Chroniques d’un métier – Chapitre 2 – Les premières activités spatiales à Thomson et à CSF
Sommaire de navigation
- 2.1 Les débuts des activités spatiales à la Compagnie Française Thomson- Houston
- 2.2 La télémesure et la télécommande à Gennevilliers
- 2.3 Les débuts des activités spatiales à CSF
- 2.4 Le spatial après la création de Thomson-CSF
2 – Les premières activités spatiales à Thomson et à CSF
2.1 – Les débuts des activités spatiales à la Compagnie Française Thomson-Houston
Au début des années soixante, la Compagnie Française Thomson-Houston (CFTH) est divisée en quatre groupes correspondant à quatre types d’activité spécifiques :
– le Groupe Électronique ;
– Groupe Cuivre et Câbles ;
– le Groupe Mécanique électrique ;
– le Groupe Radio-Télévision.
C’est au sein du Groupe Électronique, consacré essentiellement à l’électronique professionnelle, que quelques personnes pensent que l’expertise de la Compagnie dans cette discipline devrait pouvoir trouver des applications, et donc des débouchés, dans le domaine spatial.
Dans le but de découvrir ces applications et de réfléchir aux moyens de leur mise en œuvre, un groupe de travail est créé, par une note de la Direction du Groupe Électronique en date du 13 octobre 1960, et dénommé «Espace». Un an plus tard, le 17 novembre 1961, une note également signée de Maurice Jean, Directeur du Groupe Électronique, annonce la création d’un organisme permanent, le Bureau des Activités Spatiales (BAS), dont le rôle doit consister «par une action aussi permanente et dynamique que possible, dans le cadre d’une politique cohérente, à mettre en évidence en temps utile, pour décision de la Direction du Groupe Électronique et de la Direction Générale, les options importantes de cette politique».
Suivent un certain nombre d’instructions plus précises énumérées ci-dessous :
«À cet effet, il devra :
– susciter et orchestrer tous contacts utiles avec les organismes appelés à connaître des questions d’espace, qu’il s’agisse d’administrations (CNES en particulier) ou d’organismes professionnels (Eurospace) ;
– promouvoir par tous moyens appropriés (conférences, publications, congrès, etc.) la présence de CFTH dans toutes les manifestations Espace ;
– proposer aux Divisions intéressées et appuyer toutes actions commerciales ayant pour objet d’assurer la position CFTH en matière spatiale ;
– recommander aux Divisions les orientations techniques nécessaires et suivre leur développement ;
– solliciter de la Direction du Groupe et de la Direction Générale toutes démarches ou interventions utiles ;
– suggérer les perspectives d’alliances opportunes avec les firmes étrangères.»
Ces objectifs très larges montrent, dès le départ, l’intérêt de la Direction Générale pour des prises de position dans les activités spatiales. Il est néanmoins précisé que le domaine d’activité du BAS est, en principe, limité aux activités spatiales civiles.
La responsabilité du BAS est confiée, dès le début, à Vladimir Altovsky, qui l’assume jusqu’à sa retraite en 1976. Il a pour adjoint, pendant les premiers mois, M. Doppler. Il aura ensuite, entre septembre 1963 et septembre 1965, un autre adjoint, Jacques Chaumeron, qui sera remplacé en 1965 par Jacques Pèlegrin.
En 1969, période de la fusion Thomson-CSF, le BAS est maintenu dans la nouvelle organisation et rattaché à la Direction des Affaires Civiles, sous l’autorité de Marc de Saint-Denis. Ses responsabilités sont alors étendues au domaine de l’aéronautique et il prend le nom de Bureau des Activités Aéronautiques et Spatiales.
À partir de 1976, le responsable du BAS est Michel Faingold, qui occupera ce poste jusqu’en mars 1978. Entre-temps, le BAS aura vu s’élargir ses responsabilités en devenant le Bureau Télécommunications et Radiocommunications Civiles du GTD (Groupe Transmission et Diffusion), toujours dirigé par Marc de Saint-Denis. En mai 1978, les responsabilités de ce Bureau sont transférées à la Division DFH et confiées à Michel Lasalle.
En novembre 1979, un Bureau des Affaires Spatiales (BAS) est remis en place au siège, au sein de la DAMAS (Direction des Affaires Militaires, Aéronautiques et Spatiales), dirigée par Raymond Paul. C’est Michel Lasalle, muté au siège, qui continue d’en assurer la direction. Il est supervisé par René Bulin, chargé d’y remettre en œuvre les Bureaux «Aéronautique et Spatial».
Pendant que la Direction Générale de Thomson veille à promouvoir et à coordonner les activités spatiales dans la Compagnie, certains directeurs d’unité se préoccupent de trouver lesquelles, parmi leurs spécialités techniques, pourraient, au prix de certaines adaptations, déboucher dans le domaine spatial. Deux grandes spécialités de Thomson sont susceptibles, a priori, de donner lieu à des développements :
– les télécommunications au sens large ;
– la localisation des objets spatiaux.
On voit donc les spécialistes de télécommunications de Gennevilliers et les radaristes de Bagneux rivaliser d’ingéniosité pour proposer des solutions aux problèmes que le CNES doit résoudre pour établir son infrastructure et pour, ensuite, exploiter ses satellites. Comme il s’agit, dans cette première phase, de satellites scientifiques, la fonction «télécommunications» se limite aux liaisons de télécommande et de télémesures. Quant à la fonction «localisation», elle donne lieu à une intense activité d’avant-projets et d’études «papier», entreprise par les sommités techniques des différentes divisions.
À Bagneux, Louis Gérardin publie, en juin 1963, un mémoire sur les différents procédés de localisation des véhicules spatiaux : radar et interférométrie. À Gennevilliers, Pierre Deman va plus loin et s’intéresse à la localisation des sondes lointaines avec les méthodes de lissage et d’affinement des résultats des mesures successives. Il faut préciser qu’à l’époque circule la rumeur suivante : «Les Américains ont décidé d’explorer la Lune. Laissons-la-leur. Nous, Européens, nous allons explorer les planètes du système solaire !!!» Ce genre de déclaration, faite au début des années soixante, est à comparer bien entendu avec les réalisations effectives. Peu à peu, l’enthousiasme sera tempéré par des considérations budgétaires.
Le même Pierre Deman publie en 1962 les résultats d’une étude sur un réseau d’interconnexion de télécommunications par satellite géostationnaire, sujet très délicat à une époque où la faisabilité d’un tel réseau est très contestée. C’est au milieu de cette agitation qu’arrive, au début de l’année 1963, le premier appel d’offres du CNES pour la fourniture de stations de localisation de satellites.
Deux unités de Thomson décident d’y répondre : le Département Radars de Surface, de Bagneux, sous l’impulsion de son Directeur Technique Maurice Chabrol, et le Département Télécommunications, sous l’impulsion de son Directeur Pierre Chavance. Bagneux suggère une solution radar, le principal artisan de la proposition étant Louis Gérardin. À Gennevilliers, Claude Michaud est chargé de rédiger une proposition basée sur l’interférométrie, où les antennes devraient être fournies par la société Starec.
Face à cette concurrence entre deux unités de la Compagnie, le BAS s’abstient de tenter d’arbitrer, car les deux solutions proposées étant très différentes, les chances de gagner de la Compagnie se trouvent augmentées.
L’offre concurrente qu’il y a lieu de craindre est celle de CSF. Cette société, sous l’impulsion de Jean-Claude Simon, a déjà réalisé et présenté une maquette d’interféromètre et possède donc, en principe, une certaine avance. C’est dans le courant de l’été 1963 que le CNES décide d’attribuer son marché numéro un au Département Télécommunications de Gennevilliers qui offre un matériel plus simple et donc moins cher que celui de ses concurrents. Deux stations sont commandées et, baptisées stations Diane, installées respectivement à Prétoria et Hammaguir. Plus tard, l’ESRO commandera une station que l’on installera à Redu (Belgique). Le chef de projet de ce programme sera Rémy Baud.
La lutte, qui avait pris un ton très aigu entre Thomson et CSF sur le marché numéro un du CNES, se poursuivra à l’occasion du marché numéro deux portant sur les stations de télémesures et télécommande Iris. Mais, comme nous le verrons plus loin dans le chapitre consacré à CSF, c’est cette dernière qui l’emportera.
En fait, les matériels terrestres, à l’exception des matériels d’essais des équipements de satellites, ne feront pas, dans la suite, partie des responsabilités des unités ayant précédé la création d’Alcatel Espace. C’est pourquoi nous allons, dans ce qui suit, évoquer uniquement les matériels embarqués.
Au début de l’ère spatiale, les fréquences attribuées et utilisées pour les liaisons avec les satellites se trouvent dans la bande VHF : 136 à 138 MHz pour les liaisons descendantes de télémesures et 148 à 150 MHz pour les liaisons montantes de télécommande. Or il existe à Thomson un service, dirigé par Pierre Vivet, chargé des études de petits matériels de transmissions militaires fonctionnant dans
la bande VHF. Ce service vient, en 1964, d’être intégré
au Département Télécommunications dirigé par Pierre Chavance à Gennevilliers.
Lorsque le CNES lance ses appels d’offres pour équiper les premiers satellites scientifiques devant être lancés par la fusée Diamant, il apparaît évident que l’équipe Vivet doit tenter sa chance pour les matériels radio VHF. C’est ainsi que le récepteur de télécommande du satellite D1, lancé le 17 février 1966, est étudié et fabriqué à Gennevilliers sous la direction de Roland Gosmand, assisté par Jean-Paul Sigwald.
Dans le même satellite, le modeste décodeur de télécommande, étudié à Gennevilliers (huit ordres) par Sylvain Fontanes, complète la fourniture de Thomson. Il est basé sur la détection successive de deux tonalités de fréquences différentes.
Ce sont les débuts d’une longue lignée de matériels étudiés et fabriqués à Gennevilliers, Vélizy, puis Meudon, jusqu’en 1983, soit pendant une vingtaine d’années, sous la direction de Roland Gosmand avant d’»émigrer» à Toulouse où ils constitueront l’une des lignes de produits d’Alcatel Espace.
Gennevilliers n’est pas le seul centre de Thomson à tenter sa chance dans le domaine spatial. Le centre de Bagneux ne reste pas inactif. Les études de Jean-Edgar Picquendar sur la conversion thermoïonique, dérivées des activités sur les tubes électroniques, sont pendant quelque temps orientées vers une possible source d’énergie électrique à bord des satellites.
Dans le même but, M. Lemaignen mène un certain nombre d’études sur les piles à combustible. Cette dernière technique ne débouchera pas dans les satellites proprement dits mais elle sera couramment utilisée dans la navette spatiale américaine pour y produire de l’énergie électrique et de l’eau. Les radars Aquitaine et Bretagne, conçus et réalisés à Bagneux, seront parmi les matériels de base utilisés pour la trajectographie des lanceurs, d’abord à Hammaguir et ensuite à Kourou.
Enfin, c’est à Bagneux que se dessinent les premiers contours du rassemblement d’unités qui deviendra la Division MRA (Matériels Radars Aéroportés) en 1966 puis la Division MAS (Matériels Aérospatiaux) en 1969.
Au sein du Groupement Radars Engins Calculateurs, implanté à Bagneux et dirigé par Georges Galleret, le Département C, avec à sa tête Georges Boissinot, est chargé du domaine des radars aéroportés et des missiles, d’où une tendance naturelle à s’intéresser au domaine de l’électronique des lanceurs et des satellites. Deux des premiers actes du Département C dans le domaine spatial sont des propositions pour des études de phase A, en réponse à des appels d’offres du CNES. La première proposition porte sur l’étude préliminaire d’un dispositif de contrôle d’attitude utilisant le gradient de gravité.
La seconde, quelques semaines plus tard, au cours de l’automne de 1963, porte sur une étude de phase A d’un satellite astronomique qui doit remplir une mission voisine de celle du satellite américain OAO (Orbiting Astronomical Observatory) en cours d’étude chez General Electric. La CFTH et General Electric ont un accord permanent (general agreement) d’assistance technique mutuelle et d’échange de brevets, qui a surtout, jusqu’alors, été mis en pratique dans le domaine des matériels «grand public». Le moment est venu d’en tirer avantage dans le domaine spatial.
C’est ainsi que, pour recevoir une aide dans la rédaction de la première proposition, une équipe composée de Gérard Hutteau, ingénieur au Département C, M. Georgel et son collègue mathématicien M. Hubert, tous deux ingénieurs au Bureau d’Études de Bagneux, et Jacques Chaumeron, du Bureau des Activités Spatiales du Siège, partent pour une semaine chez GE à Valley Forge.
Les moyens technologiques de réaliser une stabilisation par gradient de gravité sont connus : des masselotes placées aux extrémités de tubes déroulables, dont le seul fournisseur à l’époque est de Havilland, au Canada. Pour amortir les oscillations suivant le déploiement des tubes, le seul procédé envisageable utilise des courants de Foucault et le champ magnétique terrestre. Moyennant quoi, de longs développements mathématiques sont nécessaires pour aboutir à un dispositif stable, qui veuille bien orienter le satellite dans le bon sens et non «la tête en bas», et qui ne mette pas des années pour s’amortir sur la position d’équilibre.
C’est là qu’apparaît une grande différence de culture entre les ingénieurs américains et français. Les Américains, qui disposent déjà d’ordinateurs, leur font une confiance presque absolue sans chercher eux-mêmes à utiliser les méthodes de raisonnement, parfois très simples, auxquelles sont habitués les ingénieurs français qui, eux, ne disposent pas encore d’ordinateurs, au moins pour leurs activités courantes.
On voit par exemple M. Hubert, lassé du temps que mettent les Américains à préparer les données qui doivent entrer dans l’ordinateur et à traduire ensuite les résultats, se précipiter au tableau noir et définir en quelques minutes les zones de stabilité du système à partir du produit et de la somme des racines d’une équation du troisième degré sans terme du second degré. Il lui faudra ensuite discuter longuement pour convaincre ses interlocuteurs de la justesse d’un raisonnement qui, en France, serait à la portée de n’importe quel élève de «math sup.». Finalement, l’équipe est malgré tout en mesure de préparer une «honnête» proposition qui n’aura malheureusement pas l’honneur d’être retenue par le client.
Dans la seconde proposition, c’est une équipe composée de Pierre Schun, chef de projet, et à nouveau de Gérard Hutteau et Jacques Chaumeron, qui se présente à Valley Forge. L’accueil y est beaucoup moins enthousiaste. Visiblement, on ne souhaite pas que les Français prennent la mauvaise habitude de venir trop souvent rechercher une assistance technique qui, aux termes du general agreement, reste gratuite dans certaines limites.
Après quelques discussions, le dialogue finit par s’établir mais la proposition que rédige ensuite l’équipe Thomson pour le CNES n’est pas d’une qualité exceptionnelle. Malgré les compétences générales mises en œuvre aussi bien en électronique qu’en mécanique, avec le soutien du Bureau d’Études de Bagneux, bien plus d’une semaine de formation aurait été nécessaire pour déjouer les pièges rencontrés dans la définition d’un satellite. Néanmoins, l’honneur est sauf et la CFTH a manifesté sa présence auprès du CNES.
Dans les années suivantes, en 1965, le Département C se transforme en Division MRA (Matériels Radars Aéroportés) dont Maurice Fromaget prend la direction jusqu’en 1967. Il sera alors remplacé par Louis Julien-Binard. Sous l’impulsion de son Directeur Technique, Michel Carpentier, la Division MRA explorera les disciplines où son expérience pourra donner lieu à des applications dans le domaine spatial.
C’est à cette époque que le premier satellite expérimental du CNES, mis en orbite par la première fusée Diamant et destiné uniquement à préciser l’orbite atteinte, emporte pour seuls matériels électroniques un répondeur radar, fourni par Motorola, avec une antenne réalisée à Bagneux par le Département C, puis la Division MRA. Le lancement de ce satellite, baptisé Astérix, a lieu le 26 novembre 1965. Cette antenne, à l’étude de laquelle a participé Marcel Palazo, chef du Service Hyperfréquences du Département C, puis de la Division MRA et enfin du Département ESA, est une antenne diélectrique constituée d’un guide circulaire rempli de Téflon qui se termine par un «champignon» de Téflon afin d’élargir le diagramme du guide circulaire ouvert en favorisant le rayonnement latéral. Cette antenne fonctionne en bande C (5-6 GHz). Une dizaine d’exemplaires en seront vendus au CNES par le commerçant Michel Ducros. Cette antenne sera le seul matériel pour satellites réalisé par la Division MRA avant la fusion de Thomson avec CSF et l’arrivée des équipes venant de Corbeville (CSF) et Gennevilliers (Thomson).
Il y a lieu enfin de rappeler une des premières études effectuées en direction des autorités militaires : il s’agit de l’étude de faisabilité d’un satellite d’écoute et d’identification des émissions radioélectriques (SARAH). La mission à remplir doit à l’époque être relativement modeste en raison des contraintes de masse imposées au satellite : 60 kilos maximum. L’étude est effectuée au cours de l’année 1965 en collaboration entre deux équipes, l’une au GSER (Groupement Systèmes Électroniques et Radars) de Bagneux, animée par M. Villepelet, l’autre de la Divi-
sion RTT (Radio, Télévision, Télécommunications) de Gennevilliers, animée par Pierre Deman, l’ensemble étant coordonné par Jacques Chaumeron qui, initialement au BAS (Bureau des Activités Spatiales) du siège, rejoindra le Département Télécommunications de la Division RTT en septembre 1965.
2.2 – La télémesure et la télécommande à Gennevilliers
Les débuts
C’est en 1964 que le CNES lance ses premiers appels d’offres pour équiper les satellites qui doivent être mis en orbite par le lanceur Diamant. Le Service NF, au Département Télécommunications, qui fait partie de la Division RTT (Radiodiffusion, Télévision, Télécommunications) est alors dirigé par Pierre Vivet. Il est chargé de l’étude de matériels de télécommunications militaires portables, compacts, légers et robustes, fonctionnant dans les bandes VHF et UHF. Ce service est donc naturellement désigné par Pierre Chavance, Directeur du Département, pour répondre à un appel d’offres du CNES concernant l’étude et la fourniture d’un ensemble récepteur-décodeur de télécommande à embarquer à bord du satellite D1. L’offre est retenue par le CNES et constitue le début d’un enchaînement de programmes qui vont être énumérés ci-dessous. Le satellite D1 sera lancé le 17 février 1966.
En 1965, Pierre Vivet, appelé au sein de l’état-major du Département, cède la direction du Service NF à Roland Gosmand, qui sera le responsable des activités télémesure, télécommande, localisation (TM-TC) jusqu’à fin 1981, au début des préparatifs du transfert vers Toulouse. Au programme D1A succédera le programme Intelsat II dans lequel le client sera Hughes Aircraft et qui sera exécuté en 1965-66. Les lancements où figure notre matériel auront lieu le 11 janvier 1967 pour Intelsat IIA et le 22 mars 1967 pour Intelsat IIC.
Le Service NF y assure la réalisation sur plans, la mise au point et les essais des émetteurs de télémesure VHF. Au cours de la même période, l’activité augmente d’une manière importante avec la réalisation de :
– douze récepteurs de télécommande ;
– douze décodeurs de télécommande ;
– douze duplexeurs ;
– deux exemplaires de l’équipement de tests de télécommande ;
pour les satellites ESRO IA, ESRO IB, ESRO IIA, ESRO IIB lancés respectivement le 3 octobre 1968, le 1er octobre 1969 (échec au lancement), le 30 mai 1967 (échec au lancement) et le 17 mai 1968. Dans les deux cas, le client final est l’ESRO et les clients directs sont les maîtres d’œuvre LCT pour ESRO I et Hawker Siddeley pour ESRO II. L’ESRO commande de plus, en 1965, plus de cent émetteurs VHF pour fusées sondes (230 MHz) qui sont réalisés à Gennevilliers sous la direction du Service NF.
Les progrès
Une étape supplémentaire est franchie en 1966 lorsque, pour l’ESRO, et sous la maîtrise d’œuvre d’ensemble de Dornier Systems, le Service NF se voit confier la maîtrise d’œuvre du sous-système TM-TC des satellites HEOS A1 et HEOS A2, qui seront lancés respectivement le 5 décembre 1968 et le 31 janvier 1972.
Le Service NF sous-traite à la SAT le codeur de télémesure et réalise lui-même à Gennevilliers, au cours des années 1966 et 1967, les matériels suivants :
– récepteurs de télécommande en VHF ;
– émetteurs de télémesure en VHF ;
– duplexeurs et coupleurs d’antenne ;
– décodeurs de télécommande ;
– boîtiers de mesure de distance utilisés pour extraire du récepteur de télécommande trois fréquences harmoniques déphasées et les réinjecter dans l’émetteur de télémesure.
Dans ce premier programme, qui nécessite une coordination des réalisations des différents éléments et leur intégration dans un sous-système, un chef de projet est désigné pour diriger ces tâches. Ce premier chef de projet est Jean-Paul Sigwald. C’est également à Gennevilliers, à partir de 1968, que débute l’exécution du programme Intelsat IV et du sous-système télémesure-télécommande du satellite Symphonie. À cause de leur importance, chacun de ces programmes fera l’objet d’un chapitre particulier.
En plus de ceux déjà cités, et parce qu’ils sont peu nombreux, il nous paraît opportun de mentionner, sans aucun ordre hiérarchique, les noms de ces ingénieurs et techniciens qui développeront les premiers matériels pour satellites à Gennevilliers. Il s’agit de MM. Crenol, Dimant, Fontanes, Hayard, Lancrenon, Le Henaff, Nielloux, Riboni et Roulet. Si, par malheur, nous en avions oublié quelques autres, qu’ils veuillent bien nous en excuser. Il convient également de citer le commerçant responsable de toutes ces affaires, Pierre Gautier, qui continuera dans le spatial jusqu’à sa retraite.
Les moyens de fabrication dans la période 1964-1969
Compte tenu des spécificités de la fabrication des matériels spatiaux : objectifs de fiabilité, faible nombre d’équipements d’un même type, etc., une première salle propre est construite à Gennevilliers. Une équipe d’une dizaine de personnes y travaille, comprenant encadrement, câbleurs et contrôleurs. Les critères de qualité sont définis par des documents du CNES (et de Hughes pour les matériels le concernant), et les contrôleurs et câbleurs sont entraînés pour que leur travail satisfasse à ces critères.
Deux catégories de câblage sont utilisées à Gennevilliers ; les composants, à cette époque, sont des composants discrets : câblage classique pour les équipements RF, modules «cordwood» à circuits imprimés pour les équipements «bande de base». La soudure à l’étain est seule utilisée.
Les équipements RF sont constitués par des châssis alvéolés en aluminium, taillés dans la masse et ensuite dorés. Après le câblage, un premier réglage et le contrôle des performances par le Service Technique, les alvéoles sont remplis de mousse expansée (eccofoam) pour la tenue aux vibrations. Le matériel est ensuite à nouveau réglé, contrôlé en performances, et subit les essais de qualification ou de vol suivant le cas : essais électriques, thermiques, mécaniques, d’abord en pré recette, ensuite en recette en présence du client.
Les équipements bande de base sont réalisés en modules «cordwood» à circuits imprimés doubles couches trous métallisés, puis, un peu plus tard, multicouches. Une fois le câblage et les performances électriques contrôlés, les modules sont «pottés» en mousse expansée, vérifiés à nouveau et assemblés sur un circuit imprimé. L’ensemble est fixé dans un cadre en aluminium supportant les connecteurs et subit un «potting» final.
L’équipe de la salle blanche doit donc s’exercer à satisfaire les critères de qualité concernant câblage et soudures, à réaliser convenablement les pottings, à mettre en place un système de fiches suiveuses détaillant toutes les opérations de fabrication, de contrôle et d’essais. À cette époque, il n’existe pas de composants qualifiés spatiaux en France et l’on est forcé de commander ces composants aux États-Unis. Un contrôle rigoureux à leur réception s’avérera nécessaire, car à plusieurs reprises certains responsables auront l’impression que l’on essaye de leur écouler des lots refusés par la NASA.
En 1969, à la suite du contrat Intelsat IV, le module cordwood est abandonné au profit d’une technologie d’assemblage utilisée par Hughes et plus appropriée aux boîtiers «flat pack» alors disponibles. Les boîtiers sont collés sur une barrette d’aluminium formant puits thermique. Des grilles métalliques encollées sur des bandes isolantes les séparant permettent d’interconnecter les boîtiers entre eux et avec l’extérieur. Les soudures entre pattes des boîtiers et grilles sont des soudures électriques.
Cette nouvelle technologie d’assemblage intervenant par ailleurs à un moment de réorganisation des activités spatiales, suite à la fusion Thomson-CSF, une nouvelle salle blanche, plus importante, plus performante au niveau de la propreté et de la climatisation, est construite à Vélizy, où sont regroupées toutes les activités spatiales embarquées de la nouvelle société.
La première «grande» proposition
Au début de l’année 1966, l’ESRO lance un appel d’offres pour deux satellites scientifiques «lourds», dénommés TD1 et TD2 simplement parce que leur futur lanceur doit être la fusée américaine Thor-Delta.
En vue de cette réalisation, l’ESRO encourage les industriels européens à constituer des consortiums. La participation de Thomson puis de Thomson-CSF aux consortiums successifs EST et STAR sera exposée dans un chapitre séparé. Sur le plan pratique, après concertation avec le Bureau des Activités Spatiales, il est décidé que le Département Télécommunications pilotera la réponse à cet appel d’offres. Les matériels à proposer ne peuvent porter que sur la télémesure et la télécommande.
Le consortium EST (European Space Team) est formé de Elliott Automation Ltd (Royaume-Uni), Compagnie Française Thomson-Houston (France), FIAR (Italie), Fokker (Pays-Bas) et ASEA (Suède). Aucun de ses membres n’ayant encore acquis l’expérience de la gestion d’un programme de satellite, pas plus d’ailleurs que ses concurrents, il est décidé de faire appel aux conseils d’une société américaine ayant ce genre d’expérience. Le choix se porte sur General Electric, à cause des relations très anciennes que cette société entretient avec Thomson.
À Gennevilliers, les effectifs pouvant être affectés à ce travail de proposition ne sont pas très importants et le Service NF se trouve dans une période de surcharge. Il faut donc faire feu de tout bois. C’est ainsi que Jacques Chaumeron et Pierre Vivet sont appelés à revenir travailler dans le domaine spatial pour les besoins de cette proposition. Pour la fonction commerciale, on fait appel à Alphonse Piche, qui découvre à cette occasion le domaine spatial. Tous trois partent à Valley Forge pour une première période de deux semaines, durant laquelle General Electric et les membres du consortium doivent définir les principales caractéristiques de chacun des deux satellites à proposer ainsi que les objectifs de prix, établir le plan de la proposition et un programme de travail pour les différents partenaires, en vue d’une seconde réunion à tenir un mois plus tard pour mettre la proposition dans sa forme finale. Thomson obtient la responsabilité de l’ensemble du sous-système télémesure-télécommande.
Bien que cette tâche entre parfaitement dans son domaine de compétences, et bien qu’elle soit la seule parmi les Européens du consortium à faire état d’une expérience de matériel en orbite, puisque le satellite D1 a été lancé quelques semaines auparavant, l’équipe de Gennevilliers découvre avec stupeur l’énorme volume de documents que les Américains ont l’habitude de produire dans une proposition.
Au prix de quelques nuits blanches, et grâce à la participation de Roland Gosmand qui renforce l’équipe au cours du second séjour à Valley Forge, la proposition est prête aux premières heures de la matinée, le jour où elle doit être expédiée à l’ESRO. La traduction en anglais d’une partie des textes produits à Gennevilliers a été effectuée dans l’avion entre Paris et Philadelphie.
Les prix proposés par les trois consortiums concurrents s’échelonnent d’environ 16 millions à 19 millions d’unités de compte. Le consortium MESH, qui est le moins disant, l’emporte, mais l’ESRO, dans le cadre d’un marché en dépenses contrôlées, doit débourser près du double pour obtenir finalement le seul satellite TD1 et décider l’annulation de la suite du programme. L’équipe de Thomson, bien que déçue, a au moins acquis quelque expérience sur la rédaction d’une proposition de satellite et sur les méthodes de gestion d’une telle entreprise.
Les autres activités liées à l’espace
Durant les premières années de l’ère spatiale, les équipes de Gennevilliers étudient et réalisent également pour le CNES divers matériels d’infrastructure au sol :
– un système de réception de télémesure PFM, travaillant en bande de base entre 5 et 15 kHz, pour les satellites de la famille Diamant. Le système est basé sur une boucle d’asservissement phase/fréquence fonctionnant sur une plage voisine de l’octave, avec une très bonne résolution et un temps d’acquisition très rapide ;
– un système de réception de télémesure PCM destiné aux satellites des familles suivantes ;
– un système de distribution du temps destiné au centre spatial de Kourou pour apporter aux différents sites du centre une information horaire synchrone à la milliseconde, et recalée en absolu sur les systèmes de distribution radioélectrique du temps (WWV…), avec une précision de quelques millisecondes. L’information horaire est disponible dans les différents sites en conformité avec les divers standards numériques en usage sur la base. Le système, conçu à la Division DTC de Gennevilliers en coopération avec une petite société, est développé en relation avec Lepaute, et entièrement intégré et installé à Kourou par DTC. Sa précision et sa stabilité sont obtenues grâce à des sources de fréquences au rubidium réalisées par Rohde et Schwarz.
Pour l’ESRO, la Division DTC réalise des équipements de distribution du temps destinés aux centres de commande et de suivi de lancement des satellites de cette agence. Ces équipements, déduits de ceux déjà fournis au CNES, doivent, dans chacun des centres, fournir une information horaire synchrone dans les standards numériques en usage.
2.3 – Les débuts des activités spatiales à CSF
Au début des années soixante, le Département de Physique Appliquée (DPA) de CSF fait des études dans un certain nombre de disciplines pouvant avoir des applications dans le domaine spatial.
Un article publié dans le numéro 21 de CSF Revue, daté du troisième trimestre 1962, donne des détails sur les domaines concernés qui sont :
– les plasmas ;
– les lasers ;
– un satellite base de temps ;
– les ondes millimétriques ;
– la stabilisation électronique des satellites (précurseur des antennes contrarotatives) ;
– l’interférométrie ;
– la conversion thermo-ionique ;
– la propulsion électrique.
Dans ce même numéro de CSF Revue est annoncée la création, dans le cadre du Département de Physique Appliquée, d’un Groupement d’Études Spatiales (GES) avec, pour Directeur, Jean-Claude Simon, assisté d’Edmond Weygand. Le rôle de ce Groupement est de centraliser tous les problèmes relatifs à l’espace, c’est-à-dire aux satellites et à leur exploitation. Il n’a pas de services de production ; par contre, il peut faire fabriquer les matériels dans l’usine de CSF qui lui paraît la mieux adaptée aux buts qu’il poursuit.
C’est de ce Groupement que font partie, à ses débuts, Michel Bellenger, Jacques Dupraz, Serge Landesmann et Guy Plottin.
L’une des premières études réalisées par le GES pour le compte du CNES est celle de la faisabilité d’une mission terre-lune.
En 1962, à la suite d’un accord avec la société américaine General Dynamics, une filiale commune est créée, la SESTRO, dont le Président est Guy Muzard, et le Directeur Technique Guy Plottin.
Cette société, plutôt orientée vers les disciplines relatives aux lanceurs et à la trajectographie, étudiera et réalisera, entre autres, au cours des années 1963 et 1964, le système de sauvegarde du champ de tir des Landes.
En 1963 ont lieu les premières compétitions pour les matériels d’infrastructure du CNES : les stations de localisation des satellites et les stations de télémesure et de télécommande.
Anticipant sur les besoins à venir, Jean-Claude Simon a, bien avant l’annonce de l’appel d’offres du CNES, lancé l’étude d’un interféromètre dont les applications peuvent s’étendre de la trajectographie des fusées en général (missiles et lanceurs) à celle des satellites. Au moment de la sortie de l’appel d’offres, une maquette fonctionne déjà sur la base de Nançay.
Malheureusement, comme il a été indiqué dans le chapitre consacré à Thomson, après une sévère compétition, l’affaire est perdue par CSF.
Quelques grands anciens assistent à une cérémonie à Alcatel Espace en 1986. On reconnaît au premier rang, de gauche à droite : Yves Farbos (Service Commercial à Corbeville puis à Meudon), Guy Plottin (dernier Directeur des Études Spatiales à CSF), Louis Julien-Binard (Directeur des Divisions successives MRA et MAS de 1967 à 1970), Claude Roche (chef du Service Marketing à Alcatel Espace), Jean-Claude Husson (futur P-DG d’Alcatel Espace) et Hubert Curien (ancien Président du CNES et ancien ministre de la Recherche).
Mais il en sera autrement pour l’appel d’offres numéro deux du CNES qui porte sur les stations d’émission de télécommande et de réception de télémesures. Cette fois, c’est CSF qui gagne contre Thomson le marché des stations Iris, pour un montant qui représente une charge industrielle largement supérieure à celle du marché des stations d’interférométrie Diane que Thomson a gagné. La fourniture porte sur six stations, dont deux mobiles et quatre fixes, qui sont installées initialement au Liban, à Brétigny, Pretoria, Ouagadougou, Brazzaville et Hammaguir. La maîtrise d’œuvre pour l’exécution du marché est assurée par le GES qui sous-traite la réalisation des matériels au Département Aéronautique dirigé par Antonin Gayffier, ce département faisant partie du Groupement civil professionnel dirigé par Michel Barré. Le chef de projet est Pierre Dautremont, et les travaux sont effectués dans l’usine de Sartrouville.
C’est à partir de l’année 1964 que CSF entre réellement dans le domaine des matériels embarqués à bord de satellites en gagnant deux contrats successifs. Le premier concerne un oscillateur ultra-stable qui est installé à bord de FRI, premier satellite du CNES mis en orbite le 6 décembre 1965 par une fusée américaine Scout. Le second, qui marque le départ d’une longue lignée de matériels, porte sur la fourniture de l’émetteur de télémesures en VHF du satellite D1A, premier de la série Diamant, lancé le 17 février 1966, et de son oscillateur local.
L’oscillateur ultra-stable de FRI est réalisé par une filiale de CSF, la CEPE (Compagnie Européenne de Piezo-Électricité), spécialisée dans ce domaine, avec la participation du GES.
L’émetteur de télémesures et l’oscillateur local de D1A qui sont suivis de ceux de D1C (08-02-1967) et D1D (15-02-1967) sont réalisés au GES à Corbeville, par Willy Martini et son équipe, dont ce sont les débuts dans le domaine des matériels spatiaux embarqués.
Pendant ce temps, l’organisation évolue. Appelé au sein de l’état-major du Président Maurice Ponte, Jean-Claude Simon quitte la Direction du DPA où il est remplacé en 1965 par Georges Broussaud. Le GES devient la DES (Direction des Études Spatiales) et Edmond Weygand en prend la direction.
l sera remplacé en 1966 par Guy Plottin au moment où la DES, qui aura évolué vers une activité industrielle, sera rattachée au Groupement civil professionnel, toujours dirigé par Michel Barré. C’est vers cette période que CSF commencera à s’intéresser à un avant-projet de satellite français de télécommunications, en collaboration avec Nord-Aviation en premier lieu. Sud-Aviation et SAT rejoindront l’équipe par la suite.
Le concurrent Thomson, qui s’intéresse également au projet, n’y est évidemment pas le bienvenu. Lorsqu’en 1967 le projet devient franco-allemand, des liens étroits sont noués entre CSF et Siemens qui s’est allié du côté allemand avec AEG-Telefunken.
C’est le CNES qui prend la décision d’imposer, dans les réponses à l’appel d’offres pour le satellite Symphonie, la séparation, dans des consortiums concurrents, des électroniciens français et allemands.
Finalement, comme il sera exposé dans le chapitre consacré à Symphonie, la fusion de Thomson et CSF aboutit à l’admission de la nouvelle société Thomson-CSF dans le groupe de Nord-Aviation qui prendra le nom de CIFAS.
À la suite de la décision de fusion entre Thomson et CSF, décrite plus loin, et en particulier d’une note datée du 16 mai 1968 et signée conjointement par André Danzin de CSF et Jean-Pierre Bouyssonnie de Thomson, les équipes de la Direction des Études Spatiales sont rattachées à la Division MRA de la nouvelle société. Elles rejoindront progressivement l’usine de Vélizy d’où une partie sera détachée au groupe de projet Symphonie installé dans l’établissement des Mureaux de Nord-Aviation.
Au moment du transfert à Vélizy, l’équipe de Willy Martini a gagné le marché correspondant à l’appel d’offres 2020 du CNES pour la fourniture, dans le programme Eole, des matériels d’émission-réception UHF embarqués à bord du satellite, et destinés à assurer les liaisons avec les ballons utilisés pour étudier le régime des vents dans l’hémisphère sud. Elle a également entamé, pour le CNES, l’étude des émetteurs-récepteurs chargés, à bord des ballons, d’assurer la liaison avec le satellite. La quasi-totalité de ce programme se déroulera à Vélizy.
La même équipe a étudié puis entrepris la fabrication de récepteurs destinés à équiper les lanceurs Europa, ou éventuellement d’autres lanceurs, afin de recevoir si nécessaire un signal d’autodestruction du lanceur en cas de déviation anormale de la trajectoire prévue. La fabrication de ces récepteurs baptisés RTG (Récepteurs de Télécommande Guyane) sera poursuivie à Vélizy.
Enfin, au début de l’année 1968, CSF a participé à la proposition de la société Lockheed pour les satellites Intelsat IV, les liens entre CSF et Lockheed ayant été établis avant la fusion avec Thomson
2.4 – Le spatial après la création de Thomson-CSF
La fusion de CSF et du Groupe Électronique de Thomson, annoncée par un communiqué commun le 13 septembre 1967, sera réalisée en plusieurs étapes.
Le 1er novembre 1968, la majeure partie du Groupe Électronique de Thomson est constituée en filiale, la CETH (Compagnie d’Électronique Thomson-Houston). La quasi-totalité des actions de CETH est apportée, par décision du 22 novembre 1968, à la CSF qui prend alors le nom de Thomson-CSF. Dès mars 1968, Paul Richard, vice-Président de Thomson-Brandt, a été nommé Président de CSF.
Finalement, la fusion de CETH avec Thomson-CSF est approuvée le 22 décembre 1969 avec effet rétroactif au 1er janvier 1969. Les unités chargées des activités spatiales embarquées dans les deux compagnies suivent une évolution analogue. Au début des opérations de fusion, elles comprennent :
– la Direction de l’Électronique Spatiale de CSF installée à Corbeville ;
– la Division MRA (Matériels Radar Aéroportés) de Thomson installée à Vélizy ;
– la Division Télécommunications (DTC) de Thomson installée à Gennevilliers.
Une note signée conjointement par Jean-Pierre Bouyssonnie, de Thomson, et André Danzin, de CSF, et datée du 16 mai 1968, confirme la responsabilité du Bureau des Activités Spatiales, dirigé par Vladimir Altovsky, d’assurer «la mise en œuvre de la politique spatiale du nouvel ensemble électronique» et de «coordonner les activités dans tous les domaines». Le BAS est rattaché au directeur des affaires civiles et spatiales, Michel Barré. La même note confie la responsabilité des affaires concernant les satellites à la Division MRA qui devra donc, par la suite, «prendre en charge tous les marchés correspondants, qu’ils concernent la maîtrise d’œuvre de satellites entiers, la réalisation totale ou partielle de leur électronique, y compris celle de leurs équipements d’essais».
La Division MRA reçoit d’abord les effectifs de la Direction de l’Électronique Spatiale de CSF, et c’est ainsi que les commerçants Guy Muzard et Yves Farbos, puis Willy Martini et son équipe technique, rejoignent Vélizy en 1969. Ce n’est qu’un peu plus tard, au début de 1970, que Roland Gosmand et son équipe chargée des matériels de télémesure et de télécommande quitteront Gennevilliers pour s’installer à Vélizy. En fait, les équipes de Thomson et de CSF travaillent déjà ensemble depuis plusieurs mois sur la proposition du satellite Symphonie dont l’appel d’offres a été lancé le 29 janvier 1968. Ce programme, étant donné son importance, fait l’objet d’un chapitre particulier. Nous mentionnerons simplement ici que, dès le milieu de 1967, Thomson et CSF se sont rencontrées au sein d’un groupe de travail préparatoire qui, sous l’égide de Nord Aviation, aboutira à la constitution du consortium CIFAS (Consortium Industriel Franco-Allemand pour le satellite Symphonie).
Au sein de ce groupe de travail, et comme on pouvait s’y attendre, les attitudes de Thomson et de CSF, représentées respectivement par Vladimir Altovsky et Jacques Chaumeron d’une part, et Michel Barré et Guy Plottin d’autre part, sont, au début, quelque peu «concurrentielles» car il y a à l’arrivée un «gâteau» à se partager : l’électronique du satellite. Cette émulation bien compréhensible se calme naturellement en septembre 1967, après l’annonce de la fusion des deux sociétés. On voit alors la Division MRA de Thomson coopérer avec le Département Télécommunications de CSF implanté à Levallois, pour la définition des répéteurs du satellite, tandis que la Division DTC de Thomson s’intéresse aux équipements de télémesure et de télécommande.
La Division MRA installée à Vélizy depuis juillet 1967, et qui prendra, dans le courant de 1969, le nom de MAS (Matériels Aérospatiaux) pour indiquer qu’elle ne se cantonne plus désormais dans le domaine des radars mais étend son activité à l’ensemble des matériels d’avionique et d’électronique de satellites, est alors dirigée par Louis Julien-Binard. Son effectif, réparti entre Vélizy et Bezons, centre provenant de l’absorption des Laboratoires Derveaux par l’intermédiaire de la filiale Cotelec, est d’environ neuf cent soixante-dix personnes.
La partie de cet effectif affectée aux activités spatiales, constituée de quelques personnes avant le démarrage des activités Symphonie et Intelsat IV, atteindra, avec le développement de ces affaires et le regroupement des services provenant d’autres unités, environ trois cents personnes à la moitié de 1970, date de la création du Département Espace-Satellites, chargé exclusivement des activités liées aux satellites.
Parmi les responsables qui contribuent, à cette époque, au développement des activités spatiales à Vélizy, on doit citer Roger Pagazani, Directeur Technique, Henri Familier, adjoint direct de Louis Julien-Binard et chargé spécifiquement de la supervision de ces activités spatiales, Louis Bonaria qui supervise l’aspect technique de ces activités, Francis Violet, qui en supervise l’aspect fabrication, et enfin Marcel Putz dont la principale tâche est d’écrire le premier manuel de qualité, travail qu’il effectue dans la solitude et avec peu de moyens pour le mettre en pratique. Ce premier manuel sort en février 1970. C’est pendant cette période, que l’on pourrait qualifier de «mise en pression», que sont réalisés les premiers investissements importants relatifs à l’espace.
Dans l’usine neuve de Vélizy, outre les moyens d’essais mécaniques utilisés surtout pour l’avionique et un peu pour l’espace, Louis Julien-Binard fait aménager, pour le montage-câblage des équipements spatiaux, une salle blanche de classe 100 000 et une salle dite «grise» de qualité un peu inférieure et utilisée pour l’ensemble des autres fabrications exigeant quelques précautions de propreté.
Les plus anciens se souviennent de la «cérémonie» d’entrée en salle blanche, où le passage par un sas dans lequel on subissait une violente «douche d’air» s’ajoutait à la classique utilisation des blouses, bonnets et autres pantoufles.
Les principaux programmes de cette période sont Intelsat IV, qui permettra aux équipes qui y participeront de faire un véritable apprentissage de la technologie et des méthodes de travail du domaine spatial, Eole, qui donnera lieu à quelques difficultés dans les relations avec le CNES, HEOS, programme sans histoire qui sera un réel succès et pour lequel l’équipe de Roland Gosmand s’initiera aux responsabilités d’un maître d’œuvre de sous-système, et enfin Symphonie, qui en est à son début et qui se poursuivra jusqu’en 1974.
La Direction de MAS ressent déjà la nécessité, pour de multiples raisons, de séparer les activités spatiales des autres activités d’avionique. Dans le but d’initier cette opération, Jean-Paul Guinard, ingénieur au CNES, est embauché le 1er mars 1970.
À peine a-t-il commencé à se familiariser avec la société que survient la décision de fusionner la Division MAS (ex-Thomson) avec la Division MAV (ex-CSF), ce qui conduit à une complète réorganisation et à la création d’un département entièrement responsable du domaine des satellites. C’est ce département qui, créé le 1er juillet 1970, donnera naissance, douze ans plus tard, à la Division Espace et, quatorze ans plus tard, à une société nommée Alcatel Espace