiciels de CAO hyper sur Academy sur station HP UNIX) d’atteindre dans ce domaine des niveaux d’efficacité satisfaisants.• La CAO électronique
Ce n’est qu’à partir de 1985, en prévision du développement de l’activité d’électronique numérique à Alcatel Espace, qu’est commencée l’évaluation d’un produit de routage des circuits imprimés (CBDS sur IBM).
Il apparaît rapidement que les insuffisances de CBDS ainsi que la nécessité de disposer d’un produit commun traitant à la fois la simulation et le routage doivent orienter vers d’autres produits, même si cela doit nécessiter d’autres supports informatiques qu’IBM. En août 1986, c’est le produit Mentor, exploité sur station Apollo, qui paraît le mieux adapté aux besoins d’Alcatel Espace.
L’évolution très rapide des fonctionnalités des logiciels disponibles sur le marché, leur aptitude à fonctionner dans l’environnement informatique UNIX amènent cette CAO électronique à croître quantitativement et qualitativement et à couvrir tous les domaines (ASIC au milieu de 1992).
On peut considérer que c’est en grande partie grâce à la détermination des personnels de ce secteur, qui fait de cette CAO électronique une réalisation collective, avec son utilisation dans un contexte d’intégration avec la CAO mécanique et thermique, que l’on peut expliquer la réussite technique et la compétitivité dans un domaine où l’expérience de la société n’est guère reconnue au départ (compétition avec Thomson dans le cadre d’Osiris, mémoires de masse pour le CNES par exemple).La gestion de production (GPAO)Dès juillet 1982, il apparaît nécessaire de mettre en place une gestion de la production des équipements. Compte tenu de la petite taille de l’unité et des faibles volumes à gérer, DSP adopte le progiciel PIGME utilisé dans quelques unités de Thomson-CSF, exploité sur MITRA 225.
Cette tentative est un échec relatif, car toute gestion de production nécessite un codage préalable des articles et un système de gestion des données techniques gérant les niveaux, les arborescences, les indices successifs, avec le paradoxe apparent que les faibles volumes traités incitent à la mise en place d’un produit peu sophistiqué, alors que les contraintes propres au spatial en matière de fiabilité exigent la traçabilité des composants et des composés, entraînant une gestion complexe de la configuration et exigeant de ce fait l’utilisation d’un système informatique de haut niveau de possibilités.
Après une réflexion menée en 1984 au niveau du Directeur Général adjoint et du Directeur de l’Informatique, on fait appel à la société Arthur Andersen pour évaluer les produits propres à traiter convenablement la gestion des données techniques et l’ordonnancement, en laissant de côté la gestion d’atelier, qui n’a pas d’aspect prioritaire.
Les produits mis en concurrence sont CMS Cullinet et MIMS de General Electric. MIMS est choisi en mai 1985. C’est un produit complexe, gros consommateur de ressources, mais qui, avec des développements complémentaires, répond parfaitement aux besoins des équipements. Le problème est aujourd’hui celui de son remplacement à l’issue de l’arrêt de la maintenance par son constructeur, prévisible à court terme, ainsi que l’amélioration de ses interfaces avec les utilisateurs.
À ce stade, il paraît utile de rappeler que la GPAO recouvre :
– la gestion des données techniques : nomenclatures, gestion des indices et des configurations, traçabilité, avec un nombre important de contraintes spécifiques (nombre de niveaux de gestion technique), particulier au métier d’Alcatel Espace. La maîtrise de la gestion des données techniques est un élément essentiel du niveau de risque encouru par la société ;
– le lancement et le suivi de la fabrication et des essais : gestion des besoins bruts, besoins nets, cadencements, suivi détaillé ou non au niveau des ensembles, sous-ensembles, pièces, composants.
Cette deuxième série d’applications utilise à chaque instant le référentiel de données techniques, mais sa conception est largement fonction de ce que la société entend privilégier à un moment où à un autre comme «flow-chart» de production (exemple : suivi au lot, à la pièce, etc. ; lancement unitaire par programmes, par quantités économiques, etc.).
Cette GPAO est pour Alcatel Espace un problème délicat car, selon toute vraisemblance, il n’existe pas de progiciel du commerce pouvant remplacer MIMS au niveau de la gestion des données techniques sans réécriture importante.
Le projet CIM
En janvier 1989, on peut considérer qu’Alcatel Espace dispose pour son activité équipements d’un ensemble d’applicatifs modernes et totalement opérationnels.
Toutefois, la nécessité d’effectuer de nouveaux gains de productivité entraîne la décision de lancer une étude prospective sur les évolutions des méthodes de travail, d’organisation et d’outils informatiques en faisant appel à des consultants américains. Le choix se porte sur Young (Los Angeles) qui travaille déjà pour Hughes. À l’issue de cette consultation, un projet de plan CIM (Computer Integrated Management) est établi.
Début 1991 un plan CIM est lancé en mettant plus particulièrement en avant les aspects faisant appel à l’ingénierie simultanée (concurrent engineering).
En 1993, une architecture client-serveur est mise en œuvre, reposant sur DB2, ensemble de logiciels IBM sous MVS, réalisant la gestion des communications avec le monde UNIX. Les principales fonctionnalités développées sont le lien GPAO articles-nomenclatures (MVS) et la CAO Mentor (UNIX), et le référentiel de test pour la gestion de configuration des données de test issues des essais ou de l’intégration. Ce type de solution sera quelques mois plus tard adopté par le CNES pour développer un référentiel de données spatiales.
La fin de l’année 1994 voit la création d’un groupe de projet animé par le Bureau d’Études sur le thème «Système de gestion des données techniques».
À ce stade on peut dire que l’évolution vers le CIM est loin d’être achevée, on pourrait parler de demi- succès, mais cette évolution est quand même la consta- tation d’une certaine avance d’Alcatel Espace sur beaucoup de ses concurrents. Avance qui ne se conservera que si une volonté très forte y est consacrée, mais cela ne relève plus de l’historique de l’informatique à Alcatel Espace !
La gestion des projets
La gestion des projets (plannings, gestion des tâches, suivi des coûts, plan directeur équipements) est inexistante sur le plan informatique au début de la société.
En septembre 1983, on fait appel à Arthur Andersen pour définir les besoins, puis pour assister l’évaluation des produits du marché. En février 1984, Artemis est choisi et on commence la constitution des équipes informatiques ainsi que la formation.
L’implantation de l’application sous MVS IBM est faite en juillet 1984. Bien que choisie essentiellement au départ pour la gestion des projets, cette première implantation s’avère un échec dès 1985. L’absence de motivation de la plupart des chefs de projet et de leur direction fait que le produit, contraignant à utiliser (renseignement des tâches, indication des charges, etc.), ne sert que pour gérer quelques diagrammes PERT, sans devenir l’outil de base du chef de projet. Il apparaît par ailleurs que l’absence de données fiables sur les plannings équipements rend de toutes façons l’utilisation d’Artemis très aléatoire au niveau des projets.
La décision est alors prise en 1985 de focaliser l’utilisation d’Artemis sur le plan directeur équipements et le suivi des équipements en planning et en charges aux niveaux ensembles et sous-ensembles.
D’importants moyens de formation y sont consacrés. Il faudra pratiquement deux ans de pressions fortes sur les personnels, accompagnées d’aides spécialisées, pour arriver à une situation globalement satisfaisante sur l’utilisation totale du produit (plus de produits individuels de gestion parallèle, début et fin des tâches correctement renseignés par l’utilisateur lui-même, reconnaissance de l’outil comme moyen exclusif de fédération des équipements entre eux et avec les projets).
Les difficultés rencontrées sont davantage d’ordre psychologique que technique. L’utilisation de ce type de produit engendre une transparence de l’information mal ressentie au début, ce qui nécessite une adaptation des habitudes et de la méthodologie d’utilisation (exemple : création d’un niveau zéro pouvant entre autres servir de «brouillon» et inaccessible à d’autres personnes sans l’accord de l’auteur).
La généralisation de l’utilisation d’Artemis au niveau des Projets peut alors se faire, en particulier au niveau des applications Telecom sous l’impulsion du projet Telecom 2, grâce à la détermination et à l’énergie du chef de projet, Robert Lainé, début 1987.
On peut affirmer que l’utilisation de ce type de produit de gestion à l’affaire est maintenant entrée dans les mœurs, mais qu’elle exige une volonté constante de la part de la Direction pour qu’aucun laxisme ne vienne risquer d’altérer l’efficacité et la fiabilité des résultats.
L’évolution des moyens
Il n’est pas d’applicatifs qui puissent fonctionner sans moyens matériels et sans systèmes d’exploitation. Au-delà des aspects anecdotiques des quelques mini-ordinateurs utilisés avant 1984 (MITRA 225, HP 1000, HP 9845), au cours du premier semestre 1984 est définie une politique très affirmée d’utilisation du système d’exploitation MVS sur IBM, cette politique devant assurer l’homogénéité et la compatibilité système entre les différentes applications qui vont être mises en place.
Le choix des logiciels d’application est donc fait dans cette optique restrictive. Une exception doit être faite en 1986 pour la CAO électronique après l’échec de CBDS. Mais dès cette époque, l’utilisation de l’informatique est suffisamment maitrisée pour que le respect de la politique générale soit assuré. Il en va de même de l’utilisation de VAX 8250 pour des études spécifiques de logiciels dans le domaine de l’observation.
La disponibilité ultérieure d’UNIX sous tous les types de machines permet d’assouplir nettement la politique initiale, tout en gardant les compatibilités voulues au départ. Les quelques chiffres suivants montrent la qualité de croissance des moyens.
01/07/84 | 1×4341 | 1,7 | MIPS |
01/07/85 | 2×4341 | 3,4 | MIPS |
01/06/86 | 1x3083B+1×4341 | 4,5+1,7 | MIPS |
01/02/87 | 1x3083E+1×4341 | 12+1,7 | MIPS |
01/12/89 | 1×3084+1×4341-12 | 25,0+8 | MIPS |
01/12/90 | 1×3090-300E+1×4341-12 | 47,0+8 | MIPS |
01/12/93 | 1×3090-40J | 83 | MIPS |
La politique consiste à faire appel systématiquement au marché de seconde main, permettant ainsi d’assurer la croissance des besoins avec des investissements modérés.
On ne saurait être complet sans mentionner les deux premiers VAX acquis en 1989 pour le traitement d’images et certaines applications scientifiques. Machines arrêtées respectivement en 1994 et 1995 et remplacées par un groupe de stations de travail DEC 3000 et 4000.
De même, la croissance du nombre de terminaux donne une bonne idée de ce que fut l’évolution de l’utilisation de l’informatique :
1984 | 50 terminaux | dont | 6 graphiques |
1985 | 120 terminaux | dont | 12 graphiques |
1986 | 300 terminaux | dont | 12 graphiques |
1987 | 450 terminaux | dont | 24 graphiques |
1988 | 700 terminaux | dont | 35 graphiques |
1989 | 900 terminaux | dont | 100 graphiques |
1990 | 1 000 terminaux | dont | 150 graphiques |
Stable au-delà |
PC | |
1985 | 50 |
1995 | 1 000 |
Conclusion
Le présent document ne constitue que le premier chapitre d’une histoire de l’informatique d’Alcatel Espace que nous espérons très loin d’être terminée.
Nous conclurons en disant que c’est par une parfaite connaissance du niveau des applications utilisées chez nos compétiteurs, et plus particulièrement les leaders, qu’il a été possible de doter la société d’un outil la plaçant au meilleur niveau. Mais nous ajouterons qu’aucune situation ne se conserve sans l’existence d’une volonté forte et d’une vue d’ensemble au niveau de la société.
4.11 – Les Services Généraux
Vélizy et Meudon
La mission des Services Généraux consiste principalement à :
– aménager les locaux et les maintenir en bon état d’entretien ;
– fournir le mobilier et procéder à son entretien et aux remplacements nécessaires ;
– organiser et superviser les déménagements.Lors de la création du Département Espace-Satellites (ESA) en 1970 à Vélizy, les Services Généraux de l’ancienne Division MAS continuent d’assurer l’entretien du centre, sous la responsabilité de Jean Unger.
En février 1974, ce dernier doit organiser le déménagement du Département vers le bâtiment E du centre de Meudon-la-Forêt. Le déroulement de ce déménagement ainsi qu’une anecdote qui s’y rapporte sont relatés dans le chapitre consacré au Département ESA.
L’année suivante, Jean Unger ayant pris sa retraite, les tâches incombant aux Services Généraux du Département à Meudon sont, jusqu’à l’abandon définitif du centre, sous-traitées aux Services Généraux de la Division TVT, qui en est l’occupant principal.
Ces services apportent également une assistance pour les déménagements de divers services et groupes de projet vers des locaux loués provisoirement à Texas Instruments, sur la zone de Vélizy, et à La Boursidière, au Plessis-Robinson.
Courbevoie
À partir du 1er janvier 1982, date de la création de la Division Espace (DES), il est décidé d’en implanter la Direction à Courbevoie. C’est là que sont installés progressivement les services administratifs ainsi que l’équipe du projet SYRACUSE mutée de la Division DFH de Levallois.
Cette nouvelle unité, dont l’effectif est d’environ cent personnes, est logée au Doublon, groupe de deux immeubles de bureaux situé à Courbevoie, c’est-à-dire dans le même département que Meudon (Hauts-de-Seine), ce qui facilite certaines démarches administratives.
Au départ, la Division occupe le septième étage d’un im¬meuble qui en compte neuf. Le premier étage est occupé par le GIE Telspace, groupement d’intérêt économique ayant pour partenaires Thomson-CSF et la Compagnie Générale d’Électricité, et chargé de l’ingénierie et de la commercialisation des stations terriennes de télécommunications par satellites.
Ce voisinage est très utile lorsque les Services Généraux de la Division, nouvellement créés et placés sous la responsabilité de Christian Bonneau, doivent procéder à l’aménagement des 1 300 mètres carrés entièrement vides de tout cloisonnement qui viennent d’être loués. L’assistance de la Division DFH est également très utile sur le plan de la logistique.
La Division prend possession des locaux le 1er février 1982 et Christian Bonneau y entre en fonction le même jour. Il s’installe provisoirement chez Telspace. L’état des lieux avec le bailleur intervient le 4 février, et les travaux commencent aussitôt.
Pour l’installation, il faut prévoir pratiquement tous les meubles et équipements de bureau (photocopieurs, téléphones, Télex, etc.). En effet, fort peu de choses ont été rapatriées de Meudon, la majeure partie devant partir à Toulouse et le reste étant récupéré par TVT, ou réformé car en mauvais état.
Du fait des marchés en cours avec la Défense nationale et de la future habilitation «Confidentiel Défense» (et par la suite «Secret-Défense»), des dispositions particulières de sécurité doivent être prises en liaison avec les autorités compétentes. Des meubles spéciaux sont achetés à cet effet.
Plus tard, au moment de l’habilitation «Secret-Défense», des dispositions plus sévères seront prises, avec la mise sous protection spéciale d’un étage complet abritant la Division SYRACUSE.
L’emménagement commence au début de mars 1982 et la vie au Doublon s’installe progressivement dans une atmosphère feutrée et climatisée très différente de celle des centres industriels d’où viennent la plupart des membres du personnel.
La Division étant en location dans un immeuble qui abrite dix-sept sociétés, certains services communs peuvent être utilisés, dont le restaurant interentreprises, qui sert quelque mille deux cents repas par jour, et sa cafétéria. Les avis du personnel sont en général favorables à la nouvelle formule de restauration en libre-service, encore peu courante à l’époque dans les restaurants d’entreprise. Une commission de surveillance de ce restaurant siège tous les trimestres, chaque société y étant représentée par le responsable de ses Services Généraux.
Parmi les équipements communs, il y a lieu de mentionner un parc de stationnement souterrain situé sous l’immeuble et mis à la disposition de tout le personnel, avantage appréciable dans une zone urbaine très dense.
Les Services Généraux de la Division doivent également organiser la sécurité incendie : mise en place d’extincteurs, rédaction des consignes de sécurité, désignation de pompiers et de responsables d’évacuation qui suivent des formations appropriées. Un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est mis en place, en liaison avec le comité d’établissement.
À la suite de l’expansion de la Division Espace, puis de la société Alcatel Espace, les Services Généraux devront gérer un accroissement des surfaces occupées au Doublon, qui passeront de 1 300 mètres carrés en 1982 à près de 4 000 mètres carrés en 1994, avec en plus du septième étage initial la moitié des troisième et sixième étages, et la totalité du premier qui sera reprise en avril 1984 lors du départ de Telspace vers Cergy.
En janvier 1985, les bancs de tests du programme SYRACUSE sont transférés à Cergy.
Enfin, à partir de février 1994, l’ensemble du centre de Courbevoie déménage pour aller s’implanter à Nanterre, dans un bâtiment entièrement neuf, partagé avec Alcatel Telspace.
Claude Delaneau, en qualité de responsable des Services Généraux et d’officier de sécurité de l’établissement de Courbevoie, organise le transfert vers Nanterre.
Toulouse
Au milieu de l’année 1982, le Département DSP commence à s’installer à Toulouse dans une partie de l’usine du Mirail jusque-là occupée par la CITEC, filiale informatique de Thomson-CSF. Un atelier de mécanique et une salle blanche de 800 mètres carrés y sont créés ainsi que des bureaux. DSP n’y possède pas encore de Services Généraux. Seul Louis-Claude Richard assure l’interface avec les Services Généraux de CITEC, à la tête desquels se trouve Gérard de Brichambaut, qui dirigent les travaux d’aménagement intérieur des locaux. La surface occupée par DSP au Mirail passe de 2 500 mètres carrés au milieu de 1982 à 10 000 mètres carrés au milieu de 1983.
Les travaux de construction du site de Candie ont commencé en août 1982 avec un planning qui prévoit douze mois pour la disponibilité du bâtiment C et dix-huit mois pour celle du bâtiment D. Louis-Claude Richard est responsable des aménagements intérieurs de ces nouveaux bâtiments en liaison avec l’architecte. Le bâtiment C regroupe toutes les productions et les stockages d’énergie et de fluides : froid, air comprimé, azote, vide, et même le central téléphonique. Afin de définir avec précision les différents raccordements à effectuer, des plans détaillés d’aménagement sont demandés aux responsables des divers services utilisateurs.
Pour assurer l’entretien, il devient urgent de créer des Services Généraux à DSP. C’est dans ce but que Gérard de Brichambaut, pressenti par Philippe Blanchet, Directeur de DSP, rejoint le Département au début de 1983. Tout reste alors à faire :
– embaucher le personnel et organiser le service ;
– assurer l’intendance en mobilier (car, pour diminuer le volume du transfert à partir de Meudon, seuls les documents et les machines sont déplacés vers Toulouse) et en vêtements (blouses de travail pour la mécanique et la salle blanche);
– organiser le nettoyage du site et l’entretien des espaces verts ;
– choisir le restaurateur et son mode de fonctionnement (le «scramble» est adopté pour sa souplesse ainsi que le mode de paiement par badge d’identification personnel) ;
– satisfaire les besoins en communications (fax, téléphone), choisir le standard téléphonique, organiser le courrier et satisfaire les besoins en papeterie ;
– organiser le transport du personnel en autobus entre les deux centres Mirail et Candie, ainsi qu’avec Toulouse, créer une navette ;
– prévoir et mettre en œuvre la sécurité du site avec les plans d’évacuation et la pose d’extincteurs ;
– mettre en place le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;
– prendre en compte le potentiel technique des nouveaux bâtiments.
En juillet 1983, les Services Généraux prennent possession des installations de Candie qui restent sous garantie biennale, les entreprises devant en assurer la maintenance et la formation du personnel.
En août 1983, le transfert du personnel à partir du Mirail commence au rythme de vingt personnes par jour. Malgré les plans d’aménagement déjà établis, tout «bouge», tout est à refaire et, malgré cela, tous les raccordements sont assurés dans la journée, quelle que soit leur importance. Le personnel continue cependant de se restaurer au Mirail. Le restaurant du bâtiment S de Candie entre en fonction en septembre.
Après la décision de différer la construction du bâtiment A, il devient nécessaire pour loger les bureaux qui y étaient destinés d’aménager pour ces derniers le premier étage du bâtiment D.
Pendant toute cette période, l’activité industrielle du Département est répartie sur trois sites, ce qui compromet gravement la productivité et entraîne des dépenses excessives. Il convient donc d’accélérer les transferts. L’opération s’étale néanmoins sur deux ans au fur et à mesure des livraisons des surfaces à Candie ou des locations au Mirail. Les Services Généraux, placés sous la responsabilité générale de Jacques Rosmorduc, doivent faire preuve d’une intense activité afin de pourvoir à tous les besoins : implantations, aménagements, transferts, moyens techniques (électricité, téléphone, climatisation), moyens administratifs (mobilier, papeterie, courrier), entretien (nettoyage, espaces verts), sécurité incendie, sûreté (protection du secret-défense), restauration.
Après la création d’Alcatel Espace en 1985, des temps difficiles reviennent en 1986 et 1987. Principalement en raison d’une réduction d’effectifs, il est décidé de rapatrier toutes les activités toulousaines sur le site de Candie ou à proximité immédiate. Cette opération est rendue possible par la construction du bâtiment industriel B, par la création de surfaces de bureaux dans les couloirs du bâtiment D et par la location de surfaces de bureaux dans le bâtiment Z, situé de l’autre côté de l’avenue Jean-François-Champollion et considéré de ce fait comme intégré à Candie. Jacques Rosmorduc prend la direction des opérations. Les Services Généraux sont chargés de l’exécution. L’équipe bâtiment assume en particulier la lourde tâche de récupérer environ 2 500 mètres carrés, soit 200 tonnes, de cloisons au Mirail pour les réinstaller à Candie. Malgré tous ces mouvements le personnel doit maintenir sa productivité.
Enfin, le 30 avril 1987, soit quarante-cinq mois après le premier emménagement à Candie, les activités toulousaines d’Alcatel Espace sont enfin réunies sur un seul site et les Services Généraux vont pouvoir «souffler».
Gérard de Brichambaut ayant pris sa retraite et Jacques Rosmorduc étant parti vers d’autres fonctions, Jean-Pierre Banquey prend alors la tête des Services Généraux qui englobent les activités transferts et aménagements.
Les temps devenant meilleurs et la croissance réapparaissant, de nouvelles surfaces deviennent nécessaires et 3 000 mètres carrés sont loués dans un bâtiment baptisé Z’, à proximité de Candie.
Et tout bouge à nouveau ! L’occupation des bâtiments Z et Z’ ne convient plus. Les activités qui y sont implantées sont finalement trop excentrées. Il est décidé en 1988 de construire un nouveau bâtiment de 6 000 mètres carrés destiné à la Direction et aux Services Commerciaux. Louis-Claude Richard est chargé de coordonner les études. Toutes ces surfaces sont livrées en 1989. Encore une fois les Services Généraux ont été sur la brèche. Il y a lieu de noter que la modularité des implantations des énergies, de la climatisation et des cloisonnements a facilité les tâches de raccordement des bureaux.
1990 est l’année où toutes les activités ont chacune leur bâtiment comme il était prévu en 1982 dans le projet initial du permis de construire. 44 000 mètres carrés sont sortis de terre, sur lesquels travaillent 1 100 personnes.
Depuis, d’autres bâtiments sont nés, et d’autres naîtront encore, les Services Généraux continueront d’être sur la brèche. Tout laisse à penser que l’élan fut profitable à tous.
4.12- Les finances et la gestion
Jusqu’à la création au 1er janvier 1982 de la Division Espace (DES) de Thomson-CSF, les activités spatiales sont abritées dans des unités plus importantes dont elles bénéficient du support logistique, notamment en matière de finances et de contrôle de gestion.
Jusqu’au 1er janvier 1982
Les principaux responsables administratifs qui auront en charge, entre autres, les activités spatiales sont nombreux. Il convient, notamment, de souligner le rôle des hommes suivants.
• Chez CSF, le contrôle de la gestion est assuré par Yves Le Polles, sous le couvert de l’amiral Combes. La comptabilité est alors tenue au sein du Département de Physique Appliquée par Georges Malgoire.
• Chez Thomson (MRA puis MAS), le contrôle est placé sous l’autorité de M. Gruyer.
• Chez Thomson-CSF, plusieurs responsables sont à citer :
– à AVS/ESA : André Pacallet, assisté par Paul Pharisier ;
– à DFH/DSP : Jean Chedeville, également assisté par Paul Pharisier, et agissant sous le couvert de Jean Lemaitre.
Du 1er janvier 1982 au 31 décembre 1983
La Division Espace est créée par Thomson-CSF au 1er janvier 1982, et Gérard Coffinet en est nommé Directeur. Sur le plan administratif et financier, des équipes autonomes sont constituées autour de Jean Chabredier qui va s’installer à Courbevoie (le Doublon) avec une équipe qu’il a constituée peu à peu. Cet HEC de 36 ans sera assisté de Serge Macon (chef comptable), un vieux pilier de Levallois puisqu’il y est entré en «culottes courtes» et y a successivement apporté une assistance efficace à Eugène Depaoly, auquel Georges Malgoire a succédé, puis à Roger Bonhommet. André Bussière sera responsable de la paye du personnel (sous le contrôle fonctionnel de Jean Lasquellec, chef du personnel).
La facturation et les recettes de trésorerie sont animées par Yves Louet, lui aussi un ancien de Levallois, et le suivi des affaires par Claude Delaneau, Pascal Mazaud, Françoise Robin, Jean-Pierre Thorel. L’informatique de gestion est conduite par André Barone.
À Toulouse, le contrôle de gestion des premiers éléments transférés de Meudon à l’usine du Mirail est assuré par Jean Gaich, récemment muté de la CITEC (ex-CII/Toulouse) dont il était le chef comptable.
Jean Chabredier sera vers la fin 1983 appelé à des responsabilités plus importantes au sein du groupe.
Du 1er janvier 1984 au 31 décembre 1993
Nous sommes au premier trimestre 1983 : Jacques Imbert vient de céder la SEMS (dont il était Président) à CII-HB ; il prend les commandes des activités Transmis¬sions de Thomson-CSF, dont DES fait partie. Mais déjà les Présidents des groupes Alcatel et Thomson négocient un vaste plan de regroupement (sous le pilotage d’Alcatel) des activités Télécommunications Civiles des deux groupes. Ce sera chose faite avec effet rétroactif du 1er janvier 1984.
Jacques Imbert est ainsi le premier Président de la toute nouvelle Alcatel Thomson Espace, et le Directeur Général en est Gérard Coffinet. Georges Malgoire prend la responsabilité de la Direction Administrative et Financière (DAF) avant d’être nommé, quelques années plus tard, Secrétaire Général d’ATES. Cet expert-comptable fera toute sa carrière dans le groupe puisque, entré en 1959 à CSF rue du Maroc (sous le couvert de l’amiral Combes), il sera en charge des comptabilités de DPA, puis DTV à Issy-les-Moulineaux (sous le couvert de François Polonsky), du groupement TTR à Levallois (sous le couvert de Michel Barré), de la CII-Cie internationale pour l’informatique (sous le couvert de Michel Barré), puis DAF de la SEMS (dont le dernier Président est Jacques Imbert).
À partir de 1992, le rôle du Secrétaire Général d’ATES vise à coordonner l’activité de quatre Directeurs.
• Un Directeur des Services Financiers, Philippe Guillaumie, qui a la responsabilité :
– du support commercial, d’une part. Cette mission, confiée à Monique Blanc, assistée de Jean-Pierre Note, part du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Aussi la DSF est-elle toujours lourdement impliquée dans les négociations financières des contrats de vente ou des sous-contrats avec nos partenaires et dans les montages financiers subséquents, démarches officielles, interventions auprès de la Coface, etc. ;
– du Service Contrats et Marchés, sous couvert de Jean Gaich, assisté en particulier de Maddy Meric, Brigitte Franceschi, Catherine Millard, et de Françoise Robin qui administre les recettes et les cotraitances, relance les règlements, en bref «assure les fins de mois» ;
– des questions d’ordre juridique sous le couvert d’Arlette Lefeuvre : qu’il s’agisse du secrétariat général des conseils et assemblées, des litiges et du contentieux, de la propriété industrielle (brevets, licences, marques…), des baux, du SVP juridique au bénéfice des diverses Directions de la société, des assurances des biens mobiliers ou immobiliers…;
– de la comptabilité centrale tenue par Bernard Millard, en charge de l’établissement du bilan et des comptes officiels de la société et consolidés, des divers travaux d’ordre juridique ou fiscal les concernant, de la consolidation avec la maison mère, des vérifications officielles, contrôles de prix, contrôles fiscaux… Notamment, en ce qui concerne les relations d’ATES avec le SECAR (qui assure le contrôle des éléments généraux de coûts – EGC – pour le compte de la Délégation générale pour l’armement), il est secondé par Pascal Mazaud, interlocuteur privilégié de Bertrand de Brabant, puis par Michel Gangnard, représentant le SECAR ;
– de la gestion de la trésorerie, assurée par Michel Fonsagrive, qui assure le risque de change, négocie les meilleures conditions de placement ou d’emprunt auprès des banques (opérations dites de «front office»).
• Un Directeur des Services Économiques, Claude Argagnon, responsable :
– du contrôle de la gestion d’ATES, placé sous l’autorité de Gabriel Frayssinet, assisté de Denis Sallot des Noyers et Pierre Couderc, qui émet les consignes budgétaires, consolide et critique les demandes des budgets et les fait approuver par la Direction Générale. Il suit la réalisation des budgets et «tire la sonnette d’alarme» en cas de dérapage, tant au niveau de chaque affaire qu’au niveau de chaque unité. Par ailleurs, le contrôle de gestion participe étroitement à l’établissement des plans à moyen terme à cinq ans. En outre, le contrôleur de gestion a la responsabilité des comptabilités :
– comptabilité analytique d’exploitation. Dans ce but, il tient les diverses fiches de prix de revient des produits, programmes ou unités, et en compare les budgets avec les réalisations ;
– comptabilité générale, sous le couvert de Marie Drousie, et en particulier des comptabilités divisionnaires : fournisseurs (qui ordonnance et mandate les paiements, sous le couvert de Frédérique Bion), investissements (coûts et existants, sous le couvert de Charles Vidal), paye du personnel (sous le couvert de Jean-Paul Ghozlan), relations bancaires quotidiennes, dites de «back office», sous le couvert de Micheline Guéranger ;
– de l’informatique de gestion, où Jacques Serville intervient tant dans la conception des programmes de gestion que dans leur exploitation sur matériels déportés ;
– de l’exploitation des diverses unités et groupes projets de la société et dont Roger Meynier, aidé d’Aurélio Gonzales, assure le pilotage, en particulier celui des plannings d’affaires ou d’équipements.• Un Directeur des Risques Spatiaux, Pierre Miquet, dépendant de la DAGRI d’Alcatel Alsthom, mais détaché auprès d’ATES pour gérer les risques en orbite et mettre en place les solutions les mieux adaptées à la couverture d’assurance de ces risques.
• Un Directeur du Contrôle Financier des unités de la Space Division et des accords «Alliance», sous le couvert de Xavier Loeffel, dont le rôle vise à assurer le suivi des budgets et des comptes de la Space Division (et, dans ce but, assiste également le Directeur Exécutif, Pierre de Bayser) et de la participation d’Alcatel Espace dans Space Systems Loral.Durant toutes ces années, et depuis 1971, Georges Malgoire sera assisté de Françoise Tréfeil dont l’efficacité n’aura de pair que ses grands éclats de rire qui réchaufferont tant l’atmosphère, toujours sévère, des Services Financiers.
Au cours de l’année 1993, Georges Malgoire part en retraite. Son successeur, Benoît Tellier, possède une formation qui déroge à la tradition dans le monde de l’espace : l’ENA. Pour lui, c’est une totale révolution professionnelle : après le quai d’Orsay et le grand export du groupe Alcatel, il veut lui aussi se rapprocher du terrain ; il le fera aux Câbleries de Lens en qualité de Directeur Général adjoint, avant de venir au soleil de Toulouse occuper des fonctions de DGA chez ATES.
Il y découvrira un monde peut-être plus complexe qu’il n’imaginait et qui lui permettra de donner la mesure de son imagination, car il en faut pour assurer les montages sophistiqués que réclame le métier de maître d’œuvre et d’opérateur que commence à exercer ATES. Il va ainsi, en qualité de Directeur Général adjoint, reprendre les diverses fonctions qu’assumait Georges Malgoire, plus certaines que lui confiera le Directeur Général, à commencer par la supervision des affaires sociales.
Appelé à des fonctions plus importantes au sein de l’état-major du groupe, Benoît Tellier va céder son poste à Lionel Fleury, l’un de ses condisciples à l’ENA, docteur en physique nucléaire, ancien Directeur Général de l’Agence France-Presse, et ayant fait ses premières armes au sein du CNET où il gérait déjà des programmes spatiaux, à commencer par Telecom 1.
On souhaiterait citer tous les membres de l’équipe, mais la place manque. On se contentera de raconter une anecdote. Dans le courant de l’année 1992, la Direction Générale d’Alcatel NV entreprend de faire l’inventaire des compétences en matière administrative, comptable et financière du groupe. Elle désigne pour ce faire un cabinet spécialisé qui fait le tour approfondi de toutes les unités. Dans le palmarès, ATES est citée comme ayant probablement l’équipe la plus compétente et la plus motivée du groupe. On ne peut en tirer meilleur présage pour l’avenir.
Enfin, il ne faut pas déduire des principes évoqués ci-dessus que l’ensemble de la fonction finances/contrôle de gestion est exercé au sein de la DAF ; une partie notable de cette activité est décentralisée au sein des «groupes de projet» ou des directions opérationnelles et sera examinée avec eux. Leur rôle de «trait d’union» entre les opérationnels et la DAF est irremplaçable.
La gestion des plannings
À la Division Matériels Aérospatiaux, la gestion des plannings des affaires spatiales est, en raison des exigences des clients et des maîtres d’œuvre du domaine, l’objet de soins particuliers. Un membre du Bureau de Dessin, Jacques Vincent, est chargé d’établir et de faire évoluer les diagrammes PERT de chacune des affaires spatiales en cours. Dans ce but, il rassemble les données fournies par les différents Services participants afin de les analyser, d’en faire la synthèse et de définir l’articulation et la séquence des différentes tâches permettant de satisfaire au mieux les engagements contractuels pris vis-à-vis des clients.
Il doit ensuite se tenir au courant de l’avancement des travaux afin de détecter le plus tôt possible les menaces d’écarts, d’alerter les responsables et de définir avec eux les mesures correctives et les aménagements à apporter au réseau PERT concerné.
En 1970, lors de la création du Département Espace-Satellites, les mêmes procédures sont maintenues et Jacques Vincent continue d’exercer les mêmes fonctions.
Dans le programme Symphonie, des moyens plus importants sont mis en œuvre, mais ils le sont au niveau du groupe de projet interentreprises du CIFAS et les méthodes utilisées sont celles en usage à l’Aérospatiale. Au Département ESA, la gestion des plannings reste au niveau des équipements et ne nécessite pas de moyens supplémentaires. La gestion de l’interface entre ESA et l’Aérospatiale pose néanmoins quelques problèmes car cette dernière utilise la méthode dite des «potentiels», qui conduit à des diagrammes très différents de ceux de la méthode PERT.
Dès l’arrivée du programme Telecom 1, en 1980, où le Département Espace-Satellites, devenu DSP, est maître d’œuvre de la charge utile du satellite, il devient nécessaire d’instituer, en plus de la gestion au niveau des équipements, une gestion centralisée à celui du projet lui-même.
L’exploitation de la méthode PERT reste, dans une première phase, entièrement manuelle, une première tentative d’informatisation, en 1981, n’ayant pas été concluante. Les organismes clients imposent une édition mensuelle, parfois bimensuelle dans les périodes critiques, du dossier de plannings d’un projet (une trentaine de feuillets d’un demi-mètre carré chacun pour un modèle de vol de Telecom 1). Le groupe de projet doit également assurer la gestion des plannings des sous-traitants de sous-systèmes et d’équipements à partir d’informations prélevées chez les industriels au cours des visites techniques.
Par exemple, dans le groupe de projet Telecom 1, trois personnes assurent pendant trois ans une activité à plein temps pour gérer essentiellement le calendrier, à l’exclusion de toute information de charges ou de coûts :
– un dessinateur aligne des bulles et des barres, y porte les dates et les durées et met en évidence les chemins critiques ;
– un technicien, Évelyne Taravaud, collecte les informations auprès des laboratoires et des services de production, contrôle les dessins et signale les éventuelles incompatibilités au secteur industriel ;
– un ingénieur, Philippe Jost, étudie les chemins critiques, propose des solutions aux ingénieurs du groupe de projet et aux responsables industriels, et constitue l’interlocuteur du responsable du planning chez le maître d’œuvre ainsi que de l’organisme client.La résolution de la durée de chaque activité mentionnée dans un planning est la semaine pour une durée de vie moyenne d’un planning égale à dix-huit mois (modèle d’ingénierie, modèle de vol, intégration). Un feuillet traite le planning d’un équipement, d’un sous-système, d’une prestation (répéteur, récepteur, amplificateur de canal, antenne, intégration). Une unité significative du point de vue technique et industriel (sous-ensemble, pièce délicate, intervention critique…) fait l’objet d’une ligne dans le feuillet.
Cette manière de procéder, rendue nécessaire par l’absence de moyens automatisés, conduit à des tâches devenues obsolètes (dessin sur planche, écriture, édition, transmission de gros volumes de papier), mais elle présente, par contre, l’avantage de mettre en scène des interlocuteurs (le technicien et l’ingénieur) compétents et reconnus des responsables industriels et des groupes de projet extérieurs.
L’efficacité des interventions de collecte et de diffusion d’informations, de résolution de conflits et de validation des engagements est alors remarquable. Le chef de projet est réellement le responsable de la date de mise à disposition de la fourniture dans des conditions de coût minimales. Les conflits entre les différents projets sont mis en évidence, portés à la connaissance de la Direction et résolus à partir de considérations commerciales et de coûts.
Après l’échec, en 1981, de la tentative de passage à des moyens informatiques, une étude est confiée en septembre 1983 au cabinet Arthur Andersen pour estimer les besoins et aider à l’évaluation des produits disponibles sur le marché.
En février 1984, le système Artemis est choisi et l’on entame la constitution des équipes informatiques ainsi que leur formation.
La mise en place de ce système et son exploitation sont décrits dans le chapitre consacré à l’informatique.
4.13 – La communication
Dans les unités successives qui seront spécialisées dans l’Espace, aucun service affecté à la communication externe ni interne n’existera avant 1982, date de la création de la Division Espace (DES).
Au siège de Thomson-CSF, une Direction des Relations Publiques est chargée de toutes les tâches correspondant à ce qui sera appelé, plus tard, la communication. Elle dirige également la rédaction des différentes publications à destination interne ou externe telles que Telonde et Informations Thomson.
À la Division Matériels Aérospatiaux (MAS) et au Département Espace-Satellites (DSP), on fait appel à cette Direction pour toutes les manifestations en direction de l’extérieur et on participe, en tant que de besoin, à celles qu’elle prend l’initiative d’organiser, ainsi qu’à la rédaction d’articles dans les revues.
La manifestation la plus importante est le Salon de l’aéronautique et de l’espace qui se tient tous les deux ans au Bourget. Dès juin 1971, DSP y tient un stand particulier dans le pavillon de Thomson-CSF. D’abord modeste, ce stand prendra de l’importance au cours des années.
Quant à ce qui deviendra la communication interne, elle est à l’époque assez informelle. Le faible effectif du Département DSP, par exemple, permet à sa Direction d’avoir des contacts avec la plupart des membres du personnel sans qu’il soit nécessaire d’organiser des réunions officielles. Les choses se passent le plus souvent «en famille». Chaque année, en janvier, cette Direction, à l’instar des divisions de la compagnie, et bien qu’elle n’ait en charge qu’un département, organise, pour les cadres, une «réunion de début d’année» suivie d’un «pot» au cours de laquelle Jacques Chaumeron, après avoir présenté ses vœux, expose le bilan des activités du département pour l’année précédente ainsi que les perspectives des années suivantes. Certains événements exceptionnels justifient parfois l’organisation d’autres réunions des cadres du département ou de l’ensemble du personnel d’un service.
À partir de 1975, DSP est rattaché à la Division Faisceaux Hertziens (DFH) qui possède un Service de Relations Publiques, dirigé par René Bedoura. C’est donc ce service qui prend en charge les tâches de relations publiques liées à l’Espace.
Quand la Division Espace est créée, en janvier 1982, Guy Colin, qui vient de représenter Thomson-CSF en Chine, crée le Service des Relations Publiques de la Division. Il est le correspondant de la Direction du siège. Pour la communication interne, il est assisté par Maryse Bataïni qui contribue à la mise en œuvre d’une initiative de Gérard Coffinet, Directeur de la Division : le premier numéro d’Espace Info.
Ce numéro, daté de juillet 1983, est, exception faite de sa présentation sur papier glacé, assez modeste. Après un éditorial de Gérard Coffinet, un article fait le point sur la construction en cours du centre de Toulouse-Candie. Vient ensuite le premier article d’une série de dix consacrés à l’histoire des activités spatiales à Thomson-CSF et rédigés par Jacques Chaumeron. Cette série se terminera en 1986, au départ en retraite de son auteur. À l’instigation du chef du Service du Personnel Jean Lasquellec, quatre pages, intitulées Pour comprendre sa feuille de paye, donnent des explications détaillées sur les différentes rubriques de ce document. À la dernière page figurent un article qui laisse prévoir un déménagement de la Division vers Cergy-Pontoise et un «petit dessin», signé par Jacques Chaumeron, mettant les lecteurs en garde contre les «dépassements industriels».
Le deuxième numéro, daté de janvier 1984, est plus étoffé. Après l’éditorial et l’article historique, il traite du rapprochement entre les groupes Thomson et CGE et des perspectives qu’il ouvre, d’un accord avec les partenaires sociaux de la Division sur les modalités d’exercice du droit d’expression des salariés, de diverses nominations et distinctions au sein de la Division, des contrats récemment obtenus, du premier lancement de Spacelab, de l’avancement du programme Telecom 1, et de l’implantation de la Division en région parisienne avec, en plus un «petit dessin» sur «l’écartèlement» à venir de la Division entre Meudon, Toulouse, Cergy et une quatrième destination encore inconnue.
La publication continue, à échéances à peu près trimestrielles, jusqu’à octobre 1985. Elle connaît ensuite une longue éclipse de presque un an, et le dixième numéro ne paraît qu’en septembre 1986. Une sous-évaluation des moyens nécessaires pour continuer la rédaction et l’édition à Toulouse ainsi que les perturbations amenées par le plan social en sont la cause.
En juin 1984, la Division Espace a fait place à Alcatel Thomson Espace (ATES) et la première page est modifiée en conséquence.
Le numéro de juin 1985 donne le résultat d’un sondage effectué pour évaluer le degré de satisfaction des lecteurs et connaître leurs désirs pour l’avenir. Les articles historiques recueillent le maximum de suffrages, à l’opposé des dessins humoristiques qui ne semblent pas très appréciés.
À partir du numéro neuf, d’octobre 1985, la présentation du journal est assez profondément modifiée, dans un but d’homogénéité avec les autres publications du nouveau groupe auquel ATES appartient.
Pendant ce temps, le Service des Relations Publiques évolue, comme l’unité dont il fait partie, dans le sens de l’expansion. En février 1984 une Direction de la Communication Interne et Externe (DCIE) est créée et confiée à Françoise Sampermans qui vient d’effectuer, sur l’initiative de Jacques Imbert, futur président d’ATES, une enquête, suivie d’un rapport, sur ce qu’est devenu l’état d’esprit du personnel à la suite du transfert à Toulouse et de l’intégration des effectifs venus de la CII. Françoise Sampermans remplira, jusqu’en 1986, la fonction de directeur de la publication d’Espace Info. Guy Colin, qui est, entre autres, au sein de la DCIE, rédacteur en chef d’Espace Info, quitte ATES en mai de la même année pour retourner à la Direction des Affaires Internationales de Thomson-CSF. Il est remplacé par Patrick Chabaud qui vient du Service des Relations Publiques de DFH.
L’accession d’ATES à la responsabilité de maître d’œuvre de charges utiles a, depuis le programme Telecom 1, amené à étendre considérablement le domaine d’activités de la DCIE. Par exemple, un mois avant le lancement de Telecom 1A, un voyage de presse est organisé à Kourou, en collaboration avec MATRA et Arianespace. Pour le lancement, fixé au 4 août 1984, il faut mettre en œuvre, toujours avec MATRA et Arianespace, l’acheminement vers Kourou, par un vol spécial de Concorde, des invités de marque, puis organiser leur séjour ainsi que les excursions locales et les réjouissances, devenues traditionnelles après un lancement réussi.
Au fil du temps, ce genre d’activité finira par devenir une routine, malgré le souci permanent de l’éventuel «grain de sable» qui pourrait ternir l’éclat de ces manifestations de prestige.
Parmi les actions exceptionnelles au cours de cette période, on peut citer une présentation organisée au siège d’Alcatel, en mars 1986, à l’occasion du passage de la sonde Giotto à proximité de la comète de Halley.
À partir de janvier 1985, la DCIE, toujours dirigée par Françoise Sampermans, est placée sous l’autorité du Secrétaire Général d’ATES, Jacques Chaumeron. Également à partir de 1985, le stand d’ATES au Salon du Bourget quitte le pavillon de Thomson-CSF pour aller occuper une place prépondérante dans le pavillon d’Alcatel.
Le 1er février 1986, Françoise Sampermans est appelée à d’autres fonctions dans le groupe Alcatel. Les services de la DCIE sont placés directement sous l’autorité de Jacques Chaumeron, avec Patrick Chabaud responsable de la communication externe, et Gérard Pinneberg chargé de la communication interne. Ce dernier a succédé, en 1985, à Patrick Chabaud au poste de rédacteur en chef d’Espace Info.
En octobre 1986, Gérard Coffinet, Directeur Général d’ATES, quitte la société et Jean-Claude Husson lui succède. À la même date, Jacques Chaumeron part en retraite et n’est pas remplacé immédiatement au poste de Secrétaire Général. La communication interne est alors placée sous l’autorité de Martial Malaurie, Directeur du Personnel et des Affaires Sociales, et la communication externe sous celle de Jean-Louis de Montlivault, Directeur de la Division DMA.
Les outils de communication se diversifient
En 1989, une Direction de la Communication est à nouveau créée, sous l’autorité de Michèle Dubanton qui a rempli les mêmes fonctions depuis 1985 chez Crouzet (Sextant Avionique). Elle est directement rattachée au Directeur Général, Jean-Claude Husson. L’équipe est alors constituée à Toulouse de Gérard Pinneberg, Pascale Sartres, Nathalie Vives, Patrice Masini, et à Courbevoie de Catherine Blondeel et Roger Danon, Patrick Chabaud ayant rejoint un autre poste dans le groupe. La Direction s’agrandit ensuite, à Toulouse, d’Astrid Wensink, Brigitte Béjaud et Philippe Delobel. Ensemble ils ont déjà mis en place PATI, le premier support «écran» d’informations en temps réel qui vient compléter Espace Info.
L’événement le plus marquant de l’année 1990 est certainement la création d’ALVIA, la première borne interactive mise en place à grand renfort de rassemblement et de reconstitution de données historiques et actuelles (vidéos, films, textes, photos, etc.) sur le monde spatial. L’originalité est que chacun peut interroger ALVIA selon un menu très ouvert, aussi bien pour visionner des séquences techniques, historiques ou événementielles, que pour poser des questions dont les réponses sont soit déjà existantes dans la base de données, soit annoncées dans un délai précisé.
Alcatel Espace continue par ailleurs d’assurer une participation significative aux grands salons internationaux (Le Bourget ou ses équivalents aux États-Unis, en Russie, au Japon, à Genève, etc.). Cette habitude très professionnelle fait l’objet de préparations et d’échanges très conviviaux au niveau du groupe.
Les journées «portes ouvertes» s’institutionnalisent, une tous les deux ans, permettant aux familles, amis, partenaires, clients, fournisseurs, etc. de prendre la mesure des activités spatiales telles qu’Alcatel Espace les vit au quotidien dans ses bureaux, ses laboratoires, ses ateliers, ses radômes et autres salles d’intégration. Cette superbe vitrine garantit la fierté de tout le personnel.
Des partenariats internes s’instaurent pour aménager le «Point Info» où sont rassemblés tous les supports de communication.
L’équipe COM est appelée à se ressourcer périodiquement auprès de ses collègues d’autres unités du groupe. Françoise Sampermans, alors Directeur de la Communication au niveau du groupe, organise annuellement des réunions ou «conventions» destinées aux échanges et partages en toute convivialité.
En juin 1991, Michèle Dubanton, cédant au défi qui lui est proposé dans une autre société, quitte Alcatel Espace.
Elle est remplacée six mois plus tard, en décembre de la même année, par Rosy Tardivon. La Direction de la Communication est le spectateur attentif mais aussi le metteur en scène de quelques événements qui marquent le début d’une phase de développement intense de la société.
1992 voit le trentième anniversaire des activités spatiales de la société (Thomson et Alcatel confondus) et la dixième année de présence à Toulouse. Cette belle maturité est célébrée par des journées portes ouvertes organisées sur le site de Candie, aussi bien pour l’ensemble du personnel (Toulouse et Courbevoie) que pour les clients, élus, prestataires et universitaires locaux. L’intérêt du public est capté par de nombreuses expositions organisées dans les divers départements par les ingénieurs et techniciens, heureux de montrer à ces quelques milliers de visiteurs émerveillés leur participation aux avancées des télécommunications et aux découvertes spatiales. Le clou de la fête se situe dans la salle d’intégration qui a été transformée en un immense théâtre de son et de lumière.
À partir de la fin de 1991, avec le double lancement de Telecom 2 et Eutelsat II, la série de ces opérations connaît un rythme de cinq ou six par an. C’est là l’occasion, avec les autres industriels partenaires dans les programmes, d’organiser des voyages à Kourou pour des clients, présents ou futurs, ou des politiques. La bagarre est rude pour obtenir un petit quota de places quand on n’est pas tout à fait reconnu comme maître d’œuvre. Catherine Blondeel se bat vaillamment lors des réunions chez Arianespace pour pouvoir offrir un voyage de rêve aux heureux élus que la Direction Générale veut honorer. La liste d’attente est longue de ceux qui souhaitent vibrer aux vrombissements des moteurs d’Ariane et remettre leur coeur en marche lorsqu’elle a totalement échappé à leur regard dans le ciel guyanais.
Octobre 1993 voit l’aboutissement d’un long chemin parcouru par les équipes d’ingénieurs avec le lancement du premier satellite du programme Intelsat VII. Alcatel Espace y assume l’entière responsabilité de la charge utile : un contrat chèrement gagné à la fin des années quatre-vingt, dont les enjeux ont insufflé une nouvelle dynamique. On se doit donc de le célébrer avec tous ses acteurs, internes et externes.
Le site est le cadre d’une importante mise en scène avec la retransmission du lancement en direct, précédée et suivie d’une animation au cours de laquelle, devant un public composé de quatre cents invités de l’extérieur et des mille trois cents salariés, est présenté, commenté et illustré l’historique du programme. La France est, depuis quelques jours, paralysée par une grève particulièrement dure d’Air France, mais c’est à l’heure précise, 6 h 30 du matin, qu’Ariane décolle devant un parterre réunissant, entre autres, le maire de Toulouse, le Président et le Directeur Général du CNES, le Président de l’ESA et le Secrétaire Général de l’UIT. L’équipe des relations publiques toulousaine, Brigitte, Pascale et les autres, a relevé avec brio le défi de faire venir quatre cents invités avant le lever du jour.
Dans la série «grandes opérations», fin 1993, Alcatel Espace se porte candidat pour organiser dans ses locaux, sous l’égide de l’ESA et du CNES, un colloque européen sur les communications interorbitales, à l’occasion du retour sur terre d’IOC qui a fait un séjour de quelques mois en orbite basse. C’est un nouveau métier que la Direction de la Communication s’efforce d’apprendre très vite et avec un grand professionnalisme (dixit le responsable de l’ESTEC à Nordwijk). De nombreux intervenants se succèdent à la tribune de l’amphithéâtre devant un auditoire important. Chaque participant repart avec les actes du colloque, ce qui n’a pas été le plus facile à réaliser, tout organisateur de ce genre de manifestation sachant qu’il est toujours très difficile d’obtenir des conférenciers qu’ils communiquent les textes écrits de leurs interventions.
En 1994, Alcatel Espace prend un nouveau virage et devient opérateur de télécommunications dans le programme Globalstar, en association avec SS/Loral, France Télécom et quelques autres sociétés internationales. Pour en faire l’annonce, Alcatel se doit d’utiliser les moyens de communication les plus modernes, et c’est une vidéoconférence de presse qui est organisée depuis l’amphithéâtre de la rue Emeriau, en duplex avec Washington. Une centaine de journalistes américains et européens se trouvent ainsi répartis de chaque côté de l’Atlantique mais peuvent poser leurs questions indifféremment aux intervenants de France ou des États-Unis.
Un acteur de premier plan dans la région Midi-Pyrénées
Au cours de ces différentes années, Jean-Claude Husson œuvre personnellement pour la dynamisation du tissu industriel toulousain. C’est d’abord par la création et l’animation, avec la Météorologie nationale, du pôle «Toulouse Ouest Partenaires» (TOP), regroupant toutes les entreprises situées dans le périmètre sud-ouest de la capitale occitane : Thomson, Siemens, Motorola, etc. L’objectif est d’unir les efforts de ces sociétés particulièrement innovantes et créatrices d’emplois mais géographiquement délaissées par rapport aux grands campus déployés autour de MATRA Marconi Space et du CNES, pour leur donner un poids et un statut dans le dialogue avec les pouvoirs publics locaux (notamment pour l’amélioration des transports publics). TOP se veut également un pôle d’accueil pour de nouveaux industriels, originaires de Paris ou de l’étranger, cherchant à s’installer dans le secteur.
Alcatel Espace se positionne comme le moteur du groupe Alcatel-Alsthom en Midi-Pyrénées. Pas moins de seize filiales ou bureaux régionaux du groupe déploient leurs activités de Cahors à Tarbes : Alcatel Radio Communications, Cegelec, GEC-Alsthom, TITN-Answare, Sogelerg-Sogreah, etc. L’organisation de réunions et de manifestations de relations publiques permet de faire jouer la synergie entre les différentes activités du groupe, aussi bien vis-à-vis des clients qu’au niveau de la mobilité des compétences.
Toulouse est aussi le temple du rugby et Alcatel Espace anime déjà, depuis quelques années, le seul tournoi corporatif de la région, sous la férule passionnée de Christian Calmels. Une quinzaine d’équipes d’amateurs s’affrontent entre octobre et mars. En apportant son support et son savoir-faire organisationnel, la Direction de la Communi¬cation lui donne une nouvelle dimension, notamment pour la finale qui devient un grand événement «rugbystique» toulousain, avec un match au stade des Sept-Deniers suivi d’un banquet mouvementé, avec spectacle et «bandas», qui ne réunit pas moins de six cents convives.
En octobre 1994, Thierry Deloye succède à Rosy Tardivon. Le domaine de l’Espace ne lui est pas inconnu puisqu’il vient d’exercer les mêmes fonctions chez MATRA Espace, devenu plus tard MATRA Marconi Space. Ses responsabilités dépassent le seul cadre d’Alcatel Espace et s’étendent à la Division RSD (Radio Space & Defense) du groupe Alcatel Alsthom. L’équipe de la Direction de la Communication comprend alors Catherine Blondeel et Françoise Morvan à Nanterre, et Georges Hacher, Fabrice Beau, Astrid Wensink, Brigitte Béjaud, Pascale Sartres et Dominique Drousie à Toulouse.
Bien que le présent ouvrage ne relate en principe l’histoire de la société que jusqu’aux environs de l’année 1993, les éléments permettant d’aller plus loin dans ce chapitre ont déjà été rassemblés et il serait dommage de s’en priver.
L’activité et la présence d’Alcatel Espace au niveau international continuent de s’intensifier. Une Space Division regroupe désormais les activités spatiales du groupe en Allemagne, Espagne, Belgique, Norvège et Danemark.
En 1994 est réalisé un film institutionnel présentant Alcatel Espace comme l’acteur majeur des télécommunications en Europe.
Au Salon du Bourget, grand rendez-vous mondial de l’aéronautique et de l’espace, en juin 1995, Alcatel présente, comme tous les deux ans, ses réalisations et son savoir-faire dans le domaine de l’espace civil et militaire, dans un seul et même pavillon de plus de mille mètres carrés qui regroupe, au rez-de-chaussée, la partie exposition et, au premier étage, la partie bureaux et restauration. Plus de cent délégations officielles le visitent.
En octobre de la même année, à Telecom Genève, c’est le rendez-vous quadriennal des acteurs mondiaux des télécommunications, et la première apparition de Skybridge qui s’appelle à l’époque SATIVOD (SATellite for Interactive Video On Demand), constellation de satellites dédiée au multimédia.
La journée portes ouvertes de 1996 sur le site de Toulouse accueille plus de trois mille personnes. L’accent y est mis sur la complémentarité de tous les métiers de la société et leur contribution aux succès de l’entreprise.
La même année, un sommet industriel réunit sur le site de Toulouse tous les acteurs mondiaux du programme de téléphonie mobile Globalstar dont le groupe Alcatel est partenaire et pour lequel Alcatel Espace fournit les charges utiles des cinquante-six satellites.
En matière de communication interne, le 11 mars 1996, Netmag remplace PATI sur les écrans de télévision désormais disposés dans tous les bâtiments du site de Toulouse et à Nanterre. Un journal d’information hebdomadaire y est projeté pour les salariés.
Le nombre de salons auxquels participe Alcatel Espace sur les cinq continents ne cesse de s’accroître.
En avril 1997 naît un nouvel outil de présentation et de promotion des activités spatiales d’Alcatel : pas moins de cent soixante pages permettent aux «internautes» naviguant sur Internet de découvrir ou mieux connaître le métier d’Alcatel Espace, ses réalisations et son offre.
En juin, au Bourget, Broz fait son apparition et séduit les visiteurs. Personnage virtuel en trois dimensions, il est «interactif». Il dialogue avec eux en les appelant par leur nom grâce à un système très sophistiqué utilisant caméras miroirs et «motion capture». Broz est le porte-parole de Skybridge, programme phare de la société.
Le premier sommet industriel réunit à Toulouse les principaux partenaires du programme de radiodiffusion sonore par satellite Worldspace dont Alcatel Espace s’est vu confier la maîtrise d’œuvre deux ans auparavant.
En octobre, à Genève, la Direction de la Communication organise la communication d’Alcatel et du programme Skybridge auprès des mille représentants à la conférence mondiale des radiocommunications. Au programme : un «loft» transformé en bureau et salles de réunion pour y recevoir les délégations et poursuivre le «lobbying» entamé un an auparavant à l’échelon de la planète ; une «skybridgette», valise à roulettes remise à tous les représentants et leur permettant de transporter tous les classeurs offerts par les concurrents d’Alcatel (on peut encore en voir dans les aéroports !!!) ; enfin, une soirée réunissant mille deux cents personnes, dans le théâtre Pitoëff de Carouge, complètement transformé, «spatialisé» pour l’occasion et dans lequel une animation, sur le thème du cirque, vient illustrer et conforter les messages d’Alcatel/Skybridge.
Le succès de cette conférence est total : le projet Skybridge d’Alcatel, porté par l’Europe entière, mobilisée par et derrière Alcatel, se voit attribuer l’autorisation d’utiliser les fréquences demandées, malgré les tentatives «de tous ordres» du concurrent américain de le faire échouer.
Octobre 1997 voit aussi la naissance d’Intranet, l’Internet interne à l’entreprise. La Direction de la Communication, comme toutes les autres Directions de l’entreprise, dispose ainsi d’un outil d’information interne consultable par tous, à tout moment. Alcanet, l’Intranet du groupe Alcatel, lien ombilical entre ses cent vingt mille salariés, fait vraiment vivre ces derniers à l’heure de l’information.
En matière de publicité, dès 1997 l’accent est mis sur la capacité d’Alcatel à offrir des systèmes complets de télécommunications spatiales.
Dans le domaine de la communication interne, 1997 voit la naissance d’un réseau de correspondants. Un correspondant par Direction et un dans chacune des unités européennes de la Space Division contribuent très efficacement à la circulation de l’information dans la société.
Cet inventaire des supports de communication interne et externe serait incomplet si l’on ne citait pas la «Plaquette Bilan» annuelle publiée conjointement, de 1984 à 1993, par la Direction de la Communication et la Direction des Services Financiers. Ce document comprenait un résumé des principales activités de l’entreprise au cours de l’exercice écoulé, la situation du marché et des principales affaires, le bilan et ses annexes, le rapport du conseil d’administration à l’assemblée générale des actionnaires, et un résumé du bilan social. Simple document dactylographié destiné à l’information des organismes financiers et des administrations en 1984 et 1985, il devait devenir ultérieurement un véritable support de communication, illustré de photos et de graphiques, destiné à la communauté financière, aux administrations, aux clients et partenaires, aux grands fournisseurs et au personnel.
4.14 – La gestion du personnel et les affaires sociales
Vélizy et Meudon
Lors du rassemblement des activités de satellites au sein de la Division MAS de Thomson-CSF, en 1968, la gestion du personnel concerné est assurée par le Service du Personnel de cette Division. Ce service est dirigé par Jean de Reilhac, qui a pour adjoint Alfred Enaudeau et pour secrétaire Yvette Leclère.
En juillet 1970, après la création du Département Espace-Satellites (ESA puis DSP), le personnel du centre de Vélizy, qui appartient dès lors à la Division AVS, est progressivement réparti entre deux Départements : ESA et AVG (Avionique Générale).
Peu à peu, le personnel d’AVG est transféré au centre Guynemer d’Issy-les-Moulineaux. Cette opération s’effectue au cours de l’année 1971. Les surfaces rendues disponibles à Vélizy sont occupées par la Division Tubes Électroniques.
L’effectif du Département ESA qui reste alors à Vélizy est d’environ trois cents personnes, dont une partie travaille en sous-traitance pour le Département AVG. Une partie du Service du Personnel de Vélizy est transférée à Guynemer, et Jean de Reilhac rejoint une autre affectation dans le groupe Thomson. Alfred Enaudeau est nommé chef du Service du Personnel du Département ESA, toujours assisté par Yvette Leclère.
Ce nouveau service, bien que réduit à cinq personnes, assure malgré tout l’ensemble des tâches d’un service du personnel normal : gestion des dossiers individuels, recrutement, mutations, paye, etc. Il restera tel quel à Vélizy puis à Meudon jusqu’en 1979
Pendant la «traversée du désert», à partir de 1976, il doit organiser une importante réduction d’effectifs, d’environ quatre-vingts personnes, qui heureusement pourront toutes être mutées dans d’autres unités de la Compagnie.
C’est en 1979 que débute, sur ordre du nouveau Directeur de la Division DFH, Christian Loeffler, l’opération d’intégration de certains services du Département DSP à ceux de la Division DFH. Daniel Tassin, chef du Service du Personnel de la Division, donne, entre autres, sans même en informer le Directeur de DSP, l’ordre de transporter à Levallois tous les dossiers individuels des membres du personnel de DSP. C’est, pour ce qui reste du Service du Personnel de DSP, le début d’une période difficile qui ne prend fin qu’au 1er janvier 1982, date de la création de la Division Espace (DES) qui devient indépendante de DFH. Entre-temps, en 1980, Alfred Enaudeau est parti en retraite et a été remplacé par Christian Bonneau.
Dès sa création, sous la direction de Gérard Coffinet, la nouvelle Division organise le transfert du Département DSP à Toulouse. Sa Direction s’installe au Doublon, à Courbevoie, les services techniques et industriels restant provisoirement à Meudon. Afin de traiter les inévitables problèmes liés à cette nouvelle installation, un poste de chef des Services Généraux est créé et confié à Christian Bonneau. Le Service du Personnel de la Division est placé sous l’autorité de Jean Lasquellec qui s’installe à Courbevoie. Progressivement, le reste des membres de ce service rejoint Courbevoie. Il faut dès lors songer à la gestion du personnel du futur centre de Toulouse.
Jean Lasquellec ne souhaitant pas quitter la région parisienne, Martial Malaurie est embauché en juin 1982 pour créer un Service du Personnel à Toulouse et en prendre la direction. Basé provisoirement à Meudon, il occupe ce poste à mi-temps jusqu’à la fin de l’année 1982, puis à plein temps à partir de janvier 1983, en faisant de très nombreux voyages à Toulouse. En juillet 1983, il rejoint définitivement Toulouse.
Pendant ce temps, Jean Lasquellec, toujours assisté par Yvette Leclère, continue d’assurer la gestion du personnel restant en région parisienne jusqu’en 1984, année durant laquelle il rejoint une autre unité du groupe Thomson.
Les tâches réalisées par les divers membres du Service du Personnel pendant ces quelques années peuvent être évaluées en prenant en considération l’évolution des effectifs qui passent de 252 en janvier 1980 à 561 en 1982, puis à 949 en 1983 (337 à Meudon, 85 à Courbevoie et 527 à Toulouse), et à 996 en janvier 1984 (68 à Meudon, 113 à Courbevoie et 815 à Toulouse), avec un maximum temporaire de 1 006 au milieu de 1984.
Toulouse, Courbevoie et Nanterre
À la fin de 1984, Martial Malaurie prend la direction des deux Services du Personnel, l’un basé à Courbevoie, sous la responsabilité d’Yvette Leclère, et l’autre à Toulouse.
Celui de Courbevoie, important à l’origine, se rétrécit très vite à la suite de divers événements dont le principal est le plan social. La responsable du recrutement, Marianne Rerolle, vient de partir pour suivre les cours de l’Institut Supérieur des Affaires (ISA). Michel Lalanne a été affecté à d’autres tâches. La partie «paye» ayant été rattachée à Toulouse, les personnes qui en ont la charge sont parties dans d’autres unités de Thomson-CSF. Any Dales, qui effectue les opérations matérielles de mutations (billets d’avion, de train, etc.) et les transferts de dossiers individuels «par valise», est elle aussi mutée ailleurs dans Thomson-CSF.
Michèle Pèlerin, assistante sociale, ayant rejoint Toulouse, il n’existe plus autour d’Yvette Leclère qu’Odile Ogier et Muriel Guily. Dans les turbulences du plan social, ces deux dernières quittent la société et une seule personne, Soledad de Alba, est recrutée en interne pour la seconder.
Yvette Leclère dirige le détachement de Courbevoie jusqu’à son départ en retraite, le 1er avril 1991. Elle est remplacée par Martine Uter à laquelle succédera Sophie Lhuissier à partir de 1996. Entre-temps, le centre d’ATES en région parisienne a quitté Courbevoie pour aller s’installer à Nanterre.
À Toulouse, dès 1983, Martial Malaurie, qui vient d’embaucher comme secrétaire Véronique Danis, organise son équipe à partir d’une ossature constituée par des personnes mutées du centre Thomson-CSF du Mirail.
Le nouveau Service du Personnel (SPAS) se structure autour d’André Astre pour l’administration du personnel, de Serge Lioret pour le recrutement et la gestion des carrières, et de Paul Ricordel pour la formation. Jean-Pierre Trebel est chargé de la communication interne.
Parallèlement, Marie-Françoise Gaillard et Marie-Claire Lortet oeuvrent pour fournir des logements aux nouveaux arrivants de Meudon et pour inscrire leurs enfants à l’école, tandis que Dominique Tassara et Jean-Claude Martinet s’efforcent de trouver des emplois à leurs conjoints. Dans les deux cas, la tâche est rude mais menée avec conscience et efficacité. Au bout de quelques mois, Michèle Pèlerin échange son poste avec Thérèse Wagner, qui arrive ainsi à l’espace.
À la fin de 1984, André Astre, partant vers une autre usine de Thomson-CSF, est remplacé par Alain Devulder qui vient du centre de Laval. L’équipe de Dominique Tassara est dissoute. Marie-Françoise Gaillard est chargée de la communication interne, en remplacement de Jean-Pierre Trebel qui repart vers le centre du Mirail.
Pendant ce temps, le SPAS, installé initialement au Mirail, déménage vers Candie, où il prend possession de locaux situés dans le bâtiment d’intégration.
Arrive ensuite la dure période du plan social qui met le SPAS, devenu la DPAS (Direction du Personnel et des Affaires Sociales), à très forte contribution puisqu’il a la responsabilité de toute son organisation et du suivi de son déroulement.
À partir de 1987, une période de forte expansion recommence pour la société devenue Alcatel Espace (ATES). L’objectif fixé est une progression de cinq cents personnes en dix-huit mois, ce qui représente théoriquement une embauche par jour calendaire.
Il convient de structurer d’urgence le Service Recrutement, et c’est pourquoi Bernard d’Artensac, en provenance d’Alcatel Gigadisc, est embauché. Le Service Recrutement comprend désormais deux secteurs : un secteur «ingénieurs et cadres», sous la responsabilité de Bernard d’Artensac, et un secteur «non cadres» dirigé par Serge Lioret. Le Service Formation doit lui aussi se renforcer et Joëlle Guiraud vient pour seconder Paul Ricordel.
Le Service Administration du Personnel, toujours piloté par Alain Devulder, est divisé en plusieurs sections (paye, gestion des présences et du temps de travail, gestion des intérimaires, gestion mutuelle, assistante sociale) et conduit à son terme le grand chantier de rédaction et d’unification de toutes les procédures utilisées par la DPAS, pour aboutir au bien connu «Manuel gris» utilisé de nos jours.
Durant cette période «bouillonnante», les effectifs CDI (contrats à durée indéterminée), qui étaient descendus à presque huit cents, atteignent puis dépassent mille deux cents.
La DPAS «traverse» l’avenue Jean-François-Champollion pour aller s’installer au bâtiment «Aurélien 2». La crainte de la voir isolée s’avère sans objet, les salariés n’hésitant pas à franchir la rue pour venir chercher les aides et services habituels.
En 1989, elle déménage à nouveau pour s’installer au rez-de-chaussée et au premier étage du bâtiment A. L’infirmière, qui est restée stable, demeure au sous-sol du bâtiment C.
Les années suivantes aident à «digérer» le très fort nombre d’embauches qui vient d’être effectué.
En 1992, Bernard d’Artensac part en préretraite, bientôt suivi de Serge Lioret. Le premier est remplacé par Michel Burgan, qui arrive de la Direction de la Qualité, et le second par Jacques Lafon, qui vient de la Direction de la Fabrication. Michel Burgan prend la direction de la totalité du Service Emploi-Carrières unifié, avec pour missions premières de développer l’analyse des emplois et la méthodologie d’adéquation des compétences aux postes à pourvoir. Le but est de mettre au point un système rustique mais efficace, articulé avec l’entretien annuel d’activité, afin d’anticiper en permanence sur les besoins, sur les évolutions de métier et sur l’adéquation poste-personne. Cette démarche conditionne et permet de structurer fortement la politique de recrutement et la politique de mobilité interne.
Bien évidemment, le Service Formation, toujours dirigé par Paul Ricordel et son adjointe Joëlle Guiraud, est automatiquement partie prenante dans cette dynamique afin de mettre en œuvre toute la formation d’anticipation nécessaire.
Toutes ces organisations, réorganisations, évolutions se déroulent dans des périodes d’activité intenses et avec un coefficient d’efficacité qui mérite d’être souligné. Néanmoins, la course à l’adaptation et à l’anticipation s’accélérera encore par la suite. Mais cela est une autre histoire !